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L’évolution des déséquilibres externes mondiaux, reflet des tensions géopolitiques accrues

Depuis le début du XXIᵉ siècle, l’aggravation des déséquilibres externes mondiaux a souvent été un des signes avant-coureurs d’une crise. Par exemple, la dégradation du solde commercial américain au début des années 2000, reflet d’une épargne insuffisante et d’une consommation excessive, explique en partie la crise des «subprimes». L’accumulation d’excédents commerciaux dans d’autres pays - principalement la Chine qui s’est davantage insérée dans les chaînes de valeur mondiales, après son entrée dans l’OMC et les pays exportateurs d’énergie dont les cours mondiaux avaient beaucoup augmenté - était aussi en cause à l’époque. Elle reflétait, dans une certaine mesure, une «surabondance d’épargne mondiale» (Global savings glut).
De même en zone euro, les écarts de niveau des balances commerciales entre, d’un côté, les pays du Sud en déficit et, de l’autre, ceux du Nord en excédent, sont une des raisons de la crise des dettes souveraines. Et enfin dans le monde émergent, de nombreuses vulnérabilités récentes sont illustrées par une balance commerciale déséquilibrée. Le Sri Lanka ou encore l’Egypte peuvent en témoigner.
Des déséquilibres qui s’accentuent
Or, depuis 2020, ces déséquilibres, qui s’étaient réduits dans les années 2010, semblent de nouveau en augmentation à l’échelle mondiale, en raison de l’impact des chocs induits par la pandémie de Covid-19 puis par la guerre entre la Russie et l’Ukraine sur les cours mondiaux des matières premières. Ces déséquilibres mondiaux ont augmenté d’environ 1 point de pourcentage du PIB mondial entre 2021 et 2022, atteignant leur niveau le plus élevé depuis la crise financière de 2008-2009.
Dans ce contexte, l’évolution de la situation des Etats-Unis en la matière est à surveiller tout particulièrement, la première économie mondiale étant aussi depuis plus de vingt ans la première contributrice à ces déséquilibres globaux. Or, malgré une légère réduction de son déficit courant (notamment sous l’effet de la montée en puissance des exportations d’hydrocarbures) en 2023, la position extérieure nette du pays s’est dégradée ces dernières années. Des effets de valorisation défavorables expliquent ce paradoxe apparent : la valeur des actifs détenus par les étrangers aux Etats-Unis a davantage augmenté que celle des actifs des agents économiques Américains dans le reste du monde[1]. La montée quasi continue de la Bourse américaine y contribue largement.
A lire aussi: Marchés émergents en 2024 : un «mur de la dette» obligataire plus épais que prévu
Un «privilège exorbitant» mis au défi
La question du financement de ce passif net (près de 70% du PIB, deux fois plus qu’il y a dix ans) se pose donc. Et ce changement remet en question l’existence du prétendu «privilège exorbitant» des États-Unis, qui suggère que le pays peut financer son déficit commercial grâce aux revenus générés par ses actifs étrangers, notamment en raison de la position de sa monnaie nationale en tant que monnaie de réserve.
Cette tendance à l’augmentation du passif américain vis-à-vis du reste du monde va-t-elle continuer dans les années à venir ? Si l’exercice de prévision de l’évolution des marchés d’actions aux Etats-Unis est particulièrement délicat, les programmes des deux derniers présidents sortants et très probables candidats de leurs partis respectifs à l’élection présidentielle de novembre prochain donnent des indices quant à l’évolution à venir de la balance commerciale américaine.
Joe Biden a rejeté l’idée d’une nouvelle guerre commerciale ouverte avec la Chine. Pour autant, il n’a pas remis en cause depuis son entrée à la Maison-Blanche les mesures protectionnistes décidées par son prédécesseur. Donald Trump a, quant à lui, exprimé son intention d’imposer à nouveau des droits de douane supplémentaires, évoquant même la possibilité de les porter à 60% pour les importations chinoises. Il a aussi suggéré l’idée d’une augmentation de 10% des droits de douane sur tous les produits exportés vers les États-Unis. Sous réserve que la Cour Suprême confirme la légalité d’un tel décret – ce qui est loin d’être certain[2] - , celui-ci aurait un impact sur les importations.
Si l’on en croit les élasticités en vigueur lors de la présidence Trump entre 2017 et 2020[3], une hausse des tarifs douaniers de 10% sur l’ensemble des produits pourrait avoir un impact négatif sur les importations de 4% à très court terme. Il grimperait à 8% deux ans après le choc, et de 16% six ans après. Une telle stratégie favoriserait une réduction du déficit commercial américain, sous réserve que les mesures de rétorsion probables du reste du monde n’aient pas un impact de plus grande ampleur sur les exportations américaines. Mais elle aurait surtout un effet négatif sur le commerce et sur la croissance mondiale.
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