
La volte-face de Teleperformance sur les contenus ne convainc pas le marché


Le contre-pied est total. Teleperformance entend finalement maintenir son offre de modération de contenus en ligne les plus offensants. Le gestionnaire de centres d’appels avait pourtant pris la décision il y a quelques mois de se retirer de cette activité et de chercher des «alternatives appropriées» pour ses clients qui en bénéficiaient.
En Bourse, les inquiétudes des investisseurs sont palpables. L’action Teleperformance a lâché jeudi 2,6%, à 214,80 euros, accusant la plus forte baisse au sein du CAC 40 en clôture.
Si Stifel comprend certaines des raisons qui ont motivé le groupe, l’intermédiaire financier estime que cette décision envoie globalement un «message déroutant», susceptible de remettre «les risques liés à ces activités sur la table».
Ce désengagement faisait en effet partie des initiatives du groupe pour améliorer son profil sur le plan ESG (environnement, social et gouvernance), alors qu’il avait suscité la polémique en novembre dernier, suite à l’ouverture par le ministère colombien du Travail d’une enquête sur les conditions de travail dans sa filiale locale.
Dès lors, pourquoi ce virage à 180 degrés ? Les activités de modération des contenus les plus offensants ont une importance limitée pour Telerperformance. Elles représenteraient 1,5% à 2% du chiffre d’affaires consolidé du groupe, selon les estimations de TP Icap Midcap Partners, alors que l’ensemble des activités de modération pèse environ 7% du chiffre d’affaires total.
Teleperformance a changé d’avis à l’issue d’une revue exhaustive de l’activité, comprenant notamment des échanges avec ses actionnaires, ses clients et ses salariés. Le groupe se dit «désormais convaincu [...] qu’offrir une solution complète de modération de contenu, sans exclure aucun segment de cette activité, est dans le meilleur intérêt des milliards d’internautes dans le monde». Un argument qu’entend TP Icap Midcap Partners, alors que les contenus les plus choquants ont notamment trait à la pornographie, aux actes de nature terroriste et aux abus sexuels commis sur des enfants.
«Dans un monde aussi digitalisé, la modération de contenus est un service essentiel, nécessaire et critique [...] qui protège le public contre le contenu préjudiciable sur les plateformes sociales», souligne l’intermédiaire financier, en ajoutant qu'«être engagé, c’est aussi faire partie de ceux qui aident à un monde meilleur».
A lire aussi: Le devoir de vigilance impose le dialogue avec les parties prenantes
Une offre complète de services
Des raisons techniques et commerciales sont également en jeu. UBS comprend qu’il puisse être difficile en pratique de séparer l’activité de modération des contenus les plus offensants des autres, compte tenu de l’imprévisibilité inhérente aux publications en ligne. Un avis partagé par Stifel, qui ajoute que cette décision de Teleperformance revêt également un aspect commercial, «les clients exprimant leur préférence pour une offre de services complète».
En définitive, ce revirement de Teleperformance n’empêche pas les trois analystes de rester confiants dans l’avenir de la société et de maintenir leur recommandation «acheter» sur la valeur.
Stifel apprécie les perspectives attrayantes de croissance à moyen terme de Teleperformance et les solides objectifs affichés pour 2023, malgré un contexte macroéconomique incertain.
Une croissance à deux chiffres
De son côté, UBS considère toujours l’activité de modération de contenus comme «un domaine d’activité important pour l’industrie dans son ensemble» et estime qu’elle devrait «bénéficier d’une forte croissance à deux chiffres à l’avenir, compte tenu de l’expansion des contenus disponibles en ligne et de l’attention croissante des autorités réglementaires».
TP Icap Midcap Partners, lui, se dit conforté dans ses prévisions pour les années à venir, qui pourraient même être «légèrement conservatrices», car elles intégraient la disparition de la partie offensante de l’activité de modération de contenus et la perte de certains clients soucieux de conserver une offre complète de services.
Si les perspectives de Teleperformance s’annoncent favorables, la société devra néanmoins rassurer à court terme. Le groupe a déjà convaincu son comité d’entreprise européen, qui vient de soutenir officiellement sa décision de maintenir une offre complète de modération de contenus. Reste désormais à convaincre les investisseurs.
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