Le règlement sur la résolution des chambres de compensation entre en pleine application

Le règlement européen sur les plans de redressement et de résolution des contreparties centrales fait l’objet des derniers textes d’orientation. Complément indispensable du règlement Emir sur la résolution, ce texte adopté fin 2020-début 2021 pour une entrée en vigueur séquencée autour de 2022 permet à l’Union européenne de se positionner pour promouvoir son cadre à l’international.
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Valentine Catelon, experte en résolution, et Mathieu Gex, directeur adjoint de la résolution, à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)  - 

Le bout du tunnel approche. Après l’accord du trilogue mi-2020, le règlement européen sur les plans de redressement et de résolution des contreparties centrales (CCP RRR) avait été adopté fin 2020-début 2021, pour une entrée en vigueur séquencée. Le 12 août 2022 a marqué la date d’application de la majorité des dispositions, mais des règlements délégués de la Commission européenne et d’autres textes d’orientation de l’Autorité européenne des marchés financiers (Esma) viennent seulement d’être publiés.

Le règlement européen CCP RRR est un complément indispensable au règlement européen sur les infrastructures de marchés (Emir). «Il permet à l’Union européenne (UE) d’apporter des solutions pour réduire les risques systémiques associés aux CCP avant les autres juridictions concernées par les normes du Conseil de stabilité financière (Financial Stability Board, FSB), et de se positionner en force pour promouvoir son nouveau cadre à l’international», rappelle Mathieu Gex, directeur adjoint de la résolution à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

Plan de redressement

Les CCP, abusivement appelées chambres de compensation alors que ces dernières ne font que du règlement-livraison, sont un maillon essentiel au bon fonctionnement des marchés financiers. Elles deviennent acheteur pour tout vendeur et vendeur pour tout acheteur en cas de défaillance d’une des parties à une transaction financière, et portent donc des risques. Les réformes réglementaires adoptées après la crise financière de 2008 ont accru leur rôle systémique, d’où la nécessité d’établir un cadre de résolution si une CCP venait à rencontrer des difficultés.

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Le mécanisme de gestion des défauts institué par Emir prévoyait déjà une allocation des pertes selon un séquencement prédéterminé (waterfall), mais seulement jusqu’à un certain point et sans plan de redressement précis, ni de résolution ensuite. Pour rappel, lorsqu’un des membres compensateurs (CM) utilisant une CCP est dans l’incapacité de répondre aux appels sur la marge variable (VM) liée à une transaction dont il est contrepartie, il est prévu de puiser dans différentes poches. D’abord dans la marge initiale (IM) qu’il a versée au titre de ce contrat ; puis dans sa contribution au fonds de défaut mis en place au niveau de chaque CCP pour la catégorie d’instruments concernée ; ensuite, dans les ressources propres de la CCP, le «skin in the game», qui vise à inciter les actionnaires à une bonne gestion des risques, jusqu’à 25% du capital réglementaire prévu au titre d’Emir ; enfin, dans les contributions au fonds de défaut des autres membres compensateurs. Quand ce système «en cascade» n’est pas suffisant, Emir prévoit de faire appel à des contributions complémentaires (cash calls), selon des règles de plafonnement propres à chaque CCP, mais sans plan de redressement harmonisé.

Après la pleine utilisation du fonds de défaut, le nouveau règlement CCP RRR instaure une deuxième tranche «skin in the game» allant de 10% à 25% des exigences de fonds propres, puis le recours aux mesures prévues par le plan de redressement. Dans le cas général comme dans celui de LCH SA, seule CCP supervisée en France, la «cascade» prévoit d’abonder à nouveau un fonds de défaut qui aurait été vidé, ainsi qu’une contribution de même montant pour assurer la continuité du service ou une décote sur la marge variable (VMGH) selon le segment d’activité. Une contribution volontaire à la main des membres est aussi prévue s’ils la jugent nécessaire pour éloigner le risque d’une fermeture de la CCP.

Le plan de redressement qui établit les mesures à prendre en cas de difficulté doit être élaboré par la contrepartie centrale. Il est approuvé par les autorités compétentes : en France, l’ACPR en tant qu’autorité de supervision, la Banque de France et l’Autorité des marchés financiers (AMF), après consultation d’un collège de supervision (collège Emir) regroupant les autorités des Etats membres de l’UE concernés par l’activité de la CCP. L’Esma a produit un certain nombre d’orientations encadrant le contenu attendu du plan et définissant des indicateurs à mettre en place pour anticiper l’utilisation des mesures prévues. LCH SA étant soumise à la réglementation bancaire BRRD en qualité d’établissement de crédit, elle dispose déjà d’un plan de redressement et d’un plan de résolution.

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Plan de résolution

Si les mesures de redressement ne permettaient pas à une CCP de redevenir viable, les autorités compétentes constateraient sa «défaillance avérée ou prévisible». L’autorité de résolution (en France l’ACPR, au travers d’un mandat distinct de celui d’autorité de supervision) tient alors à sa disposition plusieurs outils de résolution selon le règlement CCP RRR : un réabondement, par les membres compensateurs non défaillants, de deux fois le montant du fonds de défaut ; une dépréciation des instruments de capital existant, qui impliquera l’émission de nouvelles actions, car l’outil de renflouement interne (dette bail-in) utilisé pour les banques n’a pas été retenu dans le cadre européen ; une cession d’activité ; la création d’un établissement-relais (bridge CCP).

«C’est à l’autorité de résolution de décider du ou des outils adaptés utilisés en résolution, précise Valentine Catelon, experte en résolution à l’ACPR. Au préalable, elle doit aussi s’assurer qu’aucune autre action de nature privée ne puisse empêcher la défaillance et, bien sûr, qu’une liquidation selon une procédure normale d’insolvabilité ne serait pas plus proportionnée que la résolution pour atteindre les objectifs définis.» A la différence du plan de redressement, le plan de résolution est élaboré par l’autorité de résolution. Il est adopté également après consultation d’un collège dédié. La rédaction de ce plan implique des échanges nourris avec la CCP, à laquelle un résumé est communiqué en amont de l’adoption afin de lui permettre d’exprimer son avis.

Au moment de son adoption, ce nouveau règlement avait reçu un bon accueil des professionnels. Ceux-ci craignaient que le principe de proportionnalité ne soit remis en cause par un deuxième «skin in the game» de 50%, ou par de nouvelles contraintes de capital comme évoqué à l’international. «L’introduction d’un nouvel outil de ‘bail-in’, avec la nécessité d’émettre de la dette dédiée spécifique, serait incohérente avec le métier des CCP. Contrairement aux banques, ces dernières ne jouent pas un rôle de financement de l’économie et ont peu de besoins en matière d’émission de dette. Cela nuirait inutilement à leur compétitivité», indique Mathieu Gex. «Au niveau international, nous argumentons notamment en faveur du concept du deuxième ‘skin in the game’. Au niveau européen, Emir impose un niveau de ressources parmi les plus exigeants au monde, avec par exemple l’obligation de couvrir le défaut simultané des deux plus importants membres compensateurs de la CCP, et non pas seulement du plus important», conclut le cadre de l’ACPR. Ceinture et bretelles.

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