
Les Etats misent sur les cryptomonnaies nationales

Une de plus. Mi-août, Mu Changchun, le directeur adjoint du département des paiements de la Banque populaire de Chine (BPoC), a annoncé que la cryptomonnaie chinoise, en cours de réflexion depuis 2015, était désormais «opérationnelle». Selon Reuters, aucune date de sortie officielle n’a pour l’instant été communiquée.
Cette cryptomonnaie sera accessible aux particuliers et aux entreprises sous forme d’une application mobile qui convertirait des yuans en «crypto-yuans». Contrairement aux cryptomonnaies (bitcoin, ethereum…) qui se veulent, par essence, indépendantes des banques centrales, celle-ci serait sous le contrôle de la BPoC.
«Ces devises numériques ne sont pas comparables aux cryptomonnaies de l'écosystème classique. Ici, les Etats ont pour but de créer leurs devises nationales pour avoir accès à toutes les transactions», explique à L’Agefi Charlie Meraud, cofondateur du courtier en cryptomonnaies Woorton.
L’Etat chinois souhaite poursuivre deux objectifs : contrôler le système financier et soutenir la circulation du yuan. Désirant garder la main sur l'écosystème crypto, la Chine avait interdit dès 2017 les ICO (initial coin offering) et fermé 124 cryptobourses étrangères. A terme, l’idée serait même de remplacer les espèces en circulation, ce que tente déjà de faire la Suède.
Objectif : contrer la domination du dollar
Autre ambition affichée par la Chine : s’affranchir de la domination du dollar dans un contexte de tensions commerciales. Dans la même lignée, d’autres pays ont tenté l’aventure. «Le dollar est peut-être la monnaie qui a le plus à craindre de l'émergence de cette concurrence monétaire, dont le libra et les récentes annonces de ‘cryptomonnaies’ d’Etat ne sont que les premières manifestations», indique à L’Agefi Alexandre Stachtchenko, cofondateur de Blockchain Partners.
Vendredi dernier, à Jackson Hole, Mark Carney, le gouverneur de la Banque d’Angleterre a évoqué le rôle «déstabilisateur» du dollar sur l'économie mondiale. Il a ainsi émis l’idée d’une union des banques centrales, autour d’une monnaie numérique de remplacement. Cette monnaie digitale pourrait ainsi «atténuer la domination du dollar américain sur le commerce mondial», a déclaré Mark Carney. Un concept, qui pourrait s’inspirer de la cryptomonnaie de Facebook, le libra.
Le Venezuela est devenu le premier Etat à lancer sa propre cryptomonnaie en février 2018, le petro, dont la valeur est indexée sur le prix du baril de pétrole vénézuélien. L’idée ? Contourner, notamment, le blocus américain. Or, un an après le lancement du petro, le succès n’est pas au rendez-vous. «Les gens n’ont pas eu confiance dans la garantie contractuelle mise en place par le pays vis-à-vis de l’accès aux réserves de pétrole en cas de diminution de la valeur du petro. Ils n’ont pas eu confiance dans l’émetteur», explique à L’Agefi Hubert de Vauplane, avocat associé chez Kramer-Levin.
Pour cet expert, en matière monétaire, «ce qui compte c’est la confiance qu’on a dans l’émetteur». Ainsi, «une banque centrale qui émet une cryptomonnaie légale aura des avantages en termes de coûts, en diminuant la masse monétaire fiduciaire en circulation, et de traçabilité». Ce dernier prédit que la cryptomonnaie chinoise aura plus de succès que le petro.
Ces projets de cryptomonnaies d’Etat n’affolent pourtant pas l'écosystème crypto. «Si les consortiums privés comme le libra nous intéressent, je n’ai jamais entendu parler, lors d’une conférence, des cryptomonnaies d’Etat», confie Charlie Meraud. Pour autant, depuis l’annonce du lancement du libra, la plupart des décideurs «ont compris qu’au delà du sujet technologique, il y a un véritable défi de souveraineté monétaire entre les pays. Après la Chine, cela ne m’étonnerait pas qu’on ait d’autres annonces dans les mois et années à venir», estime Alexandre Stachtchenko.
