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L’âge d’or de l’Amérique se termine maintenant

L’entreprise de destruction menée par l’administration Trump se manifeste à l’extérieur par le retrait unilatéral des accords internationaux comme celui sur le climat, ou par des coupes claires dans le budget d’aide au développement, en rupture avec la tradition de leadership global des Etats-Unis. La remise en question des alliances traditionnelles et le tournant agressif pris par la politique commerciale américaine à l’égard de ses partenaires historiques érodent la confiance mutuelle, longtemps ciment des relations transatlantiques. La diplomatie américaine adopte également une posture viriliste et belliqueuse qui consiste à recourir à des méthodes d’intimidation pour imposer la paix par la force ou pour accaparer des ressources stratégiques selon une logique de prédation, non sans rappeler les puissances impériales d’antan.
Cette politique de démantèlement se poursuit à l’intérieur des Etats-Unis, avec le rétablissement de la censure sur fond de négationnisme scientifique et l’organisation d’une purge sans précédent dans l’administration fédérale qui s’apparente à une chasse aux sorcières «woke». L’effacement programmé de la diversité et l’affaiblissement systématique des contre-pouvoirs menacent également les fondements mêmes du système démocratique américain.
Les Etats-Unis n’ont plus rien à voir avec cet hégémon bienveillant, phare de la démocratie libérale, et pionnier des avancées scientifiques et sociétales, qui a guidé le monde occidental depuis quatre-vingts ans. Dans une pulsion autodestructrice, le président Trump met en scène, dans un chaos incessant, la fin de la grandeur américaine.
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Le dollar, victime collatérale ?
La prochaine victime pourrait bien être le dollar qui règne encore en maître sur le système financier mondial. Donald Trump ne compte pourtant pas abandonner le statut de monnaie de réserve internationale du dollar, cet emblème de l’hégémonie américaine qui permet aux Etats-Unis de conserver un contrôle sur les transactions financières et commerciales internationales, en faisant de son usage une arme géopolitique. Il est cependant influencé par Stephen Miran, son conseiller économique. Ce dernier estime, en s’inspirant du dilemme de Triffin (1), que la demande illimitée d’actifs de réserve a pour inconvénient de pousser à l’appréciation du dollar, ce qui en retour nuit à la compétitivité américaine. En assurant le rôle de fournisseur de la liquidité mondiale en dollars, les Etats-Unis seraient victimes de leur propre générosité, en étant condamnés à accumuler des déficits extérieurs chroniques et à subir une désindustrialisation progressive. Cette rhétorique, aux accents très «trumpiens», passe sous silence le «privilège exorbitant» du dollar, lequel permet aux Américains de vivre au-dessus de leurs moyens grâce à un financement indolore de leur double déficit, commercial et budgétaire.
L'équipier de Trump considère que les pays excédentaires, perçus comme des «profiteurs», doivent désormais assumer le coût lié à la fourniture de la monnaie de réserve par les Etats-Unis. L’objectif est d’orchestrer, volontairement ou par la contrainte, une dévaluation du dollar. Historiquement, le réalignement des monnaies s’est fait par le biais d’accords multilatéraux nommés d’après le lieu de leur signature, à l’hôtel Plaza de New York en 1985 ou au palais du Louvre à Paris en 1987. Dans cette logique, Mar-a-Lago, antichambre du pouvoir trumpien, pourrait devenir le théâtre de négociations visant à refondre le système monétaire mondial, avec pour objectif principal l’affaiblissement du dollar.
Ingénierie financière coercitive
Face à d’éventuelles réticences, les politiques commerciales et de sécurité pourraient servir de leviers de pression, soit en ajustant les tarifs douaniers de manière sélective selon des mécanismes de récompense ou de punition, soit en utilisant la garantie de sécurité militaire américaine comme une monnaie d’échange. Parallèlement, pour contrer la hausse des taux d’intérêt inhérente à ce type d’accord, il conviendrait d’inciter, voire de contraindre, les créanciers officiels étrangers à échanger leurs bons du Trésor à court terme contre des obligations centenaires à coupon zéro. L’objectif, en pratique, serait de diminuer globalement l’accumulation de réserves en dollars pour peser sur la valeur du taux de change tout en réorientant la demande d’actifs en dollars vers des maturités lointaines afin de contenir les taux longs. Cette forme de restructuration de la dette imposée aux détenteurs d’obligations, de manière unilatérale et à des conditions désavantageuses, s’apparente à de l’extorsion financière. Autre entorse au principe de gouvernance moderne, la Réserve fédérale pourrait être mise à contribution en instrumentalisant son pouvoir de battre monnaie pour servir les objectifs politiques, signant de facto la fin de l’indépendance de la banque centrale américaine…
Ces manœuvres d’ingénierie financière coercitive risquent de saper la confiance internationale dans le dollar américain, remettant en question son statut privilégié de monnaie de réserve mondiale. En l’absence d’ancrage, le système financier plongerait dans la crise avec une fuite généralisée hors du dollar et une ruée vers l’or, valeur refuge traditionnelle, ou vers des cryptoactifs, valeur refuge alternative, de quoi assouvir alors le rêve de puissance d’une oligarchie techno-libertarienne, incarnée par Elon Musk, qui aspire à un nouvel ordre monétaire mondial totalement décentralisé.
[1] Robert Triffin, Gold and the Dollar Crisis. The Future of Convertibility (1960)
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse