
La Fed, prochaine cible de Donald Trump

Baisse les taux d’intérêt, Jerome ! Dans son style inimitable, Donald Trump a désigné vendredi la prochaine victime de sa politique si peu orthodoxe, au moment même où Wall Street vivait sa pire semaine depuis le déclenchement de la pandémie de Covid. Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale, va se trouver soumis jusqu’à la fin de son mandat au printemps 2026, à une pression intenable de la part du locataire de la Maison-Blanche. Les investisseurs feraient bien, cette fois-ci, de s’intéresser à un scénario écrit à l’avance, au risque de nouvelles et cuisantes déconvenues.
Donald Trump et les idéologues qui l’entourent ne font qu’appliquer un plan largement communiqué au public. Le président américain souhaite défaire un ordre mondial qu’il juge responsable de la désindustrialisation du pays et de ses gigantesques déficits budgétaire et commercial. Il entend tordre le bras à ses partenaires afin de pousser les multinationales à produire sur son sol et non plus en Chine ou au Vietnam, tout en dépréciant le dollar et en refinançant sa dette au plus faible coût possible. La première étape a consisté à retirer le parapluie militaire. La deuxième, à annoncer des droits de douane punitifs. La suivante le conduira à extorquer aux pays «amis» des contreparties lui permettant d’atteindre son objectif d’un grand accord monétaire, sans pour autant revenir au statu quo ante en matière de barrières tarifaires. La dernière, à mettre la banque centrale sous coupe réglée.
Arrête de faire de la politique, Jerome ! Si la dévaluation du dollar et les tarifs douaniers font flamber les prix aux Etats-Unis, la Fed devrait procéder en toute logique à plusieurs hausses de taux. Les marchés obligataires tablent au contraire sur un assouplissement massif dans les six mois, cohérent avec une entrée en récession. Que le stress financier des derniers jours s’accroisse encore, et la pression montera pour une intervention avant même la prochaine réunion du 7 mai.
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Au-delà, ce sont l’indépendance de la banque centrale et son rôle de stabilisateur par temps de crise qui se trouvent sous la menace. Pour imposer ses conditions aux créanciers de l’Amérique sans faire déraper le coût de la dette, le président aura besoin d’une Fed aux ordres. Dans le désormais fameux essai de novembre où il théorise les développements en cours, le conseiller économique Stephen Miran consacre plusieurs pages au mandat de l’institution et à une coopération renforcée avec le Trésor qui ressemble fort à une mise sous tutelle. Ce ne serait pas une bonne nouvelle pour le système financier mondial. La Réserve fédérale sert de prêteur en dernier ressort dans un monde dollarisé. Lors de la crise de 2008 comme lors du Covid, elle n’a pas hésité à inonder les autres banques centrales en billet vert pour éviter l’asphyxie. Dans la logique de Trump 2.0, ce rôle de pompier est assimilé à un abus de faiblesse. Il doit être a minima retourné comme une arme contre les autres blocs monétaires, ou bien restreint.
Qu’importe si ce plan apparaît suicidaire. Qu’importe si les formules de calcul des tarifs douaniers dévoilés le 2 avril s’attirent les sarcasmes des économistes. Les experts sont victimes d’un biais psychologique classique, la tendance à surpondérer la rationalité. Ils sont d’ailleurs payés pour croire que le bon sens finira par prévaloir, que Donald Trump fera machine arrière et que le monde en sera quitte pour une sacrée frayeur. D’où l’affolement de marchés soudain dessillés. Il était insensé d’envahir l’Ukraine en février 2022, et pourtant Vladimir Poutine l’a fait. Il est tout aussi insensé de déstabiliser le dollar et la Fed, les deux ancres de l’ordre monétaire mondial. Et pourtant, nous y sommes presque.
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Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse