La Fed, prochaine cible de Donald Trump

La mise sous coupe réglée de la banque centrale américaine constitue la suite logique du grand plan de l’administration Trump. Au risque de saper son rôle de stabilisation du système financier mondial par temps de crise. L'éditorial d’Alexandre Garabedian.
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Alexandre Garabedian, directeur de la rédaction de L'Agefi  - 

Baisse les taux d’intérêt, Jerome ! Dans son style inimitable, Donald Trump a désigné vendredi la prochaine victime de sa politique si peu orthodoxe, au moment même où Wall Street vivait sa pire semaine depuis le déclenchement de la pandémie de Covid. Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale, va se trouver soumis jusqu’à la fin de son mandat au printemps 2026, à une pression intenable de la part du locataire de la Maison-Blanche. Les investisseurs feraient bien, cette fois-ci, de s’intéresser à un scénario écrit à l’avance, au risque de nouvelles et cuisantes déconvenues.

Donald Trump et les idéologues qui l’entourent ne font qu’appliquer un plan largement communiqué au public. Le président américain souhaite défaire un ordre mondial qu’il juge responsable de la désindustrialisation du pays et de ses gigantesques déficits budgétaire et commercial. Il entend tordre le bras à ses partenaires afin de pousser les multinationales à produire sur son sol et non plus en Chine ou au Vietnam, tout en dépréciant le dollar et en refinançant sa dette au plus faible coût possible. La première étape a consisté à retirer le parapluie militaire. La deuxième, à annoncer des droits de douane punitifs. La suivante le conduira à extorquer aux pays «amis» des contreparties lui permettant d’atteindre son objectif d’un grand accord monétaire, sans pour autant revenir au statu quo ante en matière de barrières tarifaires. La dernière, à mettre la banque centrale sous coupe réglée.

Arrête de faire de la politique, Jerome ! Si la dévaluation du dollar et les tarifs douaniers font flamber les prix aux Etats-Unis, la Fed devrait procéder en toute logique à plusieurs hausses de taux. Les marchés obligataires tablent au contraire sur un assouplissement massif dans les six mois, cohérent avec une entrée en récession. Que le stress financier des derniers jours s’accroisse encore, et la pression montera pour une intervention avant même la prochaine réunion du 7 mai.

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Au-delà, ce sont l’indépendance de la banque centrale et son rôle de stabilisateur par temps de crise qui se trouvent sous la menace. Pour imposer ses conditions aux créanciers de l’Amérique sans faire déraper le coût de la dette, le président aura besoin d’une Fed aux ordres. Dans le désormais fameux essai de novembre où il théorise les développements en cours, le conseiller économique Stephen Miran consacre plusieurs pages au mandat de l’institution et à une coopération renforcée avec le Trésor qui ressemble fort à une mise sous tutelle. Ce ne serait pas une bonne nouvelle pour le système financier mondial. La Réserve fédérale sert de prêteur en dernier ressort dans un monde dollarisé. Lors de la crise de 2008 comme lors du Covid, elle n’a pas hésité à inonder les autres banques centrales en billet vert pour éviter l’asphyxie. Dans la logique de Trump 2.0, ce rôle de pompier est assimilé à un abus de faiblesse. Il doit être a minima retourné comme une arme contre les autres blocs monétaires, ou bien restreint.

Qu’importe si ce plan apparaît suicidaire. Qu’importe si les formules de calcul des tarifs douaniers dévoilés le 2 avril s’attirent les sarcasmes des économistes. Les experts sont victimes d’un biais psychologique classique, la tendance à surpondérer la rationalité. Ils sont d’ailleurs payés pour croire que le bon sens finira par prévaloir, que Donald Trump fera machine arrière et que le monde en sera quitte pour une sacrée frayeur. D’où l’affolement de marchés soudain dessillés. Il était insensé d’envahir l’Ukraine en février 2022, et pourtant Vladimir Poutine l’a fait. Il est tout aussi insensé de déstabiliser le dollar et la Fed, les deux ancres de l’ordre monétaire mondial. Et pourtant, nous y sommes presque.

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