
Les pays émergents inégaux face au défi du ralentissement

Josipa Markovic, économiste marchés émergents chez Swiss Life Asset Managers
L’économie mondiale s’apprête à traverser un cycle de récession et les pays émergents n’échappent pas à la fragilité ambiante. Ralentissement global de l’activité, pressions inflationnistes, hausse des taux d’intérêt, renchérissement du dollar sont autant d’obstacles à surmonter.
Précisément, le coup de frein de l’activité économique se lit déjà dans les données conjoncturelles : à un niveau inférieur à 50 points, l’indice des directeurs d’achat de l’industrie des marchés émergents pointe une contraction, tandis que les commandes à l’exportation ont chuté en octobre. Toutefois, il est essentiel de distinguer des disparités d’une région à l’autre, d’un pays à l’autre, au-delà de cette photographie d’ensemble. L’affaiblissement de la demande mondiale, notamment celle des Etats-Unis et de la zone euro, pénalise mécaniquement les économies les plus dépendantes aux exportations. C’est le cas par exemple de la Corée du Sud, leader mondial à l’export de technologies, du Mexique, « atelier manufacturier » des Etats-Unis et donc très sensible à la consommation nord-américaine, ou encore de l’Europe de l’Est. A contrario, l’Inde et l’Indonésie sont moins exposées à ce facteur, leur modèle de croissance étant principalement tourné vers leur marché intérieur.
De la même manière, l’impact conjugué de l’inflation, de la hausse des taux d’intérêt et de l’appréciation du dollar est assez hétérogène. Les pays au déficit budgétaire et au déficit de la balance commerciale significatifs y sont les plus vulnérables. Les marchés frontières en Afrique (Sénégal, Ghana, Egypte), au Moyen-Orient (Jordanie) ou en Amérique latine (Salvador) sont particulièrement exposés aux difficultés de refinancement nourries par la remontée des taux. Le risque potentiel de défaut augmente dans ces économies non matures et cela pourrait renforcer l’aversion au risque des investisseurs. Quant à l’inflation, elle est supérieure aux cibles des banques centrales dans tous les pays émergents, exception faite de la Chine. Mais les plus fortes pressions sur les prix sont observées en Europe de l’Est et en Amérique latine. Pour tenter de les juguler, la banque centrale brésilienne a hissé son principal taux directeur à 13,75 % !
De son côté, l’Asie semble être la région la mieux armée à l’épreuve du ralentissement de l’activité. Le continent devrait continuer d’afficher la croissance du PIB la plus élevée au monde dans les prochaines années, de l’ordre de 5 % par an. Avec une nouvelle donne de taille : pour la première fois depuis les années 1990, la Chine ne devrait plus jouer son rôle de locomotive, sa croissance étant attendue inférieure à celle de l’ensemble de l’Asie. Cela peut s’expliquer par l’affaiblissement du marché immobilier chinois, un moteur jusqu’ici important pour l’économie nationale, autant que par l’effet d’une politique stricte de confinement face à l’épidémie de Covid, ce qui pèse sur le moral des agents économiques. Or, sur ce second facteur, il est peu probable que les règles s’assouplissent de manière significative avant le troisième trimestre 2023.
En termes d’allocation d’actifs, ces perspectives différenciées militent en faveur d’une stratégie d’investissement prudente. Cela peut se traduire par une approche hautement sélective des titres obligataires : privilégier les émetteurs affichant une grande qualité des fondamentaux de crédit, une forte résilience face à d’éventuelles sorties de capitaux et, enfin, une faible sensibilité au risque de taux. Pour ces raisons, certains marchés d’Asie et du Golfe persique recèlent aujourd’hui les opportunités d’investissement les plus crédibles.
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