
S&P s’inquiète de la qualité de crédit des villes américaines

Des villes américaines risquent de voir leur notation de crédit dégradée ou même retirée par S&P Global Ratings, car les pénuries de personnel ont retardé la divulgation de leurs états financiers. L’agence, qui n’a pas reçu de comptes dans 149 cas depuis 2020, explique que cette situation s’est aggravée depuis le Covid, puisqu’elle comptait auparavant moitié moins de retards (76 en 2018, 78 en 2018).
«Si nous n’avons pas les données financières, alors les détenteurs d’obligations n’ont pas les évaluations non plus, a rappelé à Bloomberg Jaime Blansit, associate en charge de la notation chez S&P. Nous ne voulons pas que la détérioration financière se produise à notre insu, et nous voulons mettre à jour notre notation en conséquence : sans données financières, nous ne savons pas si la notation est exacte ou non.»
Un rapport sur les tendances de 2021 de l’Institut américain des experts-comptables (American Institute of CPA) montrait récemment une pénurie d’experts certifiés, faute de nouveaux étudiants diplômés en comptabilité. Et les collectivités locales ont du mal à embaucher quand le secteur privé promet des salaires plus élevés et des conditions de travail plus flexibles. Les problèmes de personnel au sein des services d’audit et des finances du gouvernement contribuent également aux retards, selon le rapport de S&P publié lundi. La masse salariale des Etats et des collectivités locales américaines n’a récupéré qu’environ 70% des emplois perdus au début de la pandémie, bien moins que les secteurs privés portés par le rebond économique. Et les analystes s’attendent à ce que ces problèmes de personnel dans les collectivités persistent encore quelques temps.
En 2023, l’agence a enregistré une augmentation notable de ses mises sous surveillance négative en raison de l’insuffisance d’informations, poursuit le rapport. Les émetteurs placés sous surveillance négative ont ensuite 30 jours pour remettre les documents, sous peine de changement de notation : déclassement, suspension ou retrait. Parmi les collectivités concernées, se trouvent bien sûr de nombreuses petites villes, mais aussi de plus grandes municipalités comme Jersey City, deuxième plus grande ville du New Jersey, ou Santa Fe (Nouveau-Mexique). Et certaines reconnaissent jusqu’à cinq ans de retard dans la divulgation des comptes, également dû aux contraintes de reporting, qui sont plus lourdes outre-Atlantique.
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Marché important
Pour rappel, le marché des obligations municipales («muni bonds») est très important aux Etats-Unis où il dépassait 4.000 milliards de dollars d’encours fin 2022, selon les données de l’Association américaine des intermédiaires en valeurs mobilières (Sifma). Ces titres sont le plus souvent utilisés pour financer les infrastructures des collectivités concernées (écoles, hôpitaux, routes, traitement des eaux, énergie, etc.). Ils se répartissent entre les «general obligation bonds» (30% à 40% des émissions), dont le remboursement est lié aux capacités de prélèvement fiscal de l’émetteur, et les «revenue bonds» (60% à 70%), dont le remboursement est lié aux revenus futurs d’un projet ou d’un équipement spécifique.
La législation américaine permet en outre d’exempter d’impôts les intérêts de la plupart de ces «muni bonds», qui intéressent donc les institutions imposables (banques, assurances) et beaucoup d’investisseurs particuliers (40% du total), avec pour conséquence de cette fiscalité allégée des coupons proches de ceux des US Treasuries malgré une liquidité bien plus fragmentée répartie sur plus de 50.000 émetteurs. Ce problème de liquidité s’est accentué après 2008 avec la chute des activités de tenue de marché et la disparition des assureurs «monoline» - dont les garanties permettaient un rehaussement (pas forcément justifié) des notations de crédit. Et encore plus en période de resserrement monétaire, nous apprend une récente étude de la Fed de Chicago. Ces «muni bonds» sont vendues dans les fonds pour leur caractère diversifiant, parfois même aux investisseurs européens, mais le niveau d’endettement encore élevé des collectivités américaines (18% à 20% du PIB) rend quand même ces obligations moins risquées en période de croissance qu’en phase de récession…
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Moody’s attribue la note A1 à Parnasse Garanties
La société d’assurance caution Parnasse Garanties, filiale commune de la CASDEN Banque Populaire, la banque coopérative de la fonction publique et de MGEN, a indiqué mardi avoir obtenu la note A1 avec perspectives stables de la part de Moody’s. «Parnasse Garanties maintiendra un profil financier robuste et notamment des réserves financières importantes qui lui permettrons de résister à une éventuelle détérioration du marché. Son profil de risque devrait par ailleurs demeurer globalement stable», a expliqué l’agence de notation américaine. Cette note «confirme Parnasse Garanties comme acteur principal sur le marché de la caution du crédit immobilier en France, au service des projets des agents de la fonction publique, sociétaires ou adhérents de ses maisons mères, la CASDEN et MGEN», a commenté dans un communiqué Malika Meriech, directrice générale de Parnasse Garanties -
Moody’s est plus optimiste que S&P pour la note de la France
L’agence américaine Moody’s a maintenu vendredi soir sa note «Aa2» pour la dette souveraine française, qui reflète selon elle les atouts d’une «économie riche et diversifiée, avec un profil démographique plus favorable que celui de nombreux autres pays développés, ainsi qu’une bonne capacité d’honorer les échéances de sa dette, malgré un endettement élevé». Elle a confirmé la perspective stable associée à cette note, en jugeant que les risques pesant sur le profil d’émetteur du pays sont actuellement mesurés. Si son homologue S&P a maintenu la note de la dette française à «AA/A-1+», elle a abaissé sa perspective de «stable» à «négative». Celle-ci estime que le ralentissement économique et les aides versées aux ménages et aux entreprises afin de compenser la flambée des prix de l'énergie déboucheront sur une dégradation des finances publiques du pays. A l’horizon 2025, S&P table sur une dette publique atteignant 115% du produit intérieur brut (PIB) français, tandis que Moody’s anticipe un ratio de 116% en 2026 dans son scénario central.
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