
Bercy en quête de compromis sur le budget 2023

Le ministre de l’Economie et des Finances a présenté lundi un budget 2023 (projet de loi de Finances, PLF) qu’il a qualifié de «responsable et protecteur dans des temps de grandes incertitudes» liées au contexte macroéconomique et international actuel, et en particulier à l’inflation tirée par les prix de l’énergie. Partagé entre les attentes des deux côtés de l’échiquier politique – plus de rigueur à droite, plus de soutien à gauche –, le gouvernement représenté à Bercy par Bruno Le Maire a fixé ses «lignes rouges» vis-à-vis des oppositions : «Aucune nouvelle dépense qui ne soit financée à l’euro près.» Avec le risque, pas exclu à Bercy malgré les nombreuses discussions entre les partis du gouvernement et l’opposition au Parlement, d’un possible recours à l’article 49.3 pour adopter ce budget.
10.000 fonctionnaires en plus
En valeur absolue, il se montera à 500 milliards d’euros pour 2023 (après 513 pour 2022), dont 432 milliards de budget général (après 445 pour 2022), pour 345 milliards de recettes (après 340 pour 2022). Dans le détail, le gouvernement continue à renforcer les crédits pilotés «par mission», avec notamment : +3,7 pour l’Education (60,2), dont une enveloppe de 935 millions pour financer une augmentation du salaire des enseignants, +3 milliards pour la Défense (43,9), +3 milliards pour le Travail (21), +2 pour la Solidarité (29,8), +1,5 pour la Recherche et l’Enseignement supérieur (30,6), +1 milliard pour l’Intérieur (15,8), +0,7 pour la Justice (9,6)… Avec 31,4 milliards, l’Ecologie recevrait 3 milliards de moins en 2023 qu’en 2022, mais 6,6 de plus que dans la loi de Finances 2022 initiale…
Cela se traduit par une hausse de plus de 10.000 fonctionnaires, notamment pour l’Intérieur (+2.900), la Justice (+2.250), la Défense (+1.550), mais aussi pour le ministère du Travail (+1.000) et pour l’Education nationale (+2.000) où cependant quelque 4.000 créations de postes d’AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) seront compensées par une diminution des postes d’enseignants en lien avec la baisse attendue du nombre d’élèves (-500.000 entre 2022 et 2027). Le ministre délégué aux Comptes publics, Gabriel Attal, a insisté sur l’objectif d’une stabilité du nombre de fonctionnaires sur la législature.
Au total, les dépenses publiques atteindraient 347,3 milliards (hors charges de la dette, versements divers aux collectivités et à l’Union européenne), en progression de 21,7 milliards par rapport au budget 2022 initial (+6,2%), mais en baisse de 9,6 milliards par rapport au budget 2022 final.
Le gouvernement a également fait le choix de maintenir l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu (IR) sur l’inflation, pour un coût estimé de 6,2 milliards, et de poursuivre la réduction des impôts de production via une suppression annoncée en juillet de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sur deux ans (-4 milliards en 2023, -4 milliards en 2024).
Quelle trajectoire ?
En valeur relative, le gouvernement assume le maintien d’un déficit à 5% du PIB en 2023 comme en 2022, et d’un ratio dette/PIB autour de 111%... mais en s’appuyant sur une prévision de croissance de 1% avec 4,3% d’inflation pour 2023 (après +2,7% pour 2022 avec 5,4% d’inflation moyenne), alors que la Banque de France table plutôt sur +0,5%, et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) depuis lundi sur +0,6%, comme la plupart des consensus. Le ministre de l’Economie a justifié cet optimisme par la bonne anticipation des problématiques d’inflation, avec un «bouclier tarifaire» sur les prix du gaz et de l’électricité qui sera maintenu afin de contenir la hausse des factures à 15% «au lieu de 100%» en 2023 (coût estimé à 45 milliards pour l’année). Un pari pour soutenir l’économie hexagonale qui s’est avéré gagnant jusqu’à présent, mais apparaît quand même «optimiste» une fois l’acquis de croissance diminué.
Ce pari conditionne également la maîtrise des comptes pluriannuels matérialisée par le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027, et qui vise à ramener le déficit public sous 3% du PIB d’ici à la fin du quinquennat avec la réduction du poids de la dépense publique de 57,6% à 53,8% du PIB. Dans un avis rendu dimanche, le Haut conseil des finances publiques (HCFP) juge cette trajectoire «peu ambitieuse» et, en même temps, particulièrement «fragile» à cause de prévisions gouvernementales trop optimistes en matière de croissance, de maîtrise de la dépense publique et de hausse des prélèvements obligatoires.
La Sécu moins déficitaire ?
Le gouvernement a également présenté le projet de loi de finance de la Sécurité sociale (PLFSS), avec un net redressement attendu des comptes, le déficit étant ramené de 17,8 à 6,8 milliards d’euros entre 2022 et 2023 (en comptant le Fonds solidarité vieillesse, FSV). En déficit de 30,5 milliards en 2020 et 26,1 milliards en 2021, la branche maladie verrait ses pertes réduites de 20,3 à 6,5 milliards entre 2022 et 2023, avec une prévision de -2,6 milliards en 2026, mais avec un transfert de la prise en charge par les complémentaires santé. Seule la branche vieillesse creuserait alors sensiblement son déficit, jusqu’à -15,9 milliards en 2026. Ce PLFSS se fonde sur une hausse de 4,1% des recettes grâce à l’inflation, mais avec une augmentation de 2,1% des dépenses qui inquiète aussi le HCFP : ce dernier dénonce des mesures d’économies «très insuffisantes», en attendant une réforme des retraites qui, promise par le président Emmanuel Macron, ne figure pas dans ce texte mais pourrait rééquilibrer les dépenses du système de près de 8 milliards d’euros d’ici à la fin du quinquennat…
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse