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La finance d’un monde qui change

Quels sont les changements du contexte financier qui façonnent le nouveau monde dans lequel nous vivons en 2024 ? J’en vois cinq : la croissance de la dette publique, les conséquences de la réglementation, la hausse des taux, l’héritage du Quantitative Easing (QE), l’impératif de stabilité financière. Je ne mentionne pas la digitalisation et les cryptomonnaies, non que je les sous-estime, mais c’est pour plus tard, dans cinq à dix ans.
La croissance de la dette publique
L’envolée de la dette publique est bien sûr une conséquence des chocs violents que l’économie mondiale a connus depuis quinze ans : la crise financière de 2008-09, la pandémie de Covid 19, la guerre aux portes de l’Europe. Chaque fois, pour lutter contre les effets récessifs, un palier a été franchi, de 60% du PIB à 80%-85% d’abord, puis à 100%-110%. Mais c’est aussi le choix du modèle social, en Europe au moins : redistribution généreuse et besoin de protection, nécessité de renforcer les fonctions régaliennes et tutélaires, défense, justice, santé, éducation. Et, en face de la dépense, il s’est trouvé, dans un contexte géopolitique ou économique incertain, une épargne avide de sécurité et d’actifs réputés sans risque pour acheter cette dette.
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Les conséquences de la réglementation
À partir de 2010, Bâle 3, la nouvelle réglementation des banques, a exigé un renforcement de leurs fonds propres, la constitution d’un coussin de liquidité et la préparation à un monde sans recours systématique (bail-out) des créanciers et des déposants. Avec deux effets : (i) les soubresauts constatés depuis lors ont concerné tous ceux qui ont échappé à ces contraintes, banques moyennes aux USA en 2023, non-banques sur les marchés au Royaume-Uni (en 2022) et à New York (en 2019 et 2020); (ii) les établissements ont fortement intériorisé ces nouvelles contraintes, si bien que le risque principal est désormais concentré dans l’univers peu ou non réglementé des cryptomonnaies et des fonds, dont la croissance a continué de faire grossir le secteur financier par rapport à celui des agents non financiers.
La hausse des taux d’intérêt
L’inflation, conséquence pour partie de la création monétaire du «quoi qu’il en coûte», et pour partie de la hausse des coûts des matières premières et des désordres dans la supply chain bousculée par les épisodes du Covid et de la guerre en Ukraine, a poussé les Banques centrales à une hausse, sans précédent par sa vigueur et sa rapidité, des taux d’intérêt. S’il est question de les baisser, on ne reviendra pas aux taux zéro : retrouver des taux réels positifs et se satisfaire d’une inflation autour de 2% est aujourd’hui le scénario préféré des Banques centrales.
Le piège du QE
Les Banques centrales se trouvent trop grosses. Leurs bilans ont gonflé énormément (dans une proportion de 1 à 8) pendant la période où, privées de l’arme des taux (encalminés à zéro), elles ont pratiqué une politique quantitative d’achat de titres publics pour alimenter la liquidité du secteur bancaire et, de là, de l’économie. Elles veulent retrouver leur taille d’antan. Le chemin est semé d’embûches, si elles devaient les franchir, ce serait au bout d’un délai de 5 à 10 ans, et il n’est pas démontré que ce soit souhaitable. Ni les États ni les banques ne le veulent, et les agents non financiers sont indifférents. Bref, cela ne se fera pas, ou pas au point de revenir à la situation de 2008, loin de là.
L’impératif de stabilité financière
Dans un monde où les marchés sont puissants, où ils croissent bien plus vite que les banques, une attente nouvelle s’impose aux Banques centrales : qu’elles assument pleinement la responsabilité de la stabilité financière, en plus de celle de gérer le cycle de l’inflation et de l’activité. On avait espéré que la politique macroprudentielle permettrait un partage des tâches : elle assurerait la stabilité financière et préviendrait des risques systémiques, laissant à la politique monétaire la possibilité de se consacrer exclusivement à la régulation conjoncturelle. Les expériences de ces dernières années montrent que, passé un certain seuil, les Banques centrales sont obligées d’intervenir. Dans les crises, les marchés ne marchent plus.
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Alors, que faire ?
Les Banques centrales sont au cœur d’un dispositif inédit et dont les composantes sont aujourd’hui claires : de nouveaux acteurs des paiements et du crédit (les non-banques et les fintechs) encore peu régulés, des interactions durables, désormais inévitables avec le budget, des marchés puissants à maîtriser lorsqu’ils s’emballent, des acteurs qui ont intériorisé les contraintes nouvelles de Bâle 3, des missions élargies qui leur incombent. Nul doute qu’elles réfléchissent sur les implications à court et moyen terme de ce nouveau cadre pour élaborer une doctrine monétaire adaptée. C’est un vaste (mais nécessaire) programme.
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse