
La « raison d’être » constitue une mesure anti-OPA efficace

Le déconfinement facilitera-t-il la reprise des fusions-acquisitions, comme pourrait le laisser penser l’assaut de Veolia sur Suez ? «Le rebond des cours de Bourse depuis la fin mars, effaçant souvent l’effet de la crise du Covid-19, alors que la reprise économique ne se traduit pas encore dans les comptes, et la vague de restructurations et de plans de licenciement qui se prépare, vont pousser à l’immobilisme sur le marché du M&A, anticipe Hubert Segain, avocat associé chez Herbert Smith Freehills. Si les entreprises disposent de beaucoup de cash, l’incertitude sur l’avenir les empêche de franchir le pas des acquisitions». Les restructurations permettront aux sociétés de s’adapter à la baisse d’activité, mais aussi de rationaliser leurs mètres carrés avec la généralisation du télétravail. «Beaucoup d’entreprises se sont rendu compte qu’elles pouvaient faire aussi bien avec moins de personnes, constate Hubert Segain. Leur stratégie immobilière évoluera vers une réduction des espaces de travail et conduira sans doute à une correction du marché de bureaux.»
Toutefois, quand les Bourses consolideront ou quand un vaccin contre le Covid-19 arrivera sur le marché, la situation pourrait basculer. «Nous pourrions voir déferler une vague de M&A opportuniste au quatrième trimestre, poursuit Hubert Segain. Les entreprises en difficultés, notamment dans les secteurs automobile, bancaire, des transports, et de l’énergie pourraient être contraintes de céder des divisions, tandis que les sociétés en bonne santé profiteront d’opérations à bon compte.»
Les cibles pourraient se défendre. Herbert Smith Freehills vient de publier son panorama 2020 des défenses anti-OPA au sein des sociétés du CAC 40 et du CAC Next 20. La loi Pacte leur a apporté deux armes de choix. D’une part en imposant à toute société d’être gérée «dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité» (art. 1833 du Code civil). D’autre part, en leur laissant la possibilité d’adopter une raison d’être. Si seulement 13% des 60 premières capitalisations de la Place ont inscrit une raison d’être dans leurs statuts, près de 40% ont communiqué dessus et pourraient l’adopter dans les années à venir. «La raison d’être et les enjeux environnementaux et sociaux pourraient devenir des moyens efficaces de défense du conseil de la société cible, en invoquant une incompatibilité avec ses valeurs ou ses missions», précise Hubert Segain.
Les trois quarts des grandes sociétés ont des droits de vote double
En outre, la spécificité française du droit de vote double, instaurée par la loi Florange de 2014 constitue la première défense d’une société. Le droit de vote double concerne désormais 73,5% des sociétés du CAC 40 et du Next 20, contre 58,5% en 2007. «Ce niveau ne devrait plus progresser, car un quart de ces sociétés ont volontairement maintenu le principe ‘une action une voix’, généralement sous la pression des proxys, ajoute Hubert Segain. On peut déplorer néanmoins que ces droits de vote double permettent à certains actionnaires d'être en position de contrôle sans jamais avoir eu à en payer le prix.»
La composition de l’actionnariat reste aussi un des meilleurs moyens de défense. D’une part à travers actionnariat salarié. Le pourcentage de sociétés du CAC 40 disposant d’un actionnariat salarié représentant plus de 5% du capital reste stable depuis 2007 autour de 27%. Un pourcentage qui descend à 11% pour les sociétés françaises du CAC 40 qui disposent d’un actionnariat salarié avec au moins 10% du capital, constate l’étude du cabinet d’avocats. D’autre part, avec l’actionnariat de référence. Plus des trois quarts du CAC 40 ont des actionnaires détenant plus de 10% du capital, contre seulement un quart en 2007.
En revanche, les fameux «bons Breton», dont disposait 20% des sociétés françaises du CAC 40 en 2007, ne sont plus utilisés que par trois sociétés (Accor, Bouygues et PSA). L’opposition des actionnaires et des agences de conseil en vote a eu raison de cet outil.
Plus d'articles du même thème
-
EssilorLuxottica grignote 1% supplémentaire du capital de Nikon
Le groupe franco-italien détenait déjà 8,45% du capital et pourrait grimper jusqu'à 20%. -
BPCE et Generali renoncent aux pénalités prévues en cas de rupture de leur accord dans la gestion d'actifs
Face aux obstacles qui s’accumulent, Generali et BPCE ont décidé de se donner plus de temps pour conclure le rapprochement de leur gestion d’actifs, annoncé en janvier dernier, rapporte Les Echos. Ils auraient ainsi décidé de repousser à la fin de l’année la date de la signature d’un accord contraignant initialement prévue pour le 15 septembre. Les deux parties ont par ailleurs renoncé aux pénalités de rupture prévues initialement. Parmi les obstacles, outre l’opposition de l’Etat italien, Mediobanca, principal actionnaire de Generali et soutien de l’opération, a vu son propre actionnariat modifié avec le succès de l’offre hostile de Monte dei Paschi sur son capital. Tout le conseil d’administration de Mediobanca a démissionné ce jeudi. Les actionnaires de Monte dei Paschi sont eux-mêmes hostiles à l’offre. -
Nvidia vole au secours d'Intel via un accord gagnant-gagnant
Le géant des puces pour l'intelligence artificielle va investir 5 milliards de dollars dans le groupe de semi-conducteurs quelques semaines après que l'Etat américain a lui-même pris une grosse participation au capital.
Sujets d'actualité
ETF à la Une

DWS cote trois ETF de petites capitalisations
- Le patron de la Société Générale prend la menace Revolut au sérieux
- L’AMF sanctionne Altaroc et ses deux dirigeants à hauteur de 1,3 million d’euros
- BNP Paribas confirme ses objectifs 2025 et dévoile des ambitions pour 2028
- Le Crédit Agricole revendique une place dans l’accès aux soins et les services aux plus âgés
- Rubis confirme avoir engagé des discussions avec des acteurs industriels et financiers
Contenu de nos partenaires
-
Corruption aux Philippines : manifestations massives à Manille contre le scandale des infrastructures "fantômes"
Manille - Des milliers de Philippins ont manifesté dimanche à Manille, un mouvement émaillé d’accrochages avec la police, pour dire leur colère face à un scandale de corruption autour d’infrastructures anti-inondations «fantômes», qui auraient coûté des milliards de dollars aux contribuables. Près de 50.000 personnes se sont réunies dimanche matin dans le parc Luneta de la capitale, selon des estimations municipales. Et plusieurs milliers d’autres ont participé à un rassemblement dans l’après-midi sur une avenue emblématique des manifestations de masse qui avaient chassé Ferdinand Marcos, père du président actuel, en 1986. Le mouvement a dégénéré lorsque la police antiémeute a utilisé des canons à eau lors d’affrontements avec des dizaines de protestataires, pour la plupart des jeunes masqués, qui ont lancé des pierres et brisé les vitres d’un poste de police. Les forces de l’ordre ont arrêté 72 personnes, dont 20 mineurs, lors de deux incidents distincts qui ont fait au moins 39 blessés parmi les policiers, a indiqué un porte-parole de la police, Hazel Asilo. Il était impossible de déterminer dans l’immédiat si les personnes arrêtées étaient «des manifestants ou simplement des fauteurs de troubles», a-t-il dit à l’AFP. Les projets d’infrastructures anti-inondations sont au coeur du plus grand scandale de corruption depuis des décennies aux Philippines. Il a déjà précipité la chute du président du Sénat et de Martin Romualdez, président de la chambre basse et cousin du chef d’Etat. La question était au centre du discours sur l'état de la nation du président Ferdinand Marcos en juillet, après plusieurs semaines d’inondations meurtrières dans l’archipel. «C’est très rare que je prenne part à des manifestations», a déclaré à l’AFP Mitzi Bajet, un designer de 30 ans qui a voulu dire : «ça suffit maintenant !». «S’il y a un budget pour des projets fantômes, alors pourquoi n’y a-t-il pas de budget pour le secteur de la santé ?», s’interroge Aly Villahermosa, une étudiante infirmière de 23 ans qui qualifie le détournement de fonds publics de «véritablement honteux». Teddy Casino, président de Bagong Alyansang Makabayan, une alliance d’organisations de gauche, demande pour sa part le remboursement des fonds et de la prison pour les responsables. «Les gens descendent dans la rue et expriment leur indignation dans l’espoir de faire pression sur le gouvernement pour qu’il fasse réellement son travail,» explique-t-il. Paiements en espèce Le président Ferdinand Marcos Jr., qui avait déclaré comprendre la colère populaire, avait demandé que les manifestations restent pacifiques. Mais des journalistes de l’AFP ont vu des groupes de jeunes jeter des pierres et des bouteilles à des policiers et incendier les pneus d’un camion près d’un pont conduisant au palais présidentiel. Parmi les participants aux affrontements, certains brandissaient le drapeau pirate, vu lors des récentes manifestations en Indonésie, déclenchées par les bas salaires, le chômage et la colère suscitée par les avantages accordés aux parlementaires, qui ont fait au moins dix morts. Plus tôt ce mois-ci, les propriétaires d’une entreprise de construction ont accusé près de 30 parlementaires et des responsables du Département des Travaux publics et des autoroutes (DPWH) de recevoir des paiements en espèces. Le préjudice financier s'élèverait à 118,5 milliards de pesos (1,75 milliard d’euros) entre 2023 et 2025, selon le ministère philippin des Finances. Greenpeace a suggéré un chiffre bien plus élevé, proche des 15,3 milliards d’euros. Pour Elizabeth Abanilla, une octogénaire rencontrée par l’AFP lors d’une récente visite à Bulacan, une province au nord de Manille touchée par les crues, aussi bien les hommes politiques que les chefs d’entreprises sont coupables. «Ils n’auraient pas dû remettre (l’argent) avant que le travail soit terminé», estime-t-elle. © Agence France-Presse -
Effet drapeau
Drapeaux palestiniens : les frontons des mairies longtemps réservés aux photos d'otages français
