
Les acteurs du crowdfunding recrutent des profils plus expérimentés

«Le secteur est arrivé à maturité. Il ne reste plus qu’une dizaine de plateformes de crowdfunding et on peut penser que, à terme, seules les deux ou trois leaders arriveront à tirer leur épingle du jeu», pronostique Patrick de Nonneville, directeur général d’October, qui, avec l’acquisition de credit.fr, a vu ses effectifs passer de 112 à 130 salariés. Cette maturité se propage aussi dans les organisations.
«Les start-up du départ sont devenues des PME ou des groupes. Elles se sont organisées et professionnalisées en recrutant des profils plus expérimentés», constate Pierre Baudoin, directeur des investissements immobiliers d’Anaxago qui, dix ans après sa création, emploie 70 collaborateurs sur les segments de l’immobilier et du venture capital, et recrute chaque année une dizaine de nouveaux salariés. «Ce qui a aussi beaucoup changé, c’est l’image de notre industrie, ajoute Delphine Couriet-Bossan, directrice des ressources humaines (DRH) de WiSeed, la plateforme toulousaine spécialisée dans le financement de start-up et de projets immobiliers qui emploie, elle, une quarantaine de collaborateurs. Quand nous avons démarré il y a six ans, la plupart des candidats ne connaissaient pas le crowdfunding. Aujourd’hui, le secteur a gagné en visibilité et il n’est pas rare de trouver des profils qui connaissent le métier pour l’avoir exercé sur des plateformes concurrentes.»
Commerciaux, analystes, ingénieurs
Chez October, qui recrute tous les ans une trentaine de nouveaux collaborateurs, le principal poste d’embauches porte en ce moment sur les commerciaux de Software-as-a-Service (SaaS). «Pour vendre notre technologie aux banques ou aux asset managers, nous sommes en train de constituer une équipe qui sera composée d’ingénieurs tech ou data et de commerciaux, ayant idéalement une première expérience en vente SaaS et une bonne connaissance des acteurs financiers», confirme Patrick de Nonneville.
Pour renforcer son équipe dédiée aux investissements immobiliers, Anaxago recrute de son côté des analystes issus des grandes écoles de commerce et d’ingénieurs ou d’universités comme Dauphine. Pour ses chargés d’investissements, la fintech recherche des profils plus seniors, ayant idéalement trois ou quatre ans d’expérience en structuration d’opérations immobilières. C’était le cas de Basma El Aboudi, 30 ans, lorsqu’elle a rejoint l’équipe de Pierre Baudoin en tant qu’investment manager en octobre 2021. «Après avoir travaillé comme auditrice chez Mazars dans l’immobilier et la construction, puis comme analyste au sein de la foncière française Proudreed, j’ai eu envie d’intégrer une structure plus légère où il y aurait de la place pour innover», confie cette ingénieure, qui a postulé à une offre sur le site Welcome to the Jungle.
C’est la perspective de participer à une aventure entrepreneuriale qui a, en partie, convaincu Bastien Barral, 27 ans, de rejoindre WiSeed en janvier 2020 comme analyste financier au département innovation. « Je travaillais depuis un an et demi au département corporate finance de Generali sur des dossiers de fusions et acquisitions, confie ce diplômé du master 2 en corporate finance de la Toulouse School of Economics. Etant d’origine toulousaine, je me suis vite rendu compte que la vie parisienne n’était pas faite pour moi. J’ai donc indiqué sur ma fiche LinkedIn que j’étais en recherche de poste. C’est là que Delphine Couriet-Bossan, la DRH de WiSeed, m’a contacté. »
Au quotidien, Basma El Aboudi identifie les opportunités d’investissement, « que ce soit en dette pour un promoteur en quête de fonds propres, en co-investissement avec des asset managers ou de gros marchands de biens, ou en acquisition directe d’immeubles à restructurer en partenariat avec des brokers ou des fonds d’investissement, dévoile-t-elle. Je m’occupe ensuite de la pré-analyse et de la rédaction du dossier qui sera présenté au comité d’investissement. S’il est accepté, c’est encore moi qui pilote la levée de fonds sur la plateforme, la mise en place du reporting pour les investisseurs et la sortie du portefeuille 24 ou 48 mois plus tard. »
Résultat : Basma El Aboudi considère les projets qu’elle suit un peu comme ses « bébés ». « Et lorsque je travaille sur un co-investissement ou un investissement en direct, je suis amenée à visiter les actifs, à participer à la stratégie de restructuration… J’ai donc la sensation d’exercer un métier tangible, où je contribue à remettre au goût du jour des actifs qui vont apporter plus de dynamisme à une ville. »
Comme au Monopoly
Chez WiSeed, Bastien Barral accompagne lui aussi les dossiers de financement des fondateurs de start-up de A à Z depuis qu’il a été nommé responsable des investissements au sein de son département, un an tout juste après avoir intégré l’entreprise.
«Ce que j’aime dans ce travail, c’est le fait d’avoir la possibilité d’échanger avec des dirigeants de start-up passionnés et motivés, et de découvrir des secteurs d’activité et des business models très différents. » A force de côtoyer cet écosystème, le jeune Toulousain a d’ailleurs fini par attraper le virus. « J’aimerais moi aussi, un jour, créer ma propre start-up, confie-t-il. Encore faut-il que je déniche la bonne idée qui me donnera envie de passer de l’autre côté de la barrière. »
Pour la suite de sa carrière, Basma El Aboudi se voit, elle, grandir avec son entreprise. « Tous les jours, j’ai l’impression de jouer au Monopoly. Si l’on me donne l’opportunité de me développer sur un périmètre d’intervention géographique ou d’usage plus large, je signe », assure-t-elle.
Pour retenir leurs talents, les plateformes de crowdfunding misent sur l’agilité, comme l’explique Pierre Baudoin en mettant en avant son propre parcours. « Lorsque vous passez rapidement de 30 à 70 collaborateurs, avec un chiffre d’affaires multiplié par quatre, vous êtes obligés d’adapter en permanence votre organisation. Après avoir eu l’opportunité de créer trois produits, j’ai recruté une équipe et je suis entré au comex, sans avoir changé de poste. Dans une structure comme la nôtre, il n’y a donc pas de parcours construit, mais vous avez toutes les chances de voir votre position évoluer sur un périmètre qui n’existait pas six mois plus tôt », conclut Pierre Baudoin.
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