
Les financiers découvrent la dolce vita milanaise

Du quartier du théâtre de la Scala jusqu’à Porta Nuova, que surplombe la Tour UniCredit, la place financière milanaise ne cesse de s’étendre. «C’est dans ce quartier que nous avons décidé d’ouvrir nos bureaux italiens en 2020 en plein Covid, relate Beatrice Tamburi, responsable du développement international de Three Hills Capital Partners, société d’investissement dédiée aux midcaps européennes créée à Londres. Notre volonté était de nous rapprocher de nos investisseurs privés et institutionnels en Europe méridionale et d’être encore plus présents sur le territoire italien, notamment pour découvrir et soutenir de nombreuses entreprises dans leur croissance et leur internationalisation.» D’autres institutions ont également répondu à l’appel de la capitale lombarde : le géant de Wall Street Goldman Sachs, qui emploie quelque 80 salariés à Milan, devrait y relocaliser un certain nombre de personnes en provenance de Londres dans son desk de trading d’euros en ce début d’année, selon Bloomberg. JPMorgan Chase, qui emploie environ 200 salariés en Italie, devrait aussi continuer à y renforcer ses troupes.
Plus encore que le Brexit, les observateurs citent l’organisation de l’Exposition universelle à Milan en 2015 comme point de départ du développement de la deuxième ville italienne. «Milan était plutôt considérée jusque-là comme une place financière de l’ombre par les banques d’investissement, explique Angelica Donati, présidente de la branche jeunesse de l’ANCE – l’association nationale des constructeurs immobiliers –, passée par Goldman Sachs. Or un certain nombre de salariés de la finance se déplacent désormais dans cette ville pour y couvrir des activités spécifiques. L’Exposition universelle a certainement agi comme un accélérateur en améliorant l’image de la ville. » Dès lors, celle-ci a gagné en attractivité. « Milan est devenue beaucoup plus internationale, renchérit Abhik Das, associé chez Three Hills Capital Partners à Milan. Les cabinets d’avocats qui y travaillent se focalisent ainsi de plus en plus sur des thématiques internationales plutôt que domestiques comme cela a été longtemps le cas. »
Dans la capitale de la Lombardie, le recrutement de talents reste dynamique. « Nous avons constaté depuis peu une arrivée de talents, en particulier italiens, en provenance de Londres dans le private equity, la banque ou encore les postes de directeur financier, détaille Giulia Iuticone, principal chez Heidrick & Struggles. Ces professionnels sont à la recherche de nouveaux défis, tout particulièrement dans des entreprises engagées dans des ‘exit plans’ où leurs compétences sont requises. »
Pour susciter les passions, rien de tel qu’une fiscalité avantageuse : face à la fuite des cerveaux, l’Italie a mis en place dès 2019 un régime favorable aux impatriés (« il rientro dei cervelli », littéralement le retour des cerveaux). Ce statut fiscal offre la possibilité d’exonérer d’impôt 70 % des revenus de source italienne dérivant de l’activité de salarié, de travailleur indépendant ou d’entreprise individuelle pour une durée de cinq ans. Une exonération qui peut aller jusqu’à 90 % pour les particuliers transférant leur résidence dans une région du sud de l’Italie. « Cette loi a surtout attiré des financiers non salariés dotés de niveaux de rémunération très élevés, poursuit Giulia Iuticone. Avec une conséquence : leur garantir un niveau de compensation similaire à celui qu’ils avaient par le passé. » A Milan, les niveaux de rémunération restent très en deçà de ceux de la City londonienne, « entre 15 % et 30 % de différence selon les secteurs », selon Giulia Luticone.
Relais de croissance
La ville trouve aussi de nouveaux relais de croissance dans le digital. C’est à Milan que la Banque d’Italie, pourtant basée à Rome, a créé un pôle d’innovation, Milano Hub. Ce centre soutient l’évolution numérique du marché financier et encourage l’attraction des talents et investissements. Tous les ans en octobre, la place financière héberge aussi le Milan Fintech Summit, un sommet organisé par Fintech District, une communauté fondée en 2017 et rassemblant 254 fintechs. « Notre objectif est de développer des collaborations entre banques, fintechs et entreprises de façon à développer des projets innovants, explique Clelia Tosi, responsable de Fintech District. Depuis trois ans, nous constatons un intérêt beaucoup plus fort de la part des investisseurs internationaux à l’égard de la fintech italienne. »
Le rachat de Borsa Italiana par Euronext en 2021, qui a entraîné le transfert des centres de données de l’opérateur boursier de Londres à Bergame, est aussi de nature à accroître la visibilité de Milan. Mi-janvier, l’opérateur boursier a annoncé son intention de confier la compensation des opérations sur produits dérivés à sa nouvelle branche de compensation en Italie d’ici au troisième trimestre de l’année prochaine. « La Bourse de Milan se présente maintenant comme une plateforme continentale et c’est donc un élément d’attractivité très fort », souligne Stefano Caselli, doyen de la SDA Bocconi School of Management.
La perfection est encore loin. Selon le dernier classement des places financières mondiales, Global Financial Centres Index, publié par Z/Yen group, Milan se taille une modeste 48e place, très loin des premières de la classe que sont New York et Londres. « Milan est extrêmement dynamique mais nous travaillons à ce que l’écosystème y soit un peu plus intégré, explique Clelia Tosi. Les investissements restent aussi très fragmentés entre les fonds de capital-risque et les business angels. L’autre difficulté réside dans la culture entrepreneuriale italienne, plutôt tournée vers le ‘made in Italy’ que l’expansion internationale. » De l’avis des experts, le potentiel de croissance y est pourtant important. « Afin de passer à la vitesse supérieure, Milan doit nécessairement trouver un élément distinctif, conclut Stefano Caselli. Elle peut tout à fait décider de devenir un hub de la fintech européenne ou bien encore se positionner comme leader dans la finance durable. Si elle réussit ce pari, elle prendra son envol. »
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