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A Pau, François Bayrou face à la fronde locale pour les municipales
Pau - Après le vote de confiance lundi et la probable chute de son gouvernement, le retour de François Bayrou dans son fief de Pau ne sera «pas paisible», préviennent ses opposants qui axent déjà la campagne municipale sur «son budget brutal» et le scandale Bétharram. «Son passage à Matignon a montré toutes les limites de sa méthode et de sa façon de penser le monde, c’est un homme politique de la fin du XXe siècle», tance Jérôme Marbot (PS), chef de file de l’opposition municipale, candidat malheureux de la gauche et des écologistes au second tour en 2020 face à François Bayrou. «Il va payer le prix de ce budget si brutal pour les plus faibles», avec un effort financier de 44 milliards d’euros, renchérit l'écologiste Jean-François Blanco, avocat et autre figure d’opposition locale. Même si le maire de Pau, élu une première fois en 2014, n’a pas annoncé sa candidature -déclarant seulement dans les médias que ses «aventures» politiques n'étaient pas «finies"-, «il est déjà en campagne», considèrent ses opposants. «Pas un retour paisible» Lundi matin, pour la rentrée des classes, François Bayrou a visité deux écoles à Pau. «Tout le monde a compris qu’il serait candidat, ce n’est pas un sujet, mais il n’aura pas un retour paisible», lui promet M. Blanco, déjà candidat en 2020 (14% des suffrages au premier tour). Le contexte national est venu «percuter» la campagne des municipales, analyse-t-il également, anticipant un scrutin «très politique» en mars prochain. François Bayrou qui a, dès son arrivée à Matignon, souligné qu’il voulait rester maire de Pau, glissant que c'était un titre «plus durable» que celui de Premier ministre, a vanté plusieurs fois ces derniers mois (vœux aux habitants, conférences de presse), en vidéo, «les dix ans de réalisations» dans la ville. Depuis deux ans, et après plusieurs années de déclin, la préfecture des Pyrénées-Atlantiques a gagné 3.000 habitants, selon des chiffres de l’Insee, atteignant désormais près de 80.000 habitants. Jean-François Blanco, avocat de victimes de violences physiques et sexuelles à Bétharram, est convaincu que cette affaire qui empoisonne le chef du gouvernement, ministre de l’Education à l'époque d’une première plainte contre l'établissement privé béarnais où ont été scolarisés plusieurs de ses enfants, «sera un marqueur de la campagne» des municipales. «Elle aura des conséquences», abondent les Insoumis, qui reconnaissent à M. Blanco d’avoir «affronté Bayrou sur le terrain de Bétharram», en lien avec le député LFI Paul Vannier, corapporteur de la commission d’enquête parlementaire sur les violences en milieu scolaire au printemps. La gauche divisée Reste que si la gauche paloise parle beaucoup de «rassemblement» pour reprendre la ville, dirigée par le PS de 1971 à 2014, ce n’est encore qu’un vœu pieux. La France insoumise «ne discute pas avec le PS», le socialiste Jérôme Marbot veut fédérer en ayant «vocation à être tête de liste», mais sans «en faire une condition sine qua non», tandis que Jean-François Blanco, mandaté par Les Ecologistes, veut unir derrière lui. «La porte est ouverte», insiste Jérôme Marbot, qui revendique le soutien de six formations de gauche, dont Génération.s ou Place Publique. «On veut présenter un programme de gauche de rupture. L’union pour l’union, sans la cohérence, ça ne marchera pas», avertissent de leur côté les Insoumis palois Jean Sanroman et Jade Meunier. De l’autre côté de l'échiquier politique, le Rassemblement national, qui avait réuni moins de 7% des voix aux municipales d’il y a cinq ans, espère capitaliser sur son score des dernières législatives (29%) avec comme candidate Margaux Taillefer, 26 ans, arrivée du parti Reconquête d'Éric Zemmour, et dont le nom a été dévoilé samedi. François Bayrou «va être dépositaire de son échec au gouvernement, ce sera plus difficile pour lui qu’en 2020", espère Nicolas Cresson, représentant régional du RN. Carole SUHAS © Agence France-Presse