
L’étau se resserre autour des règles de Maastricht

Assistera-t-on à une réforme en profondeur des règles budgétaires européennes ? Si la réponse à cette question ne sera vraisemblablement pas arrêtée avant plusieurs mois, l’hypothèse prend en tout cas de plus en plus d’épaisseur. Jeudi dernier, les eurodéputés réunis en séance plénière à Strasbourg ont adopté (à 461 voix pour, 94 contre et 133 abstentions) un rapport établissant leur position sur le futur du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) suspendu par la Commission européenne (CE) depuis mars 2020 jusqu’à début 2023 au moins. Fruit d’un compromis entre les quatre plus grands groupes politiques du Parlement européen (PE), le texte plaide pour une refonte ambitieuse de ces règles avant qu’elles ne soient réactivées.
Les eurodéputés n’ont a priori pas vocation à jouer le premier rôle quant au futur du cadre budgétaire européen, qui fera l’objet de négociations entre les Etats membres une fois que Bruxelles aura formulé sa proposition de réforme, attendue d’ici la fin de l’année. Le texte approuvé par le Parlement est toutefois riche d’enseignements, d’abord parce qu’il a été voté à une large majorité. Que ses principales forces politiques - du centre-gauche (S&D), au centre-droit (PPE), en passant par les Verts - soient parvenues à établir une véritable vision commune sur le sujet n’a rien d’anodin : plusieurs éléments de consensus semblent se dégager à Bruxelles, en premier lieu sur le diagnostic et les défauts des règles actuelles.
Consensus sur le diagnostic
Premier constat : la nécessité de corriger leur «tendance pro-cyclique (…) dans les bonnes comme dans les mauvaises périodes». Jugé coupable d’avoir fortement freiné la sortie de la crise précédente, ce biais apparaît aujourd’hui, aux yeux des eurodéputés, comme contradictoire avec le besoin, pour l’UE, de procéder à des investissements publics massifs lors des prochaines années. Second défaut : la trop grande complexité des règles européennes. «Les indicateurs au cœur du cadre budgétaire doivent être facilement observables afin d’augmenter la transparence et d’être compréhensibles à la fois par les décideurs politiques et par le public», note ainsi le rapport. Un indicateur en particulier est ici dans le viseur des eurodéputés : la mesure du déficit structurel des Etats, censée être un pivot du cadre actuel depuis sa dernière réforme. L’introduction de cet indicateur avait justement pour objectif de gommer l’aspect pro-cyclique du PSC, en autorisant les Etats à s’endetter en temps de crise et à consolider davantage en phase de croissance, mais son calcul s’est en fait avéré bien trop complexe à réaliser. Les règles sont par conséquent devenues illisibles et leur mise en application de moins en moins légitime, car dépendante de l’interprétation très politique qui en est faite par la Commission.
Troisième point de consensus : le nouveau cadre budgétaire européen devra enfin prendre en compte le niveau des taux d’intérêt appliqués à la dette publique. «L’environnement actuel de taux bas fait diminuer la pression sur la politique budgétaire (...) Les coûts du service de la dette vont probablement rester bas dans un futur proche», note ainsi le PE, qui estime par ailleurs qu «’un certain nombre de facteurs structurels (...) pourraient maintenir les taux d’intérêts réels à un niveau bas dans le moyen à long terme».
Propositions concrètes
Sur la base de ces différents constats, les eurodéputés proposent un ensemble de pistes concrètes, qui, signe du consensus émergent, font en partie écho aux propositions formulées dès 2019 par le Comité budgétaire européen, un organe consultatif créé par la Commission. Le Parlement plaide ainsi pour la fixation d’une trajectoire cible en termes d’endettement (debt anchor) spécifique à chaque Etat. De celle-ci découlerait, aux termes du texte, une règle plafonnant les dépenses publiques nominales des Etats (expenditure rule) dont le caractère soutenable de la dette est jugé à risque, sur une période donnée - de 3 à 5 ans dans le rapport. Un tel système se fonderait donc sur une formule commune permettant d’estimer la soutenabilité de la dette de chaque pays.
«Ces grands principes sont soutenus par de nombreux économistes et sont donc assez crédibles. Ils pourraient bien être repris par la Commission dans sa proposition. Dans ce scénario, le gros du débat se focalisera sur la manière d’évaluer la soutenabilité de la dette», estime Andreas Eisl, spécialiste de macroéconomie européenne de l’Institut Jacques Delors. « En plus du niveau d’endettement et de celui des taux d’intérêt, de possibles variables seraient : l’évolution démographique du pays en question, une estimation de sa croissance potentielle ou les risques liés au changement climatique », précise le chercheur. «La sélection de ces facteurs aurait des conséquences directes sur l’effort budgétaire attendu de chacun, il faut donc s’attendre à d’intenses tractations entre les Etats».
L’inconnue allemande
Les modalités de ces négociations, qui pourraient bien s’étendre au-delà de l’élection présidentielle française, dépendront tout d’abord du résultat des élections fédérales allemandes de septembre et du programme de la coalition qui en émergera. Armin Laschet, le candidat de l’Union démocrate-chrétienne (CDU) clame pour l’heure son attachement au dogme de l’orthodoxie budgétaire et prône donc un retour strict aux règles de Maastricht. Il faudra toutefois compter avec les Verts allemands, qui talonnent les conservateurs dans les sondages, et dont le programme électoral propose un assouplissement des règles budgétaires, allemandes et européennes. Leur priorité : donner plus de marge aux investissements publics, en particulier ceux orientés vers la transition climatique. Les partisans d’une réforme en profondeur du Pacte de stabilité ne manquent donc pas de motifs d’espoirs.
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