
Le marché monétaire euro a connu sa plus forte tension depuis neuf ans

Alors qu’il avait chuté tout près du taux de dépôt à -0,49% le 12 mars après la baisse des taux américains, le taux Euribor 3 mois n’a plus cessé de remonter depuis pour atteindre -0,16% jeudi, un sommet depuis quatre ans. Ce taux de référence s’est détendu à -0,19% vendredi puis -0,22% lundi. Mais cet écartement d’environ 30 points de base par rapport aux taux interbancaires au jour le jour ( €STR ou OIS), que l’on n’avait plus vu depuis 2011 et la crise de la zone euro, et que l’on retrouve dans les mêmes proportions sur les Neu CP (papier commercial) des entreprises ou des banques, est notable pour deux raisons. D’une part, cette tension est intervenue un peu en décalage par rapport au choc sur les marchés du crédit ; d’autre part, elle a pu surprendre alors que la Banque centrale européenne (BCE) s’était donné de nouveaux moyens d’intervenir, le 18 mars, avec son programme d’achats d’urgence (PEPP) élargi aux billets de trésorerie d’entreprises non financières.
«Attention, cela aurait été plus étonnant que le marché monétaire ne connaisse pas de mouvement après le choc subi. A la différence des précédentes crises, l’Euribor suit depuis 2019 une nouvelle méthode de calcul, peut-être plus représentative et qui le rend aussi plus sensible», rappelle Thomas Prince, responsable de la gestion monétaire chez Groupama AM.
D’un côté, ce genre de crise amène les entreprises à tirer sur leurs lignes de crédit pour rapatrier un maximum de cash encore assez peu cher sur leur bilan, ce qui réduit les ratios de liquidité des banques et augmente la demande de refinancement sur les marchés monétaires, traditionnellement déjà peu liquides en fin de trimestre. Les dysfonctionnements sur le marché interbancaire ont pu être accentués par «la fragmentation entre pays périphériques et ceux du cœur de la zone euro : les contreparties demandent une compensation plus élevée pour prêter aux banques du sud», rappelle Antoine Bouvet, stratégiste taux chez ING. Les banques italiennes avaient d’ailleurs pu profiter d’arbitrages sur le dispositif de «tiering» mis en place par la BCE cet automne, au moment de la baisse des taux de dépôt à -0,50%, pour se refinancer davantage sur le marché interbancaire européen, assez fragmenté et sensible cependant.
Fonds monétaires fragilisés
D’un autre côté, les mêmes entreprises retirent une partie de leur trésorerie investie dans les fonds monétaires, ce qui fragilise ces derniers dans leur capacité à racheter des billets de trésorerie. «On a effectivement vu un mouvement des fonds monétaires standards vers les fonds monétaires à court terme et à valeur constante (Cnav), qui sont moins exposés au risque de crédit des entreprises privées car investis sur du très court terme ou en titres du Trésor», note encore Thomas Prince.
La BCE n’a pas, au contraire de la Fed américaine, mis en place ces conduits qui ont permis de soulager les tensions sur les billets de trésorerie dont les fonds monétaires standards voulaient se débarrasser outre-Atlantique. Elle a peut-être aussi, pour l’instant, concentré ses achats sur les titres longs, voire sur les titres courts des Etats uniquement, et pas encore sur les billets de trésorerie des entreprises, estiment certains. «Si elle a pris un peu de temps à mettre en place son programme d’achats de billets d’entreprises, et si elle reste dans une politique d’accompagnement assez contrainte – par exemple au regard des entreprises dont l’Etat est actionnaire, ce marché se normalise à nouveau petit à petit depuis vendredi», veut croire Thomas Prince.
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Paris - Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d’en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise. Fitch ouvre le bal des revues d’automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette «haute ou bonne»), avec, pour certaines comme Fitch, une «perspective négative». Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité «moyenne supérieure»), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d’autant les remboursements de cette dette. Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management, une dégradation serait «logique». D’abord parce que la situation politique n’aide pas à mettre en œuvre «un plan crédible d’assainissement budgétaire», comme Fitch l’exigeait en mars. Mais aussi pour effacer «une incohérence» : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu’ils ont - à très peu d’exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024. Coup d’envoi Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l’espoir d’un budget 2026 présenté en temps et heure. Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi «plausible» que Fitch «attende davantage de visibilité politique» pour agir. D’autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n’ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que «la croissance résiste». L’Insee a même annoncé jeudi qu’en dépit du «manque de confiance» généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année. Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l’institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, «donne rarement le coup d’envoi» des dégradations. Mais il estime «très probable» que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre. Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l’an prochain, contre les 4,6% qu’espérait François Bayrou. Les économistes affirment cependant qu’une dégradation ne troublerait pas les marchés, «qui l’ont déjà intégrée», relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade. Syndrome La dette française s’y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l’espace d’une journée, mardi, le taux de la dette italienne. Les marchés donnent déjà à la France une «notation implicite» bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie. Il craint des taux qui resteraient «durablement très élevés», provoquant «un étranglement progressif», avec des intérêts à rembourser captant «une part significative de la dépense publique, alors qu’on a des besoins considérables sur d’autres postes». L'économiste décrit une France en proie au «syndrome du mauvais élève». «Lorsqu’on avait 20/20», explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu’a toujours l’Allemagne - «on faisait tout pour s’y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu’on est au-dessus de la moyenne, c’est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!», dit-il à l’AFP. Pour autant, même abaissée à A+, «la dette française resterait de très bonne qualité», relativise M. Camatte, préférant souligner «la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine». Odile DUPERRY © Agence France-Presse -
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