
Les pays émergents craignent l’effet domino de la Fed

L’accélération par la Réserve fédérale américaine de son resserrement monétaire est une mauvaise nouvelle pour l’ensemble du marché, mais plus particulièrement pour les pays émergents. Les investisseurs gardent en mémoire la chute des actifs émergents mi-2013 à l’annonce par Ben Bernanke, le président de la Fed de l’époque, de l’arrêt de son programme d’achat d’actifs, puis en 2018. La perspective de ce resserrement de la liquidité en dollars avait été un choc.
Les actifs émergents, notamment les dettes, de même que les devises sont affectés par le resserrement des conditions financières aux Etats-Unis, le moindre différentiel de taux jouant en leur défaveur, et par la hausse du dollar. Depuis le début de l’année, les dettes émergentes affichent la pire performance sur les marchés obligataires avec un repli de près de 17%. L’ajustement a été généralisé, constatent les stratégistes d’IVO Capital Patners, avec un impact plus prononcé pour les dettes souveraines investment grade (IG) à -17,5% par rapport au high yield (HY) à -14%. La hausse des taux américains a pesé pour plus de la moitié de la performance de l’IG. La dette corporate résiste, mais est également dans le rouge, grâce à la composante spread. Une grande partie de la baisse est liée au retrait des émetteurs russes des indices. La dette en monnaie locale recule mais dans une moindre mesure (-11,5%).
Sorties de capitaux
«Le sentiment négatif autour de la guerre en Ukraine doublé des craintes sur les perspectives de croissance et d’inflation ont continué de peser sur les ‘spreads’», relèvent les gérants de Fidelity International. La forte hausse des taux américains, et mondiaux, depuis début juin, a accentué la baisse des prix des obligations souveraines émergentes. Les spreads sont désormais revenus à des sommets, de même que les rendements qui atteignent des records depuis des décennies, et se situent au-dessus de leurs niveaux de 2020, en pleine crise pandémique.
Depuis mars, les flux sur les actifs émergents (actions et obligations) sont devenus négatifs, selon l’Institute of International Finance (IIF) qui estime à près de 5 milliards de dollars la fuite des capitaux sur le seul mois de mai. «Le risque croissant de récession mondiale pèse sur les flux vers les marchés émergents alors que l’anxiété grandit face aux événements géopolitiques, aux conditions monétaires, à l’inflation réalisée et aux craintes face aux risques qui s’accumulent», notent les économistes de l’IIF.
Faiblesse chinoise
«Outre le resserrement de la liquidité en dollars américains et le ralentissement de la croissance, la faiblesse de l'économie chinoise est également un risque pour les émergents», complètent les gérants de Fidelity International pour qui les rendements des obligations en devises fortes reflètent néanmoins beaucoup de ces risques. «La performance des dettes émergentes est certes inférieure à celle des obligations des marchés développés mais cela s’explique par la prime de risque plus élevée sur les émergents, affirme Sandrine Perret, stratégiste chez Vontobel. Mais contrairement à d’autres périodes l’ensemble des dettes subit le resserrement monétaire au niveau mondial, que ce soit celles des pays émergents comme des pays développés. La réaction des devises émergentes après la hausse de 75 pb de la Fed est également mesurée, le dollar s’étant nettement apprécié en avril et mai, ce qui semble montrer qu’une partie de l’ajustement est déjà dans les prix», poursuit cette dernière. De fait, de nombreuses banques centrales émergentes ont anticipé la hausse de l’inflation et le resserrement monétaire de la Fed. Ces pays étaient donc mieux préparés qu’en 2013 d’autant que les fondamentaux, notamment le niveau des réserves de change, sont plus sains qu’il y a neuf ans.
Toutefois, ce resserrement monétaire est aussi destructeur de croissance pour ces pays et notamment les plus fragiles qui sont en outre importateurs nets de matières premières. Selon Sandrine Perret, l’hypothèse d’un resserrement plus fort de la Fed, avec une hausse de 100 pb d’un coup ou un tour de vis entre deux réunions qui n’est pas anticipé par le marché à ce stade, représente un risque pour les marchés émergents dans le cas d’une nouvelle accélération non linéaire de l’inflation ces prochains mois. Des hausses de 50 ou 75 pb, qui sont incorporées dans les prix, seraient moins néfastes pour ces marchés.
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