
Le temps est à l’action pour la BCE

La Banque centrale européenne (BCE) devrait annoncer de nouvelles mesures jeudi, ce qu’elle n’a plus fait depuis sa réunion de politique monétaire du 4 juin, quand elle avait augmenté son programme d’achats d’urgence (PEPP) en taille, de 750 à 1.350 milliards d’euros, et en durée, de décembre 2020 à juin 2021. Depuis, plus rien, si ce n’est une communication accommodante, et un renvoi aux gouvernements pour qu’ils s’accordent sur un plan de relance paneuropéen puis, désormais, qu’ils l’adoptent. Avec le «redoux économique» de l’été, les marchés s’attendaient à ce que la prochaine décision soit repoussée à cette réunion de décembre, qui sera aussi l’occasion de refaire un point sur les indicateurs économiques, ne serait-ce que pour mieux les préparer.
Extension du PEPP et prolongation des TLTRO ?
Pourra-t-on dire que cela a été le cas ? Les analystes sont désormais quasi-unanimes sur la probable extension du PEPP, qui pourrait être augmenté de 500 milliards supplémentaires (voire 600) tout en étant prolongé de six mois, jusqu'à fin 2021 ou juin 2022, ou peut-être fin 2022, avec des réinvestissements jusqu'à fin 2023, au lieu de fin 2022, «au moins» (les paris sont lancés sur le nombre de fois où cette expression apparaîtra dans le discours de Christine Lagarde). Certains comme JPMorgan voient une autre augmentation supplémentaire de 250 milliards mi-2021. «Tout dépendra du rythme des achats : à 21 milliard par semaine comme la semaine dernière, une nouvelle hausse de 500 milliards (à 1.850 milliards) serait complètement absorbée l’an prochain, calcule Evelyn Herrmann, économiste zone euro chez Bank of America (BofA). La BCE estimera les perspectives économiques et, face aux incertitudes persistantes, elle pourrait être tentée de ne plus annoncer une enveloppe synonyme de limites, mais une intervention du PEPP ‘autant que nécessaire’ pour empêcher la framentation sur les taux euro.» Avec le risque de décevoir les marchés, ce qui n’effraierait pas Isabel Schnabel, membre du conseil d’administration de la BCE, à en croire ses récentes déclarations à Bloomberg, alors que le chef économiste Philip Lane rassurait sur l’efficacité de cet instrument, et des opérations de refinancement à long terme ciblées (TLTRO).
Beaucoup estiment que, pour contrebalancer le coût du taux de dépôt négatif (-0,50%) et sa recommandation de suspendre encore les dividendes des banques, l’institution de Francfort voudra soutenir l’octroi de crédit en prolongeant de juin 2021 à juin 2022 l’avantage des TLTRO à un taux d’emprunt de -1%. «Les deux mesures sont justifiées» pour Franck Dixmier, directeur des investissements obligataires d’Allianz GI, qui estime la feuille de route de la BCE très claire, au point qu’«elles sont déjà intégrées dans les spreads du crédit et de la dette périphérique».
Soutien au PME ?
Outre ces décisions attendues, «la BCE pourrait envisager d’autres moyens de soutenir l'économie réelle face aux effets différés de la pandémie», avance Frederik Ducrozet, stratégiste de Pictet WM. Par exemple, l’inclusion des entreprises à la notation dégradée (fallen angels) dans le PEPP, sous certaines conditions et peut-être quand ce marché souffrira vraiment, ou des TLTRO ajustées, y compris via des allocations plus importantes en ouvrant les prêts hypothécaires dans le portefeuille de prêts éligibles - une nouvelle réduction du taux minimum à -1,25% serait gardée en cas de choc l’an prochain. «Nous avons aussi imaginé pour 2021 une TLTRO ciblée pour soutenir exclusivement les prêts bancaires aux PME, qui seront dans une situation inconfortable notamment dès qu’elles ne pourront plus souscrire de prêts garantis, poursuit Evelyn Herrmann. Une autre option pourrait consister à financer une ligne de crédit spécifique avec la Banque européenne d’investissement (BEI), un peu comme les programmes mis en place aux Etats-Unis.»
La BCE pourrait également augmenter dès jeudi le multiplicateur du dispositif d’exemption du taux de dépôt négatif pour les réserves bancaires excédentaires de 6 (actuellement) à 8 ou 9 fois les réserves obligatoires.
