
Le crédit, l’autre boussole de la Fed

Qu’un vertige saisisse les marchés actions, et tous les traders prompts à privatiser les profits et nationaliser les pertes se tournent vers les banques centrales. A mesure que la Bourse corrige ses excès, certains sont tentés de rejouer une musique entêtante : et si la Réserve fédérale renonçait à resserrer trop fort sa politique pour sauver l’épargnant américain ? Et si Jerome Powell, son président, décalait la première hausse de taux que le consensus des économistes prévoit fin mars, afin d’éviter une panique ? Après tout, ce « Fed put », une option de vente qui garantissait un plancher aux indices actions, a servi d’assurance tous risques aux investisseurs depuis des années. Chaque correction a donné le signal de rachats à bon compte, car il était certain que la Fed interviendrait pour couper court à un krach. Après le coup de tabac du dernier trimestre 2018 sur les marchés, l’institution avait d’ailleurs mis fin prématurément à son cycle de hausse de taux.
Mais l’hiver 2022 n’est plus celui d’il y a trois ans. L’inflation, que l’on a cessé de considérer comme un phénomène temporaire à Washington, est remontée haut dans la liste des préoccupations des décideurs politiques et monétaires. Et si l’on veut aujourd’hui estimer l’impact des marchés sur la fonction de réaction de la Fed, plutôt que de scruter le niveau du Nasdaq ou du S&P 500, mieux vaut tenir compte d’un indicateur qui est passé jusqu’à présent sous les radars : les conditions de financement des entreprises notées en catégorie spéculative.
Le high yield américain, qui regroupe des sociétés plus endettées que la moyenne, constitue un bon indicateur de la santé de l’économie et du secteur financier. Il est le premier à se gripper en période de crise. On l’a vu en 2007 et en 2008, lorsque les subprime finirent par infecter tout Wall Street. On l’a vu, encore, fin 2018 lorsque ce marché a subitement cessé de fonctionner. Pendant quarante jours, aucune entreprise ne parvint plus à émettre de junk bonds, une traversée du désert que l’on n’avait pas connue depuis la faillite de Lehman Brothers. Si les difficultés des marchés d’actions et de crédit allaient de pair à l’époque, c’est bien le durcissement des conditions financières, avec le risque de faillites qu’il laissait craindre, qui a convaincu la Fed d’opérer un demi-tour spectaculaire.
Rien de tout cela à ce jour. Les spreads de la dette à haut rendement se sont certes tendus ces dernières semaines, mais ils restent à des niveaux faibles dans une perspective historique, et inférieurs à ceux de janvier 2021. Les investisseurs obligataires n’anticipent ni un bond des faillites, ni une contagion du stress financier, ni une récession carabinée qui résulterait des trois à quatre hausses de taux attendues cette année aux Etats-Unis. Peut-être se bercent-ils d’illusions. Mais à cette aune, la Réserve fédérale peut avancer sans trembler sur la voie du resserrement monétaire.
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L'ambassadeur britannique aux Etats-Unis limogé, pour ses liens avec Jeffrey Epstein
Londres - L’ambassadeur britannique aux Etats-Unis, Peter Mandelson, a été limogé jeudi en raison de ses liens avec le délinquant sexuel américain Jeffrey Epstein, un revers de plus pour le Premier ministre Keir Starmer avant la visite d’Etat de Donald Trump au Royaume-Uni. La pression montait depuis plusieurs jours sur Keir Starmer, qui avait nommé il y a moins d’un an cet architecte du «New Labour» de Tony Blair, pour tenter de consolider les liens entre son gouvernement et la nouvelle administration Trump. Des mails entre le vétéran du parti travailliste de 71 ans et le financier américain, mort en prison en 2019, révélés cette semaine, «montrent que la profondeur et l'étendue des relations de Peter Mandelson avec Jeffrey Epstein sont sensiblement différentes de celles connues au moment de sa nomination», a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué. «Compte tenu de cela, et par égard pour les victimes des crimes d’Epstein, il a été révoqué comme ambassadeur avec effet immédiat», a ajouté le Foreign Office. Dans une lettre écrite par Peter Mandelson pour les 50 ans de Jeffrey Epstein en 2003, et publiée en début de semaine par des parlementaires à Washington, le Britannique affirme que le financier américain est son «meilleur ami». Interrogé mercredi après la publication de cette lettre, le Premier ministre Keir Starmer lui avait apporté son soutien, assurant que Peter Mandelson avait «exprimé à plusieurs reprises son profond regret d’avoir été associé» à Jeffrey Epstein. Mais cette position est rapidement devenue intenable. En fin de journée mercredi, des médias britanniques, dont le tabloïd The Sun, ont rapporté que M. Mandelson avait envoyé des mails de soutien à Jeffrey Epstein alors que ce dernier était poursuivi en Floride pour trafic de mineures. Juste avant que M. Epstein ne plaide coupable pour conclure un arrangement dans cette affaire en 2008, Peter Mandelson lui aurait écrit: «Je pense énormément à toi et je me sens impuissant et furieux à propos de ce qui est arrivé», l’incitant à "(se) battre pour une libération anticipée». «Je regrette vraiment très profondément d’avoir entretenu cette relation avec lui bien plus longtemps que je n’aurais dû», avait tenté de se défendre l’ambassadeur dans un entretien diffusé mercredi sur la chaîne YouTube du Sun. Il y a affirmé n’avoir «jamais été témoin d’actes répréhensibles» ou «de preuves d’activités criminelles». «Sérieuses questions» «L’affirmation de Peter Mandelson selon laquelle la première condamnation de Jeffrey Epstein était injustifiée et devait être contestée constitue une nouvelle information», a fait valoir le Foreign Office pour expliquer la décision de le limoger. Dans une lettre au personnel de l’ambassade, citée jeudi soir par la BBC, Peter Mandelson affirme que ce poste a été le «privilège» de sa vie. «Je regrette profondément les circonstances qui entourent l’annonce faite aujourd’hui», ajoute-t-il. Les relations entre Londres et Washington sont «en très bonne posture», se félicite l’ex-ambassadeur, disant en tirer une «fierté personnelle» Pour Keir Starmer, ce départ, à une semaine de la visite d’Etat du président Donald Trump au Royaume-Uni les 17 et 18 septembre, est un nouveau coup dur. Le dirigeant travailliste, au plus bas dans les sondages, a déjà dû se séparer il y a quelques jours de sa vice-Première ministre, Angela Rayner, emportée par une affaire fiscale, ce qui a déclenché un remaniement de taille du gouvernement. Trois fois ministre et commissaire européen, Peter Mandelson était le premier responsable politique nommé ambassadeur à Washington, un poste traditionnellement réservé à des diplomates chevronnés. Cet homme de réseaux et d’influence, surnommé le «Prince des ténèbres», était déjà tombé à deux reprises par le passé en raison d’accusations de comportements répréhensibles ou compromettants. La cheffe de l’opposition conservatrice Kemi Badenoch a fustigé le «manque de courage» de Keir Starmer, qui «a encore échoué à un test de son leadership». Marie HEUCLIN © Agence France-Presse -
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