
L’euro numérique doit prouver son utilité

Qui a besoin aujourd’hui d’un euro digital ? Pas grand monde, reconnaissent à demi-mot ses promoteurs. La Commission européenne va pourtant publier ce 28 juin sa proposition de règlement visant à instituer d’ici à quelques années une monnaie digitale pour les paiements de détail. Elle aura cours légal, ce qui obligera les commerçants à l’accepter, sera utilisable partout, gratuitement, et même de particulier à particulier sans passer par internet. Pour Bruxelles comme pour la Banque centrale européenne, où l’on teste l’idée depuis un moment, c’est l’occasion rêvée d’anticiper le déclin du cash et de faire pièce aux réseaux privés qui trustent le marché européen des paiements.
De tous ces arguments, celui de la souveraineté est le plus convaincant. Le projet de monnaie privée de Facebook, annoncé mi-2019, avait servi d’électrochoc. Depuis, le libra est mort, mais le développement des cryptoactifs dans un monde toujours plus digital laisse craindre aux banques centrales de perdre le monopole de l’offre de monnaie. Sur le front des paiements transfrontières, les géants extra-européens, Visa et MasterCard en tête, se taillent la part du lion. Dans cinq ans, les lignes auront encore bougé, et nul ne peut rester l’arme au pied. C’est précisément pour cela que de grandes banques, dont les principales en France, ont décidé de créer un porte-monnaie électronique européen.
Mais l’euro digital laisse trop de questions sans réponse. Il ne rend aucun service qu’une solution privée ne fournit déjà. Son modèle économique reste flou : la BCE l’émettra comme monnaie de réserve, mais la gestion de l’infrastructure sera du ressort des banques, qui devront la refacturer aux commerçants. Capable d’assurer la transmission immédiate de la politique monétaire, l’euro digital pourrait aussi constituer un accélérateur de crise bancaire et de fuite des dépôts. Conscientes de ce risque, les autorités ont prévu d’en plafonner l’usage, limitant du même coup son intérêt et son potentiel de développement. Enfin, il reste à garantir le respect des libertés individuelles, pour des citoyens habitués à l’anonymat du cash et dont la puissance publique pourrait dorénavant suivre chacune des transactions à la trace.
Ceci explique pourquoi les tests menés ici ou là, notamment en Chine, n’ont pour l’heure guère convaincu. Le long processus de négociations qui s’ouvre en Europe doit permettre de qualifier l’utilité réelle d’une monnaie numérique de banque centrale. Faute de quoi celle-ci resterait, selon le titre d’un rapport de la chambre des Lords publié l’an dernier, «une solution en quête de problème».
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