
Les marchés voient rouge après les droits de douane de Donald Trump

La fin d’un monde. Le président américain a dévoilé le 2 avril au soir la mise en place de droits de douane d’au moins 10% contre la plupart des pays du monde. La Chine, le Japon mais aussi l’Union européenne sont particulièrement frappés avec des taux nettement supérieurs.
Les sanctions drastiques annoncées dans le cadre serein du Rose Garden de la Maison Blanche mercredi ont immédiatement provoqué des turbulences sur les marchés mondiaux et suscité la condamnation d’autres dirigeants, désormais confrontés à la fin de décennies de libéralisation des échanges qui ont façonné l’ordre mondial.
Alors que l’Asie digérait la nouvelle jeudi, l’indice Nikkei de la Bourse de Tokyo a plongé de près de 3% pendant que le Hang Seng chinois abandonnait 1,5%. Aux Etats-Unis, le S&P 500 chutait de 4% en début de séance et le Nasdaq dérapait de près de 5%.
En Europe, le CAC 40 baissait de 3,2% dans l’après-midi, l’Euro Stoxx 50 perdait 3,5% et le Dax chutait de 3%. Les taux souverains à dix ans de l’Allemagne et de la France reculaient de 8 points de base (pb) et 6 pb respectivement, à 2,65% et 3,37%.
L’obligation souveraine américaine à même échéance voyait pour sa part son rendement chuter de 18 pb, à 4,02%, soit un niveau plus vu depuis octobre 2024. Sur le marché des matières premières, le pétrole Brent perdait plus de 4%, à 70 dollars. La monnaie américaine de dépréciait également de 2,2% par rapport à un panier de devises et de 2,4% vis-à-vis de la monnaie européenne, à 1,11 dollar pour un euro.
Seul l’or en profitait pour inscrire un nouveau sommet à 3.167 dollars dans la nuit de mercredi à jeudi.
20% pour l’Union européenne
La Chine, deuxième économie mondiale, confrontée à une nouvelle taxe de 34% en plus des 20% précédemment imposés par Donald Trump, a promis des contre-mesures, semblant ignorer l’avertissement du chef du Trésor américain, Scott Bessent, selon lequel de telles actions conduiraient à une escalade.
Même des alliés proches comme le Japon et l’Union européenne n’ont pas été épargnés, avec des taux de droits de douane de 24% et 20% respectivement. Les droits de douane de base de 10% entreront en vigueur le 5 avril et les taux dits «réciproques», plus élevés, le 9 avril.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a décrit les droits de douane comme un coup dur pour l'économie mondiale et a déclaré que le bloc de 27 membres était prêt à répondre par des contre-mesures si les discussions avec Washington échouaient. «Les conséquences seront désastreuses pour des millions de personnes à travers le monde», a-t-elle déclaré dans un communiqué.
Les droits de douane «réciproques», a déclaré Donald Trump, sont une réponse aux droits et autres barrières non tarifaires imposés sur les marchandises américaines. Il a soutenu que les nouvelles taxes stimuleraient les emplois manufacturiers aux États-Unis. «Pendant des décennies, notre pays a été pillé, saccagé, violé et dépouillé par des nations proches et lointaines, amies et ennemies», a déclaré Trump.
LIBERATION DAY RECIPROCAL TARIFFS 🇺🇸 pic.twitter.com/ODckbUWKvO
— The White House (@WhiteHouse) April 2, 2025
Risque pour l’économie
Des économistes extérieurs ont averti que les droits de douane pourraient ralentir l'économie mondiale, augmenter le risque de récession et faire grimper le coût de la vie pour la famille américaine moyenne de milliers de dollars.
Le Canada et le Mexique, les deux principaux partenaires commerciaux des États-Unis, sont déjà soumis à des droits de douane de 25% sur de nombreux produits et ne seront pas soumis à des taxes supplémentaires suite à l’annonce de mercredi.
Même certains républicains ont exprimé leur inquiétude face à la politique commerciale agressive de Donald Trump.
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Quelques heures après l’annonce de mercredi, le Sénat a voté à 51-48 pour approuver une législation qui mettrait fin aux droits de douane canadiens de Donald Trump, quelques républicains se démarquant du président. Cependant, une adoption par la Chambre des représentants des États-Unis, contrôlée par les républicains, est considérée comme peu probable.
Le principal économiste du président américain, Stephen Miran, a déclaré à Fox Business mercredi que les droits de douane seraient bénéfiques pour les États-Unis à long terme, même s’ils causaient quelques perturbations initiales. «Y aura-t-il des perturbations à court terme ? Absolument», a déclaré Miran, président du Conseil des conseillers économiques de Trump, à l'émission «Kudlow» du réseau.
Fin du «de minimis»
Les droits de douane réciproques ne s’appliqueront pas à certains produits, notamment le cuivre, les produits pharmaceutiques, les semi-conducteurs, le bois d'œuvre, l’or, l'énergie et «certains minéraux non disponibles aux États-Unis», selon une fiche d’information de la Maison Blanche.
Après ses remarques, Donald Trump a également signé un décret pour fermer une faille commerciale utilisée pour expédier des colis de faible valeur - inférieure à 800 dollars - en franchise de droits depuis la Chine, connue sous le nom de «de minimis». Le décret couvre les marchandises en provenance de Chine et de Hong Kong et entrera en vigueur le 2 mai, selon la Maison Blanche, qui a déclaré que cette mesure visait à freiner le flux de fentanyl vers les États-Unis.
Le président américain prévoit également d’autres droits de douane ciblant les semi-conducteurs, les produits pharmaceutiques et potentiellement les minéraux critiques, a déclaré le responsable.
Plus tôt dans la journée, l’administration a par ailleurs annoncé que les droits de douane concernant les importations de voitures, annoncés par Donald Trump la semaine dernière, entreraient en vigueur à partir de jeudi.
Les préoccupations concernant les droits de douane ont déjà ralenti l’activité manufacturière dans le monde entier, tout en stimulant les ventes de voitures et d’autres produits importés, les consommateurs se précipitant pour effectuer des achats avant que les prix n’augmentent.
Le représentant américain Gregory Meeks, principal démocrate de la Commission des affaires étrangères de la Chambre, a déclaré qu’il introduirait une législation pour mettre fin aux droits de douane. Cependant, un tel projet de loi a peu de chances d'être adopté par le Congrès à majorité républicaine.
«Trump vient de frapper les Américains avec la plus grande hausse d’impôts régressive de l’histoire moderne - des droits de douane massifs sur toutes les importations. Ses politiques irresponsables ne font pas seulement s’effondrer les marchés, elles nuiront de manière disproportionnée aux familles de travailleurs», a déclaré Gregory Meeks.
(Avec Reuters)
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse