
Protectionnisme, la désunion européenne

Un allié se respecte. La visite officielle d’Emmanuel Macron aux Etats-Unis aura au moins permis de rappeler cette vérité en mettant le doigt sur le sujet qui fâche : les subventions massives de Washington aux entreprises qui s’installeraient sur le sol américain, sous couvert de plan anti-inflation. A quoi bon vanter le front uni de l’Occident et ses valeurs démocratiques face à l’agresseur russe et la menace chinoise si, dans le même temps, l’Inflation Reduction Act (IRA), cette législation adoptée au cœur de l’été, menace l’Europe d’un pillage de son industrie ? Au terme de cette offensive diplomatique menée au nom du Vieux Continent, la France a arraché à son partenaire quelques promesses d’ajustements. Mais l’IRA étant désormais revêtu de l’onction du tout-puissant Congrès américain, c’est bien en Europe que se joue le combat de la réindustrialisation et de la lutte contre le protectionnisme.
Les Vingt-Sept ont beau prétendre que leur vision ingénue de la mondialisation n’a plus cours, on cherche en vain de leur côté une réponse puissante et commune. Mettre en place un Buy European Act, comme le propose Paris, pour que la commande publique bénéficie aux entreprises européennes ? Voilà plus de trente ans que le concept échoue à recueillir le consensus. Il vaut par la force du slogan, plus que par sa capacité à rivaliser avec les centaines de milliards de l’Inflation Reduction Act. User de rétorsions commerciales, comme nous y autorisent les dernières réglementations sur la protection des investissements étrangers et la réciprocité des aides d’Etat ? L’Europe démontrerait enfin qu’elle a jeté sa naïveté aux orties, mais trop de pays membres, attachés au libre-échange, craignent d’employer cette arme. Il faudrait aussi assumer les conséquences inflationnistes d’une telle politique sur le prix des importations. Subventionner lourdement à notre tour nos industries, par le biais de ce fonds de souveraineté que pousse la Commission européenne ? Sans doute, mais à quel prix pour des finances publiques déjà exsangues, et dans quels délais, alors que les 750 milliards d’euros du plan NextGeneration EU sont loin d’être déployés ?
Agenda allemand
Pire, tous les signaux venus d’Allemagne plaident pour la division plutôt que l’union : les réticences allemandes vis-à-vis du nucléaire – avantage compétitif français –, la visite solitaire d’Olaf Scholz à Pékin, l’annonce d’un plan de soutien massif sans avertir ses partenaires… Berlin n’a qu’un impératif, réparer un modèle de croissance qui devait ses succès au gaz russe bon marché et au commerce avec la Chine. Il n’est plus question, outre-Rhin, comme au temps du Covid, de mettre la signature de la première économie de la zone euro au service d’une nouvelle relance financée par emprunts communs. Et l’on voit mal comment la France, incapable de tenir ses promesses de réformes et de sérieux budgétaire, pourrait rallier son voisin à sa cause.
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse