L’appétit d’ogre de BYD, prêt à croquer le marché automobile européen

Les constructeurs chinois ne cachent plus leurs ambitions en Europe. Une concurrence prise très au sérieux par les acteurs continentaux et par Bruxelles.
voiture électrique, batterie
Les constructeurs automobile chinois partent à la conquête des marchés européens  -  Crédit European Union

Brilliance, Great Wall Motors, Red Flag ou encore BYD – pour “Build your Dreams” : imagés ou poétiques, les noms des constructeurs automobiles chinois ont pourtant plutôt tendance à susciter des cauchemars chez les constructeurs européens. Le nombre de constructeurs chinois – plus d’une centaine -, mais surtout leurs ambitions désormais planétaires en matière de véhicules électriques, un segment où ils ont accumulé des années d’avance, dans le domaine critique des batteries, sont perçus comme autant de menaces sérieuses pour les acteurs européens. Sur les quelque 10,5 millions de voitures électriques vendues dans le monde en 2022, environ 60% l’ont été en Chine. Quelles que soient les motorisations, le pays est désormais le premier exportateur mondial, devant l’Allemagne.

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Cap sur l’Europe

Près une dizaine de constructeurs électriques chinois sont attendus sur le marché européen d’ici à 2030, un horizon où ils pourraient capter, selon les projections d’UBS, jusqu’à 20 % du marché des véhicules électriques. Poussée par la France, la Commission européenne a annoncé le 13 septembre le lancement d’une enquête sur les subventions accordées par la Chine à son industrie automobile, une politique soupçonnée de fausser la concurrence. Le cas échéant, la procédure pourrait se traduire par une hausse des droits de douane en 2024. Déjà, la Chine réagit et fait montre de son agacement.

BYD sort de l’ombre de Tesla

Parmi les rivaux automobiles chinois pris les plus au sérieux par l’Europe automobile, l’ogre BYD figure en bonne place, redouté à la fois pour ses ambitions planétaires et surtout ses avancées technologiques en matière de batteries.

Créé en 1995, originaire de Shenzhen, le groupe – dont Warren Buffett est actionnaire - revendique près de 620.000 salariés dont 70.000 ingénieurs. Il ne cache surtout plus sa volonté de conquête et s’est même imposé en quelques années comme un rival mondial de… Tesla, la référence industrielle et boursière en matière de voitures électriques. Aujourd’hui, BYD sort de l’ombre du groupe d’Elon Musk avec lequel il se livre à un coude-à-coude dans la course à la domination du marché, du moins en termes de volumes.

L’américain reste certes largement en tête en termes de capitalisation boursière – 850 milliards de dollars contre un peu moins de 100 milliards de dollars pour BYD, ce qui classe toutefois celui-ci au 5ème rang mondial, devant tous les rivaux européens, à l’exception de Porsche. BYD peut toutefois d’ores et déjà revendiquer la couronne mondiale de premier constructeur électrique en termes de production. L’an dernier, il a vendu 1,9 million de véhicules électriques – un volume multiplié par neuf en trois ans -, répartis à parité entre des véhicules à motorisation 100% électrique et ceux à motorisation hybride. Sur le seul critère du 100 % électrique, Tesla fait encore la course en tête avec 1,3 million de ventes, à des prix unitaires bien plus élevés. Jusqu’à quand ? Dès 2021, BYD, qui recense une trentaine de modèles dans sa gamme – contre quatre chez Tesla - a décidé de basculer son offre sur le seul 100 % électrique, et d’abandonner les moteurs à combustion.

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Bataille tarifaire

2023 marque en effet un point d’inflexion pour les constructeurs chinois. Le groupe texan a initié une violente guerre des prix, double réponse au ralentissement de la demande chinoise et au risque de surcapacités industrielles locales. Il utilise déjà sa gigafactory de Shanghai pour exporter ses modèles 3 et Y vers l’Europe. Or, tous les constructeurs chinois ne pourront pas suivre ce tempo tarifaire et la casse s’annonce importante, avec des rapprochements ou des disparitions. Une redistribution des cartes qui pourrait bien faire les affaires de BYD qui ne cache plus ses intentions de réussir son implantation en Europe.

Sa stratégie de distribution s’y veut classique, avec des points de vente traditionnels. Une centaine sont visé en France en 2025. Son modèle vedette pour la conquête européenne, la Dolphin, une berline 5 portes, va chasser sur les terres de Renault qui, lui aussi, joue gros avec la Megane E-Tech électrique. Or, BYD agite l’arme du prix : moins de 29.000 euros, hors bonus, 20% moins chère que le fer de lance du groupe au Losange. Et la Dolphin n’est qu’un exemple d’une gamme qui gagne en densité. Pas moins d’une demi-douzaine de nouveaux modèles électriques auront été lancées d’ici à fin 2023 par BYD.

Dès lors, les industriels s’inquiètent. Le choix de l’Union d’interdire la commercialisation de nouveaux modèles neuf à moteur thermiques en 2035 les conduit à marche forcée sur l’électrique, en privilégiant le plus haut de gamme, des segments plus chers et en principe mieux margés. Au risque de laisser un boulevard à l’offre chinoise avec des modèles moins chers et une moindre autonomie, mais clairement taillés pour un usage urbain.

Leur autre crainte ? Voir les spécialistes de la location longue durée – les ALD (Société Générale), Arval (BNP Paribas) et autre Agilauto (Crédit Agricole) – devenir des sortes de cheval de Troie des offres chinoises vers leurs clientèles pour limiter le dérapage des prix de location, poussés à la hausse par l’envolée des taux. Gare à la sortie de route face à la déferlante chinoise.

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