
La BCE allège le taux de dépôt pour les Etats

La Banque centrale européenne (BCE) a surpris les marchés monétaires en annonçant mardi, en dehors de ses réunions de politiques monétaires, une faible diminution de la rémunération des dépôts des Etats de l’Eurosystème en banque centrale. Le 8 septembre, elle avait pris conscience que remonter ses taux sans réduire son bilan risquait de limiter les effets de resserrement monétaire souhaités, mais aussi qu’elle devait agir progressivement pour ne pas perturber davantage le fonctionnement des marchés monétaires. Elle avait alors décidé la suspension temporaire du niveau de 0% (que la BCE appelle «plarfond») qui s’appliquait à la rémunération des dépôts des Etats, la ramenant depuis et jusqu’au 30 avril au taux le plus bas entre le taux de dépôt, à 2,50% désormais, et le taux à court terme en euro €STR, dont le niveau autour de 2,40% au jour le jour témoigne d’un «contexte de surliquidités» persistant.
L’idée était bien d’éviter que des Etats, qui avaient accumulé en 2020-2021 des préfinancements finalement supérieurs à leurs déficits, retirent d’un coup ces excès de trésorerie (rémunérés à 0%) pour les déverser sur les marchés des bons du Trésor (govies) ou sur les marchés monétaires et du repo interbancaire dont les taux remontaient, avec des effets négatifs sur l’assèchement des «govies» (en direct ou via les garanties) et sur la hausse des taux recherchée. De fait, ce retrait a été assez progressif, de 560 milliards d’euros fin septembre à 450 milliards d’euros fin novembre, jusqu’à ce que les dépenses liées à la crise énergétique amènent les Etats à réduire leur trésorerie autour de 350 milliards.
Rétablissement «progressif» vers 0% ?
Mardi, l’institution de Francfort a décidé de fixer la rémunération de cette trésorerie au niveau du taux €STR moins 20 points de base (pb) à partir du 1er mai, sans date limite cette fois-ci. «Les marchés monétaires intégraient plutôt un retour au ‘plafond’ de 0%, avec le risque d’un déversement de ces liquidités sur les instruments monétaires qui aurait sans doute fait baisser leurs taux, explique Mikaël Pacot, responsable Taux euro et Gestion monétaire chez Axa IM. Du coup, cette annonce surprise a entraîné un ‘mini sell-off’ sur les taux courts en fin de session», contribuant par exemple à une remontée de 17 et 10 pb sur les taux allemands à 1 et 2 ans depuis (2,80% et 2,70%). Avec une rémunération théorique autour de 2,20% au lieu de 0% si les taux directeurs ne devaient plus bouger au printemps, les Etats pourraient en effet encore garder leurs excès de trésorerie à la banque centrale. «Le swap-spread sur le Schatz avait continué à s’élargir au cours des dernières séances, avant de s’effondrer hier après cette annonce en raison de la diminution des préoccupations concernant la rareté des garanties», notent aussi Fabio Bassi et Khagendra Gupta, stratégistes taux chez JPMorgan. Cet indicateur, qui marque la différence entre les taux de rendement des emprunts d’Etat allemands et le taux payé sur la «jambe» à taux fixe d’un contrat de swap de même maturité, s’est anormalement écarté depuis le début du resserrement monétaire.
La BCE insiste sur la nécessité d’«une réduction progressive et ordonnée» de ces dépôts auprès de l’Eurosystème, avec des changements qui seront «contrôlés et ajustés si nécessaire», car «si les conditions se sont améliorées depuis septembre, le marché des mises en pension (repo) reste fragile. Il y a une pénurie persistante de garanties (collateral) dans certains segments, et les banques sont toujours limitées dans leur capacité à assurer l’intermédiation d’un montant substantiel de liquidité excédentaire», rappelle le communiqué à propos des problèmes de tuyauterie monétaire.
«Elle essaye de gérer le plus finement possible ces aspects techniques afin d’assurer la bonne transmission de sa politique monétaire», poursuit Mikaël Pacot. Tout en acceptant de facto de réduire moins vite son bilan de 7.800 milliards, «même si le quantitative tightening (QT d’au moins 150 milliards cette année) et le remboursement des opérations ciblées de refinancement à plus long terme TLTRO 3 (d’environ 800 milliards cette année) vont un peu aider» rappelle le spécialiste.
De ce point de vue, la BCE reconnaît en quelque sorte que le ralentissement économique pourrait obliger les Etats à émettre davantage de titres courts - ce qui fluidifierait les marchés du repo - ou à utiliser leur cash. «Cela permettrait que cette situation inédite de dépôts des Etats à la BCE ne dure pas trop longtemps et qu’ils replacent ensuite leur trésorerie sur les marchés, lui permettant de revenir à une rémunération proche de 0% comme auparavant», conclut Mikaël Pacot.
Quid pour les administrations étrangères ?
La BCE a précisé que les rémunérations des dépôts détenus par les banques centrales et administrations publiques étrangères dans le cadre de l’ERMS (Eurosystem Reserve Management Services), passés d’environ 540 à 340 milliards depuis fin septembre, seront «ajustées en conséquence». Confidentielles, «ces rémunérations semblent laissées à la discrétion des banques centrales nationales qui proposent ce service, mais on peut imaginer qu’elles sont à peu près en phase avec ce qui est proposé aux administrations domestiques», conclut Mikaël Pacot.
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