Les analystes, qui semblent partagés sur une réaction à l’appréciation de l’euro, s’attendent également à ce qu’elle renforce son programme d’achats d’actifs régulier (APP) - dont l’enveloppe additionnelle de 120 milliards arrive à terme - pour résoudre le problème de l’inflation, voire qu’elle transfère certaines caractéristiques flexibles du PEPP, mais plutôt une fois sa revue stratégique terminée, car cette approche par l’inflation lui permettrait de justifier un certain ciblage des courbes de taux à plus long terme, en fonction d’anticipations d’inflation toujours très faibles.
Enfin, la réunion de jeudi sera l’occasion pour l’institution de réviser ses prévisions économiques, «en revenant sur son scénario trop prudent pour le troisième trimestre 2020 (+8,5% de PIB au lieu de +12,5% effectif), ce qui décalera les autres chiffres de croissance pour 2020, donc aussi pour 2021 et 2022. Dans tous les cas, elle n’intégrera pas encore ses mesures de jeudi, ni tout le plan de relance paneuropéen qui est pourtant crucial pour l’an prochain», conclut Evelyn Herrmann.
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Gaza-ville: sous les bombes, les Palestiniens fuient l'assaut israélien
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Immigration: les entrées irrégulières et les demandes d'asile baissent, et pourtant la pression reste très forte pour serrer la vis
Bruxelles - Moins d’entrées irrégulières, moins de demandes d’asile... Et pourtant, l’Europe subit toujours une pression très forte pour durcir sa politique migratoire, une dynamique qui se reflète dans les propositions en débat parmi les Vingt-Sept. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Au cours de la première moitié de l’année, le nombre d’entrées irrégulières sur le territoire européen a chuté de 20% selon l’agence européenne de frontières Frontex. Elles ont dégringolé sur la route des Balkans et se concentrent désormais en Méditerranée. Les demandes d’asiles enregistrées dans les pays de l’Union européenne et ses voisins ont elles aussi reculé de 23% par rapport à la même période l’an dernier, selon des données publiées lundi. Face à la poussée de la droite et de l’extrême droite, l’Europe a pourtant rarement été sous une telle pression pour serrer la vis sur l’immigration. «Il y a au niveau politique ce sentiment qu’il faut répondre aux attentes des citoyens», note Camille Le Coz, directrice du centre de réflexion Migration Policy Institute Europe, évoquant la «montée de partis anti-migrants» partout sur le continent. Pour ces groupes politiques, la baisse du nombre d’arrivées est loin d'être suffisante. «Cela ne peut pas être le seul critère à prendre en compte», souligne, dans un entretien à l’AFP, l’eurodéputé du Rassemblement national et ancien patron de Frontex Fabrice Leggeri, plaidant pour qu’elle se conjugue avec une hausse significative des renvois. Moins de 20% des décisions d’expulsion de migrants sont actuellement suivies d’effets au sein de l’UE, une statistique régulièrement brandie par les partisans d’une ligne migratoire plus ferme. «Alléger la pression» Pressée à agir sur cette question, tout particulièrement par l’Allemagne, l’Autriche et les pays scandinaves, la Commission avance à marche forcée. Quelques mois seulement après l’adoption d’une loi titanesque sur la migration, qui doit entrer en vigueur en 2026, l’exécutif européen a mis trois propositions supplémentaires sur la table. Elles permettront «d’alléger la pression sur nos systèmes d’asile», a assuré lundi le commissaire chargé des questions migratoires, Magnus Brunner. Si elles venaient à être adoptées, les nouvelles propositions de la Commission permettraient aux Etats membres: - D’ouvrir des centres en dehors des frontières de l’UE pour y envoyer les migrants dont la demande d’asile aurait été rejetée, les fameux «hubs de retours». - De sanctionner plus durement les migrants qui refusent de quitter le territoire européen, via notamment des périodes de détention plus longues. - De renvoyer des migrants vers des pays dont ils ne sont pas originaires mais que l’Europe considère comme «sûrs». «Popcorn» Autant de mesures qualifiées de «cruelles» par la gauche et les associations de protection de migrants. Mais sur lesquelles les groupes de droite au Parlement et les Etats membres veulent avancer vite. Sous l’impulsion du Danemark, qui assure la présidence tournante de l’Union européenne, les Vingt-Sept ont déjà entamé l’examen de plusieurs de ces mesures, ont affirmé plusieurs sources à l’AFP. Ils espèrent adopter une position commune d’ici la fin de l’année, malgré des réticences exprimées notamment par l’Espagne, l’Irlande et