La polémique que créent les drapeaux palestiniens est beaucoup plus intense que pour l'affichage des couleurs ukrainiennes -
Reconnaissance de l’État palestinien : le Portugal et le Royaume-Uni franchissent le pas, malgré la pression d’Israël
Londres - Le Royaume-Uni et le Portugal doivent reconnaître officiellement dimanche l’Etat de Palestine, à la veille d’annonces similaires d’autres pays, une décision dénoncée par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu comme un «danger» pour l’existence d’Israël. Un nombre croissant de pays, longtemps proches d’Israël, ont franchi ce pas symbolique ces derniers mois alors que l’armée israélienne a intensifié son offensive à Gaza, déclenchée par une attaque meurtrière du mouvement islamiste palestinien Hamas en 2023. Lors d’un sommet lundi à New York, coprésidé par la France et l’Arabie saoudite, qui doit se pencher sur l’avenir de la solution à deux Etats, une dizaine de pays doivent confirmer leur reconnaissance formelle de l’Etat palestinien. Le Royaume-Uni, allié historique d’Israël, va faire ce pas dès dimanche, selon les médias britanniques. Le Premier ministre Keir Starmer doit s’exprimer dans la journée, a confirmé le vice-Premier ministre David Lammy, sur la BBC. Keir Starmer avait annoncé en juillet que son pays allait reconnaître un Etat palestinien, sauf si Israël prenait une série d’engagements, dont celui d’un cessez-le-feu dans la bande de Gaza. «Le Premier ministre annoncera sa décision plus tard dans la journée, en regardant si ces conditions ont été remplies», a déclaré dimanche David Lammy, qui représentera le Royaume-Uni à l’Assemblée générale de l’ONU. Depuis juillet, «avec l’attaque (d’Israël) au Qatar, l’idée d’un cessez-le-feu à ce stade est partie en lambeaux, et les perspectives sont sombres», a-t-il aussi fait valoir sur Sky News. «Nous devons maintenir vivante la perspective d’une solution à deux Etats, actuellement en danger», a-t-il insisté. Keir Starmer avait estimé que la reconnaissance de l’Etat palestinien contribuerait à un véritable processus de paix. En réponse, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu l’a accusé de récompenser le «terrorisme monstrueux». Dimanche, ce dernier a promis de «lutter à l’ONU et sur tous les autres terrains contre la propagande mensongère à notre encontre et contre les appels à la création d’un Etat palestinien qui mettrait en danger notre existence et constituerait une récompense absurde pour le terrorisme». «La communauté internationale nous entendra à ce sujet dans les prochains jours», a-t-il ajouté, avant une réunion du Conseil des ministres. «Nous avons été très clair: le Hamas est une organisation terroriste et il ne peut y avoir aucun rôle pour le Hamas» qui «doit libérer les otages» israéliens, a rappelé dimanche David Lammy. Selon un sondage publié vendredi, 44% des Britanniques soutiennent la reconnaissance d’un Etat palestinien par le Royaume-Uni. Expansion en Cisjordanie Le ministère des Affaires étrangères portugais a de son côté confirmé vendredi que le Portugal «reconnaîtra l’Etat de Palestine» dimanche. Fin juillet, Lisbonne avait annoncé cette mesure compte tenu notamment de «l'évolution extrêmement préoccupante du conflit, tant sur le plan humanitaire que par les références répétées à une possible annexion de territoires palestiniens». Le gouvernement israélien a notamment approuvé un plan, baptisé E1, qui vise à construire 3.400 logements en Cisjordanie. Il est dénoncé par l’ONU car il devrait couper ce territoire palestinien en deux. Les Etats-Unis, alliés indéfectibles d’Israël, ont critiqué l’initiative franco-saoudienne. En visite d’Etat cette semaine au Royaume-Uni, Donald Trump a affirmé son opposition au choix britannique, lors d’une conférence de presse avec Keir Starmer. Les trois quarts environ des 193 Etats membres de l’ONU reconnaissent l’Etat palestinien proclamé par la direction palestinienne en exil en 1988. Ces nouvelles reconnaissances interviennent alors qu’Israël a lancé cette semaine une vaste campagne militaire terrestre et aérienne à Gaza-ville, dans le nord du territoire palestinien, pour y anéantir le Hamas. Mardi, une commission d’enquête indépendante mandatée par l’ONU a établi qu’Israël commettait un génocide contre les Palestiniens à Gaza, ce que les autorités israéliennes ont nié. L’attaque du 7-Octobre 2023 contre Israël par le Hamas a entraîné la mort de 1.219 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon des données officielles. Selon le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas à Gaza, les représailles israéliennes ont coûté la vie à 65.062 Palestiniens, en majorité des civils, dans la bande de Gaza, où le Hamas a pris le pouvoir en 2007. Marie HEUCLIN © Agence France-Presse