
La BCE se donne de la marge sans révolutionner sa stratégie

La Banque centrale européenne (BCE) ne pouvait pas réécrire le Traité définissant son mandat de maintien de la stabilité des prix, mais certains espéraient que la première révision de la stratégie monétaire de la zone euro depuis 2003 aille plus loin qu’une simple validation des actions en place. Au bout de dix-huit mois de travaux - qui ont semblé moins intenses sur le plan académique que ceux de la Fed américaine avant sa révision historique à Jackson Hole en août 2020 -, la BCE a décidé de simplifier le message sur sa cible d’inflation, qui était «proche de mais au-dessous de 2%» (objectif interprété par le marché à 1,8%), et devient un objectif d’inflation «symétrique» et «fixé à 2% à moyen terme», avec des écarts négatifs et positifs «également indésirables, ajoute le communiqué. Lorsque les taux d’intérêt nominaux sont proches de leur niveau plancher, une politique monétaire particulièrement vigoureuse et ancrée dans la durée est nécessaire pour éviter la fixation des écarts négatifs par rapport à l’objectif d’inflation. Cela peut aussi se traduire par une période intermédiaire d’inflation légèrement au-dessus de l’objectif».
Minimum
Quel changement ? La présidente Christine Lagarde a tenté de convaincre que la BCE serait désormais capable de tenir un objectif… qu’elle n’a jamais atteint en dix ans, avec les mêmes instruments : taux d’intérêt, et désormais forward guidance, achats d’actifs ou opérations de refinancement à long terme (LTRO). «La notion de ‘symétrie’ avait été introduite par Mario Draghi en 2016, et systématisée dans la communication depuis 2019 ; et la ‘contre-mesure’ aux taux négatifs a déjà été menée par la relance du programme d’achats conventionnels (APP) en septembre 2019, puis par le programme d’achats d’urgence (PEPP) en mars 2020», rappelle Antoine Bouvet, stratégiste taux chez ING, pour qui elle se donne une justification écrite noir sur blanc de continuer son action actuelle, «en cherchant à éviter les erreurs de 2008 et 2011, et à s’appuyer sur le mix avec la politique budgétaire», pourtant également contrainte. Le Conseil des gouverneurs voudrait également, comme cela avait déjà suggéré en 2005, que l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) puisse inclure, à terme, le coût des logements occupés par leur propriétaire (OOC), hors coût de l’investissement.
Nicolas Goetzmann, directeur de la recherche à la Financière de la Cité, dénonce à nouveau une communication peu claire : «La BCE évoque une approche symétrique pour prolonger une fonction de réaction explicitement asymétrique au regard de l’inflation : en fait, elle tolérera un dépassement des anticipations seulement de façon transitoire, et de ne pas atteindre son objectif pendant encore longtemps… On aurait pu espérer un objectif flexible d’inflation réelle moyenne de 2% (FAIT) qui impliquait, comme pour la Fed, un dépassement long après une période longue au-dessous de l’objectif. La zone euro réalisera un tiers de la croissance américaine sur 2020-2022 (2,40% contre 8,11%), et décide encore d’une stratégie monétaire beaucoup moins accommodante (hawkish) que les Etats-Unis. En se présentant comme plus accommodante que le peu accommodant Jens Weidmann, Isabel Schnabel a fait passer le minimum du minimum, mais la façon dont les gouverneurs vraiment ‘dovish’ ont laissé faire est difficilement compréhensible.» Si les taux allemands ont peu réagi, l’écart BTP-Bund est passé de 96 à 106 pb en deux jours (avec un pic à 111 jeudi).
Un peu moins déçu a priori, le stratégiste de Pictet WM Frederik Ducrozet a quand même regretté que la BCE «n’aborde les questions les plus controversées» liées à la flexibilité des outils à disposition, et doive «continuer à être perçue comme moins agressive et moins crédible que la Fed», avec déficit d’inflation cumulé en zone euro de 8% depuis 2012, ce qui nécessiterait «une inflation moyenne de 3,5% sur six à sept ans» pour compenser par rapport à la trajectoire normale de hausse des prix de 2%...
Christine Lagarde a parlé d’unanimité des gouverneurs, mais celle-ci est obligatoire sur ce genre de décisions, expliquait mardi l’ancien chef économiste Peter Praet, et donc pas la conséquence mais bien la cause du compromis. «Les gouverneurs influencés par les théories ordo-libérales ont toujours résisté à l’idée de ciblage symétrique. Ils ont lâché l’idée de pouvoir être pragmatique au travers du dépassement temporaire», ajoute Eric Dor, directeur des Etudes Economiques de l’IESEG. Ce qui dépendra bien de la sensibilité des gouverneurs en place.
Motifs d’espoir ?
La BCE a par ailleurs lancé un plan d’action pour s’engager à prendre en compte le changement climatique (voir par ailleurs), et à réévaluer sa stratégie monétaire à intervalles réguliers dès 2025. «Si elle s’y reprend de la même façon en validant a posteriori une stratégie déjà en place, cela pourrait la conduire à utiliser de nouveaux outils en amont, mais cela peut poser la question de sa crédibilité», note Antoine Bouvet. «On peut espérer qu’un milieu académique de plus en plus accommodant finira par convaincre les gouverneurs», ajoute Nicolas Goetzmann, redoutant que cette nouvelle stratégie n’ait été avancée de septembre à juillet pour faire passer une réduction anticipée du PEPP si l’inflation allemande dépasse 3% cet automne…
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