le Portugal sur les questions de respect des droits humains. L’objectif est d’entamer des négociations en début d’année prochaine avec le Parlement, théâtre de tractations très difficiles, notamment sur la question des «hubs de retour», selon plusieurs eurodéputés qui y prennent part. Des discussions extrêmement périlleuses sont par ailleurs en cours entre les Etats membres et la Commission sur une nouvelle répartition des demandeurs d’asile sur le continent. L’idée est d’identifier quels sont les pays de l’UE les plus confrontés à une «pression migratoire». Et de déterminer, sur cette base, combien de migrants les autres Etats membres sont prêts à «relocaliser» sur leur sol, ou quelle aide financière ils sont prêts à leur verser. L’exécutif européen doit présenter sa copie aux Vingt-Sept le 15 octobre. «Préparez le popcorn», glisse un fonctionnaire européen, prédisant des négociations extrêmement «sensibles». Camille CAMDESSUS © Agence France-Presse -
Hausse record du niveau de formation dans l'OCDE, mais des inégalités et un déficit de compétences persistent
Paris - Le niveau de formation a fortement augmenté dans l’OCDE depuis le début des années 2000 avec un taux sans précédent de jeunes diplômés de l’enseignement supérieur, indique le rapport annuel «Regards sur l’Education» publié mardi. «48% des jeunes adultes des pays» membres sont désormais diplômés de l’enseignement supérieur «contre 27% en 2000", souligne ce rapport de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), qui rassemble les pays les plus industrialisés. L’Irlande et la Norvège affichent notamment des «progrès remarquables» avec une hausse de diplômés du supérieur d’environ 6 points de pourcentage entre 2005 et 2024, suivies par la Colombie, le Costa Rica, l’Espagne, la Grèce, l’Italie, le Mexique, le Portugal et la Turquie, a noté Mathias Cormann, le secrétaire général de l’OCDE, lors d’une présentation du rapport. L’OCDE souligne cependant que nombre d'étudiants ne finissent pas leurs études, en particulier les hommes, en raison d’une inadéquation entre attentes et réalité de la formation, ou d’un manque de soutien aux étudiants. Autre problème: diplôme ne veut pas toujours dire compétences. Ces dernières, notamment en maîtrise de l'écrit et des mathématiques, ont stagné ou diminué sur la dernière décennie dans la plupart des pays membres. «En France, il y a des adultes qui ont passé des années à l'école et parfois à l’université et qui n’ont même pas les compétences en littératie (compétences à l'écrit, ndlr) d’un enfant de 10 ans», a relevé Andreas Schleicher, directeur du département d’Education et des compétences de l’OCDE, lors de la présentation. Les études supérieures rapportent En outre, malgré la hausse des diplômés de l’enseignement supérieur, les entreprises ont du mal à trouver les qualifications dont elles ont besoin: «40% des employeurs sont en état de pénurie de compétences», relève l’OCDE, qui recommande la généralisation des formations courtes certifiantes tout au long de la vie active, afin d’aider «les travailleurs à s’adapter à l'évolution des besoins des entreprises, particulièrement avec la montée de l’intelligence artificielle. L’OCDE insiste sur un point souvent débattu: les études supérieures sont rentables, même lorsqu’elles coûtent cher comme en Angleterre ou aux Etats-Unis. «Une bonne éducation rapporte. Si vous avez une licence, vous gagnez 39% de plus qu’un diplômé de l’enseignement secondaire», et encore plus avec un master, fait valoir Andreas Schleicher. La plus-value d’un diplôme du supérieur dans une trajectoire professionnelle fait que la mobilité des étudiants internationaux ne cesse de croître, en dépit du coût des formations. Bémol notable: l’inégalité de l’accès à l’enseignement supérieur persiste et les enfants de diplômés du supérieur ont encore beaucoup plus de chances de décrocher eux aussi une formation de l’enseignement supérieur et de la terminer que ceux dont les parents n’ont pas fait d'études supérieures. Certains pays comme le Danemark et la Corée ont réussi à gommer en partie ces inégalités avec «tout de même 40% de possibilités d’avoir un diplôme de l’enseignement supérieur si vos parents n’ont pas terminé leurs études secondaires». A l’inverse en Hongrie ou en Lituanie par exemple ce taux n’est que de 7%. M. Schleicher relève que le système britannique de prêts étudiants est plutôt mieux à même de gommer les inégalités que certains autres pays où l’Etat finance davantage les études supérieures: le remboursement sera exigé après la fin des études seulement si le jeune gagne au moins un certain niveau de rémunération. Véronique DUPONT © Agence France-Presse