
Les banques centrales rythmeront encore les marchés en 2023

A l’image de 2022, l’année 2023 devrait rester marquée par l’inflation et les politiques monétaires. Les investisseurs chercheront le point d’inflexion des banques centrales. L’une d’elles sera particulièrement surveillée : la Banque du Japon (BoJ). Mais d’autres faits marquants rythmeront l’année.
Vers le «pivot» des grandes banques centrales ?
Pour de nombreux observateurs, la question la plus importante de l’année ne serait pas de savoir si la Réserve fédérale (Fed) fera son «pivot» d’une politique restrictive vers une politique accommodante, mais quand sera-t-elle forcée de le faire par un ralentissement trop brutal de l’économie ? Un affaiblissement modéré de l’économie suffirait à faire grimper le chômage de 2 points aux Etats-Unis (5,5%), estiment les économistes d’UBS. Selon les marchés de swaps, le Comité de politique monétaire (FOMC) pourrait entamer ce virage en ramenant le taux Fed funds de 5,25% à 5% (haut de fourchette) en juillet. Depuis novembre, le président Jerome Powell affirme que les hausses des salaires resteront au cœur de la politique monétaire parce qu’elles sont la clé de l’inflation dans les services. Mais la Fed ayant également un mandat de soutien à l’économie, un mouvement à la baisse semble possible avant que l’inflation ne soit revenue à la cible de 2%.
Pour la Banque centrale européenne (BCE), dont le mandat porte seulement sur la stabilité des prix, les marchés n’ont jamais envisagé un tel pivot. Ils semblent même désormais convaincus, depuis les propos des gouverneurs les plus «faucons» autour de Noël, qu’elle portera bien son taux directeur au moins jusqu’à 3,50% comme annoncé, sans le baisser ensuite. Même chose pour la Banque d’Angleterre (BoE), qui cependant ne monterait plus son taux au-dessus de 5% d’ici à l’été prochain, contrairement à ce qui avait été envisagé à un moment.
Une révolution au Japon
La fin du mandat du gouverneur de la BoJ, Haruhiko Kuroda, et la nomination de son remplaçant le 8 avril pourraient mener à terme à un durcissement de la politique monétaire, souhaitée par le gouvernement. Si la remontée des taux semble une perspective encore lointaine, une nouvelle adaptation de la politique de contrôle de la courbe des taux ou une révision des volumes de titres achetés par la banque centrale pourraient être envisagés.
Qualité plus que quantité pour la Chine
A partir du 5 mars, la première session de la 14e assemblée nationale populaire, l’organe législatif chinois, élira les dirigeants du gouvernement central, fixera les principaux objectifs économiques pour 2023, et donnera le ton politique des cinq prochaines années. L’assemblée ne devrait pas évoquer un objectif de croissance très élevé, mais insisterait plutôt sur la «qualité» de cette croissance, davantage focalisée sur la demande intérieure et les industries d’avenir.
L’énergie toujours au centre
La guerre en Ukraine n’étant pas terminée, les prix de l’énergie resteront au cœur des problèmes. La Commission européenne (CE) doit proposer, en ce début d’année, une réforme complète du marché de l’électricité européen prévoyant, entre autres, le découplage des marchés du gaz et de l’électricité. Depuis le début des années 2000, ce sont les coûts des combustibles des centrales thermiques qui fixent le prix marginal donc le prix du marché. Ce fut encore le cas en 2022 avec l’envolée des prix du gaz faute de livraisons en provenance de Russie. Mais le nucléaire et les énergies renouvelables représentant désormais 51% du mix électrique, la CE doit formuler des propositions qui, en plus d’un plafonnement du prix du gaz décidé par les 27 Etats membres le 19 décembre, permettront d’orienter davantage encore les investissements vers ces sources d’énergie décarbonées.
L’UE cessera en outre d’importer des produits raffinés russes le 5 février. Cette nouvelle sanction contre la Russie pourrait compliquer l’approvisionnement du continent en carburant. Les stocks demeurent faibles, or la région est dépendante de ces importations pour couvrir sa demande.
Des élections à haut risque
Les principaux événements politiques se concentreront sur les marchés émergents : le scrutin présidentiel et législatif en Turquie et celui en Argentine. Le président turc Recep Tayyip Erdogan remettra en jeu son mandat en juin. La forte inflation, à plus de 80% dans ce pays, a écorné son image et les sondages sont favorables à la coalition qui est parvenue à fédérer six partis d’opposition. «Après l’élection, nous croyons qu’il y aura une surveillance accrue des investisseurs pour tout changement d’orientation des politiques économiques», soulignent les analystes d’UBS.
Les investisseurs attendent aussi un changement d’équipe gouvernementale après les élections d’octobre en Argentine, pays également frappé par l’hyper-inflation. Si le résultat du scrutin de mi-mandat en 2021 se confirme, l’opposition pourrait reprendre les deux chambres du Parlement, ouvrant la voie à une relance des réformes structurelles.
Davantage de défauts souverains
La liste des défauts dans les pays émergents devrait continuer de gonfler en 2023. L’endettement des marchés frontières, qui a fortement augmenté dans un contexte de liquidités abondantes, est devenu un fardeau. Une situation exacerbée par la crise du Covid puis la flambée des prix. Avec le durcissement des conditions financières, les marchés de capitaux leur sont désormais fermés. Faute de pouvoir honorer leurs dettes, ces pays n’ont d’autres choix que la restructuration. La plupart ont conclu des accords avec le FMI, ce qui leur permet de gagner du temps. Après le Sri Lanka ou le Ghana, qui doivent désormais négocier des accords de restructuration avec leurs créanciers, d’autres pays (Egypte, Pakistan…) pourraient passer par la case du défaut.
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