
La Banque d’Angleterre ne peut pas encore faire de pause

Première des grandes banques centrales à avoir démarré le cycle de resserrement monétaire, la Banque d’Angleterre (BoE) pourrait être la dernière à l’achever. Pour la prochaine réunion de son comité de politique monétaire (MPC), ce jeudi 21 septembre, le consensus est unanime. La banque centrale va de nouveau relever son principal taux directeur de 25 points de base (pb), à 5,5%. Si comme aux Etats-Unis, le marché du travail montre des signes de moindre tension et que l’activité ralentit comme ailleurs en Europe, la BoE ne peut faire l’impasse sur la hausse persistante des salaires.
«Andrew Bailey, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, doit tenir un discours restrictif (hawkish) par rapport à des anticipations de marché trop accommodantes (dovish) qui ont retiré depuis cet été deux des hausses de taux qui étaient jusque-là anticipées», ajoute François Rimeu, stratégiste chez La Française AM.
Le taux de chômage a déjà augmenté outre-Manche, comme un signe que les 14 hausses de taux depuis décembre 2021, commencent à avoir un impact sur l’économie britannique. Mais les données sur l’emploi de juillet (sur trois mois glissants) ont surtout montré une poursuite de la hausse des salaires. «Bien que le chômage ait commencé à augmenter et que les tensions sur le marché du travail se soient considérablement atténuées, la croissance des salaires n’a pas encore atteint son sommet et – à 7,8% sur un an en juillet – est bien au-dessus des niveaux qui sont cohérents avec l’objectif d’inflation de 2%», remarque Bill Diviney, économiste chez ABN Amro, qui anticipe une hausse de 25 pb. Goldman Sachs juge également très probable une nouvelle hausse malgré les discours accommodants des membres de la BoE ces dernières semaines, à l’image de son gouverneur, mais aussi de son chef économiste Huw Pill. «L’inflation des services a légèrement surpris à la hausse les prévisions de la BoE, mais cette surprise s’explique en grande partie par des composantes volatiles», ajoutent les économistes de la banque américaine, dont Sven Jari Stehn.
Signes tangibles
Des signes plus concrets sur les salaires et l’inflation dans les services sont nécessaires. «La BoE aura besoin de preuves tangibles que l’affaiblissement du marché du travail ralentit le rythme de l’inflation salariale avant de pouvoir envisager des réductions de taux», souligne Steven Bell, économiste en chef de Columbia Threadneedle Investments.
Dean Turner, économiste chez UBS note par ailleurs que si le marché du travail donne des signes d’accalmie, cela ne signifie pas que les pénuries de main-d’œuvre ont disparu, une raison supplémentaire selon lui de relever à nouveau les taux en maintenant un discours hawkish. La BoE pourrait être d’autant plus incitée à le faire après la publication ce mercredi de l’inflation au Royaume-Uni en août. «Les données précédant la réunion de jeudi devraient montrer une hausse de l’inflation de 6,8% à 7,1% avec une inflation sous-jacente stable à 6,9%, de quoi rappeler avec force que le MPC ne peut pas encore baisser la garde», affirme Brian Hilliard, économiste chez SG CIB. Mardi, l’OCDE a confirmé sa prévision d’une croissance faible du PIB britannique cette année à +0,3% avec l’inflation la plus élevée à 7,2% (hors Argentine et Turquie).
Les indications données pour les réunions suivantes seront tout aussi cruciales. Les économistes de Deutsche Bank anticipent encore une hausse en novembre, la dernière.
Mais la plupart des observateurs voient déjà l’ultime hausse cette semaine. Goldman Sachs a revu en baisse sa prévision de taux terminal à 5,5% et estime qu’un ralentissement des salaires et des prix dans les services d’ici à la réunion de novembre pourrait permettre cette pause. Une pause qui permettrait à la banque de laisser se diffuser dans l’économie les effets de la hausse des taux. «Malgré les chiffres très élevés de la croissance des salaires, nous pensons qu’elle est décalée par rapport au ralentissement plus général du marché du travail et qu’elle reflète la volonté des travailleurs de compenser les pertes antérieures de revenus réels consécutives à la crise énergétique plutôt que le résultat des changements du marché du travail, relève-t-on chez ABN Amro. Avec la hausse du chômage et le recul de la crise énergétique, notre scénario de base est que la croissance des salaires atteindra très bientôt son maximum. Cela devrait convaincre le MPC d'être patient lors des prochaines réunions et d’attendre que l’impact des précédentes hausses de taux se matérialise pleinement.»
Réduction du bilan
Les économistes d’ING, James Smith et Chris Turner, rappellent que depuis la réunion d’août, le plus important pour la banque est de maintenir les taux à un niveau élevé suffisamment longtemps plutôt que de savoir où se trouve le pic des taux. Un objectif récemment confirmé par Huw Pill. Surtout, l’arrêt des hausses de taux ne signifiera pas la fin du resserrement monétaire. «La hausse de cette semaine sera la dernière, mais ce n’est pas la fin d’une politique monétaire restrictive, relève Dean Turner. La BoE annoncera également jeudi son programme de réduction de son portefeuille d’obligations au cours de l’année à venir. Cela devrait être un peu supérieur aux 80 milliards de livres sterling non réinvestis au cours des 12 derniers mois.» Les économistes de SG CIB estiment que la réduction sera portée au moins à 100 milliards de livres. Une réduction du bilan qui est aussi restrictive.
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