
Les Etats-Unis sortent victorieux de la bataille budgétaire face à l’Europe

Les Echos ont récemment titré sur «La grande divergence Etats-Unis-Europe» depuis 1995 en comparant la croissance par habitant des deux régions, la démographie, l’énergie et l’accès aux marchés de capitaux. Pour autant, un autre facteur a sans doute fait la différence depuis 2008 : le soutien budgétaire.
Cette année-là, le PIB annuel de la zone euro avait atteint l’équivalent de 14.158 milliards de dollars quand celui des Etats-Unis avait crû beaucoup moins vite à cause de la grande crise financière, à 14.770 milliards de dollars. Quatorze ans plus tard, le premier a très peu progressé quand la production américaine a augmenté de 70%. Grâce à l’Allemagne, la dette de la zone euro a relativement peu augmenté après les pics de 2009-2010, quand la dette fédérale américaine a doublé en pourcentage du PIB et plus que triplé en valeur absolue : de 10.000 à 31.500 milliards de dollars, et 32.600 milliards depuis juin.
Plus risqués, plus ambitieux
Certes, les effets multiplicateurs dépendent du cadre macroéconomique, mais la «matière première» de la croissance semble bien provenir des aides publiques injectées dans l’économie avec le soutien à peine caché de la banque centrale. En 2009-2011, le stimulus budgétaire avait été de l’ordre de 5,6% du PIB annuel aux Etats-Unis (800 milliards de dollars), et de moins de 3% pour la zone euro, qui allait connaître sa crise en décalé. En 2020-2021, le soutien budgétaire a dépassé 20% du PIB aux Etats-Unis, à comparer aux quelque 10% pour la zone euro. En son sein, la France a été, contrairement au passé, la moins dépensière des quatre grands pays pendant le Covid : les dépenses publiques annuelles (toutes administrations confondues) ont progressé de l’ordre de 5 points de PIB cumulés en 2020-2021, contre 10 points pour l’Allemagne et de 12 à 13 points pour l’Italie et l’Espagne.
«La leçon principale est effectivement que dix ans d’austérité budgétaire ont fait beaucoup de mal à l’Europe, commente Samy Chaar, chef économiste de Lombard Odier. Ce serait faux d’associer la surperformance de la croissance américaine uniquement à la dette, car d’autres facteurs l’expliquent. Mais cette capacité des Etats-Unis à ‘redémarrer très vite’ leur économie pour la sortir plus rapidement de la crise est sans égal. Toujours plus ambitieuse que ce qu’on voit en zone euro, ou désormais en Chine.»
Et ça continue avec l’IRA
Depuis deux ans, «les anticipations de récession sont régulièrement repoussées aux Etats-Unis et en zone euro (…), mais si la conjoncture a surpris positivement de part et d’autre de l’Atlantique, les tendances macro et microéconomiques récentes mettent en évidence un écart de performance grandissant entre les deux régions, au profit des Etats-Unis, note la recherche de Global Sovereign Advisory. Le resserrement de la politique monétaire y a pourtant été plus précoce et plus fort (525 pb depuis la première hausse). Mais les effets des différents plans de relance budgétaire des deux dernières administrations américaines sont toujours visibles sur l’investissement des entreprises...»
Paradoxalement, en grande partie à l’origine de l’inflation, les plans fiscaux de 2020-2021, voire de 2022 avec l’Inflation Reduction Act (IRA) pourraient aussi être une des explications de l’atterrissage en douceur espéré par la Fed. En zone euro, les salaires, voire l’épargne, pourraient prendre le relais des soutiens budgétaires après 2023. Mais la croissance, même si elle s’y maintient, devrait avoir plus de mal à résister aux effets du resserrement monétaire également massif (déjà 425 pb) et à la fin annoncée du «quoi qu’il en coûte».

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