Place aux gérants « quantamentaux »

Modèles mathématiques et intelligence artificielle ont accru le pouvoir d’analyse des gestionnaires d’actifs. Au risque d’être supplantés un jour par les machines ?
Yves Rivoal
IA
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Un gérant « augmenté » ? « C’est comme un pilote d’avion. Il a dans son cockpit une batterie de technologies pour que l’avion aille d’un point A à un point B en mode automatique. Mais sa présence reste indispensable pour l’atterrissage et le décollage, et reprendre la main en cas de problèmes », illustre Sébastien le Berre, 34 ans, gérant au sein du pôle Multi-actifs, quantitatif et solutions (Maqs) de BNP Paribas Asset Management. De même, la gestion d’actifs s’appuie sur des outils nourris à l’IA (intelligence artificielle) ou au machine learning qui analysent de multiples sources de données, financières et extra-financières, et des modèles mathématiques capables de prendre les décisions d’investissement. « Mais nous devons comprendre comment fonctionnent ces modèles, comment ils réagissent dans tel ou tel contexte de marché, et être en mesure de reprendre la main en cas de dysfonctionnements », ajoute-t-il.

Gérant quantitatif actions à La Banque Postale Asset Management (LBPAM), Olivier Avertin, 46 ans, a vécu cette évolution. « Il y a quelques années, nous utilisions une feuille Excel pour modéliser nos stratégies d’investissement sur un périmètre limité, se souvient ce diplômé du DESS en mathématiques appliquées de Dauphine et du DESS Finance de Sciences-Po Paris, auparavant gérant quant pendant dix ans chez Amundi. Aujourd’hui, nous disposons de bases de données complexes, de puissances de calcul incroyables, et d’outils qui nous permettent d’aborder des univers beaucoup plus vastes, comme les MSCI World et marchés émergents. Nous savons fabriquer des produits sur mesure adaptés aux contraintes et aux besoins de chaque client via des plates-formes qui délivrent plusieurs types de produits, sur plusieurs ‘benchmarks’. »

De fait, le profil des gérants recrutés à LBPAM a sensiblement évolué. « La capacité à se servir de ces outils est devenue un critère prépondérant dans la palette des savoir-faire techniques de nos gérants. La plupart ont des profils écoles de commerce, spécialisation finance, ou écoles d’ingénieur », confie Brigitte Dormion, directrice des ressources humaines de LBPAM. Le niveau de compétences exigé en informatique a encore été rehaussé pour les gérants quantitatifs, tous ingénieurs. « Ces gérants ‘augmentés’ doivent savoir développer ces outils, mais aussi travailler en équipe, cerner les attentes des clients, faire preuve de pédagogie et de conviction pour expliquer leurs choix de gestion, l’incidence du marché sur la stratégie. » L’an dernier, quatre des sept gérants recrutés avaient ce profil à deux facettes.

Double cursus

La montée en puissance des nouvelles technologies a incité BNP Paribas AM à inaugurer en 2017 le pôle de gestion « Multi-actifs quantitatifs et solutions » (Maqs). Celui-ci a vocation à porter une gestion « quantamentale », qui mêle approches quantitatives et analyse fondamentale. « C’est dans ce pôle, de 150 collaborateurs aujourd’hui, que se trouvent la plupart de nos gérants quantamentaux, confie Marion Azuelos, responsable ressources humaines monde de BNP Paribas AM. Ces gérants ‘augmentés’ sont tous des ingénieurs ou des mathématiciens issus d’école comme l’Ensae, l’ENS Cachan ou Centrale Paris. Ils ont un double cursus en finance, et un parcours avec une réelle expertise dans ces deux univers. » La conjugaison de ces compétences se négocie entre 40.000 et 50.000 euros en fixe, avec une part variable allant jusqu’à 30 %. Avec dix ans d’expérience, la rémunération fixe grimpe à 70.000 ou 80.000 euros, 100.000 euros pour un gérant senior, la part variable pouvant atteindre 80 %.

Sébastien le Berre a rejoint le pôle quantamental BNP Paribas AM l’année dernière. « Lorsque j’ai appris par un intermédiaire de marché que BNP Paribas AM constituait cette équipe atypique au sein de son nouveau pôle Maqs, j’ai contacté le responsable de la structure. J’ai toujours été persuadé que l’association des approches quantitatives et fondamentales permettrait d’établir les stratégies les plus profitables et pérennes », confie ce diplômé de l’Ensae (spécialité mathématiques financières), qui a débuté sa carrière comme gérant quant chez AssetFi Management Services, avant de basculer sur la gestion fondamentale chez Oaks Field Partners et Candriam. Au quotidien, Sébastien le Berre fait appel aux modèles mathématiques et à l’analyse fondamentale pour déterminer sa stratégie d’allocation : « Je dispose par exemple d’un outil de construction de portefeuille propriétaire développé par l’équipe du Quant Research Group qui convertit automatiquement les vues de la recherche fondamentale tout en prenant en compte les convictions et les décisions d’investissement de chaque ‘portfolio manager’. » Chez LBPAM, l’équipe quantitative développe un outil de reconnaissance de texte à base d’intelligence artificielle. « Ce logiciel utilise les mêmes technologies de réseaux de neurones que le moteur de recherche de Google : nous avons accès à des sources de données qui ne se limitent plus à Reuters ou Bloomberg. Cela nous permet d’affiner l’analyse des risques et nos stratégies d’investissement », se félicite Olivier Avertin, qui ne croit pas du tout à la disparition des gérants au profit des robots advisors. « Je ne vois pas les clients confier un jour leur épargne à une machine. Comme dans un avion, il y aura toujours besoin d’un pilote. »

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