
L’accalmie de l’inflation américaine réveille les marchés

Le cycle de resserrement monétaire de la Fed se conjugue désormais au passé. C’est en tout cas le sentiment du marché après la publication des dernières données d’inflation aux Etats-Unis. Cette dernière, qui est ressortie inférieure aux attentes, a confirmé en octobre la tendance baissière des derniers mois. Les taux longs ont chuté et le dollar a nettement baissé après cette annonce, avec un rebond des actions. «En soi, ces chiffres ne signifient pas la fin de l’inflation, mais constituent une indication claire dans cette direction», estime Florian Ielpo, responsable macro cross-asset chez Lombard Odier AM. C’est en tout cas suffisant pour une pause de la Fed. «Ces baisses de l’inflation devraient définitivement entériner une pause prochaine de la Fed et renforcent l’idée qu’une réduction pourrait intervenir dès le deuxième trimestre 2024, conformément aux attentes du marché», juge Christophe Boucher, directeur des investissements chez ABN Amro Investment Solutions.
L’indice des prix à la consommation (CPI) a affiché une croissance nulle (0,0%) le mois dernier après une progression de 0,4% en septembre, a annoncé le département du Travail. Sur un an, il ressort à +3,2%, après un gain de 3,7% en septembre. Les économistes interrogés par Reuters prévoyaient en moyenne pour le mois d’octobre un ralentissement à 0,1% d’un mois sur l’autre et à 3,3% en rythme annuel.
L’inflation core ralentit
L’indice CPI, hors énergie et produits alimentaires, dite inflation de base (core CPI), a ralenti à 0,2% sur un mois, contre 0,3% en septembre, alors que le consensus prévoyait +0,3%. Sur un an, celui-ci a ralenti à 4% après une hausse de 4,1% en septembre, conformément au consensus.
«La surprise à la baisse sur les chiffres globaux est en partie due à une baisse de 2,5% sur le mois des prix de l'énergie, analysent les économistes de Bank of America. La combinaison d’une demande plus faible et d’une offre accrue a contribué à une baisse de 4,9% des biens énergétiques, principalement les carburants. Les prix des produits alimentaires, en revanche, ont augmenté de 0,3%, une accélération par rapport à la tendance récente.» Mais ces derniers estiment qu’en novembre, les prix de l'énergie pourraient à nouveau baisser étant donné que les prix de détail de l’essence ont continué de diminuer au cours des deux premières semaines du mois.
Les prix core ont par ailleurs baissé de 0,1% sur le mois, en grande partie à cause d’une baisse de 0,8% des prix des voitures d’occasion, pour le cinquième mois consécutif. Même si les coûts pour se loger continuent de peser sur cet indicateur. «Les coûts du logement, un indicateur retardé des prix, continuent de biaiser l’inflation core à la hausse, indique Erik Norland, économiste senior chez CME Group. Le loyer équivalent pour les propriétaires, qui constitue 24% de l’indice des prix, a augmenté de 6,7%. Cela ajoute 1,6% à l’inflation.» La santé pèse aussi. «Les prix des soins médicaux ont augmenté (+0,3% en rythme mensuel ; -2% en rythme annuel) pour la première fois en quatorze mois, note Michael Pearce chez Oxford Economics. Chaque année en octobre, le calcul du BLS (US Bureau of Labor Statistics) intègre de nouvelles données sur les prix de l’assurance maladie qui, comme nous l’avions prévenu il y a quelques mois, devaient recommencer à faire grimper l’inflation à partir de ce mois-ci. Ces hausses mensuelles de l’assurance maladie devraient persister pendant une grande partie de l’année prochaine.»
«En dehors des coûts du logement, l’inflation américaine est proche de 1,5 %, bien en dessous de l’objectif de la Fed», poursuit l’économiste de CME Group. L’indice est sur la bonne voie pour atteindre la cible des 2% de la Fed d’ici au troisième trimestre 2024, selon Christophe Leboucher. L’indice des prix à la consommation ainsi que les faibles chiffres de création d’emplois d’octobre ont conduit les marchés à retirer presque complètement toute possibilité de nouvelles hausses des taux de la Fed. «Rien, dans ce rapport, ne devrait inciter la Fed à revoir sa stratégie, estime l’économiste Véronique Riches-Flores (RF Research). Au contraire, ces résultats invalident plutôt les craintes formulées par J. Powell d’une ‘mauvaise surprise’ possible, évoquée la semaine dernière.»
De fait, le marché n’intègre plus aucune hausse de la Fed. La pause est actée avec une probabilité de statu quo en décembre et quasiment pas d’attente de hausse en janvier (contre près de 30% la veille). Par ailleurs, les investisseurs s’attendent désormais à une première baisse de taux dès le mois de mai (juin la veille). La réaction a été immédiate sur les marchés.
L’indice dollar (DXY) se replie de 1,4%, à 104,20 points, un plus bas depuis début septembre. L’euro progresse de plus de 1,6% face au billet vert à 1,087 dollar. La devise américaine se replie face aux devises majeures : yen, livre sterling, franc suisse.
Sur les marchés de taux, le rendement de l’emprunt américain à 10 ans se resserre de 17 points de base (pb) à 4,47%, effaçant la correction subie en fin de semaine dernière après des propos hawkish du président de la Fed, Jerome Powell, également à un plus bas depuis mi-septembre. La partie intermédiaire de la courbe 2-7 ans se détend d’une vingtaine de pb. Ce rallye sur les taux américains profite aux emprunts d’Etat de la zone euro. Le rendement du Bund 10 ans baisse de 11 pb, à 2,60%, par exemple.
Les marchés actions ont immédiatement réagi dans le sillage de cette annonce, et de la forte détente sur les marchés de taux. A Wall Street, le Nasdaq a bondi de plus de 2% tandis que le S&P 500 a repris 1,9%. En Europe, l’indice Euro Stoxx 50, qui était légèrement dans le vert avant la publication de l’inflation américaine, a gagné 1,4%.
«Après l’accélération du mois dernier, l’inflation des services de base a ralenti en octobre, passant de 0,6% à 0,3% en rythme mensuel, rappellent les économistes de BoA. Les deux dernières publications nous rappellent qu’il faut veiller à ne pas trop insister sur un mois donné de données.» Pour Florian Ielpo, si la Fed peut y lire des signes de succès sur l’inflation, ce n’est peut-être pas au point de réduire les taux maintenant. «L’inflation de base de 4% reste bien supérieure à son mandat et la situation de taux plus élevés devrait durer encore quelques mois», indique-t-il, précisant que la publication des ventes au détail seront également très suivies cette semaine. «Un écart important pourrait faire dérailler cette histoire rose de désinflation et de croissance positive. C’est le risque actuel», prévient-il.
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