
Patrick Sayer, TAE de Paris : «Les mécanismes de procédure amiable sont mieux connus des entreprises»

Pourquoi le tribunal de commerce de Paris est-il devenu au 1er janvier le tribunal des activités économiques (TAE) ?
Patrick Sayer - Cette expérimentation, d’une durée de quatre ans, répond à des travaux qui ont été lancés il y a plusieurs années. L’idée était de ne pas limiter la justice consulaire aux commerçants, mais de l’élargir à tous les acteurs qui effectuent des actes économiques, comme les associations et les professions libérales. Désormais, en matière de procédure de traitement des difficultés des entreprises, nous accueillons non seulement les acteurs traditionnels – artisans, commerçants, entreprises –, mais plus largement toutes les formes d’institutions qui réalisent des actes économiques, sauf les professions réglementées du droit. C’est pour signifier cette extension que douze tribunaux de commerce, dont celui de Paris, sont devenus expérimentalement, au 1er janvier, des tribunaux des activités économiques. Ce premier volet de la réforme se déroule de manière très fluide. Dans certains dossiers qui combinent à la fois des associations, des sociétés civiles immobilières, des sociétés de capitaux, réunir tous les acteurs d’une procédure collective sous le même toit permet en réalité d’avoir une meilleure intelligence et une meilleure compréhension du dossier dans l’intérêt de toutes les parties prenantes.
La réforme a aussi institué une contribution payée par les personnes morales ou physiques qui saisissent le tribunal. Partagez-vous les critiques que ce dispositif suscite ?
Les modalités de ce système, fixées par décret le 30 décembre 2024, ne sont pas satisfaisantes pour plusieurs raisons. D’abord, le montant de cette « contribution pour la justice économique » est calculé en pourcentage des prétentions des demandeurs – jusqu’à 5 % plafonnés à 100.000 euros – et non pas sur les sommes qui résultent du jugement. Ainsi, si par exemple, sur une demande de 2 millions d’euros, le demandeur acquitte 5 % de contribution, soit 100.000 euros, mais ne reçoit qu’un cinquième des sommes réclamées, dans ce cas 400.000 euros, la taxe effective aura été de 25 % des sommes auxquelles le défendeur sera condamné… Ensuite, c’est que le taux de la contribution dépend de la situation financière du demandeur, alors qu’elle est susceptible d’être payée par le défendeur, dont la situation économique n’a rien à voir. Par ailleurs, elle s’applique aussi à des procédures dites de requête, non contradictoires, dans lesquelles il n’y a pas, au moment de la requête, de défendeur. Et il se peut très bien qu’il n’y en ait jamais. Pourquoi faire payer une taxe à quelqu’un qui demande une saisie conservatoire sur le compte d’un débiteur, avec le risque non nul en pratique que ce compte ait été vidé ? Enfin, même appréhendé sur le montant d’une condamnation, et plafonné, un taux de 5 % pour les litiges les plus importants est beaucoup trop élevé. L’Allemagne dispose d’un système équivalent, mais semble-t-il plafonné à 0,4 %. Comment voulez-vous attirer les litiges, faire la promotion de la place juridique de Paris quand on est 12 fois plus cher que nos voisins ?
Que proposez-vous ?
Je ne suis pas du tout hostile à ce qu’il y ait une contribution. Ce n’est pas parce que les juges consulaires sont bénévoles que la justice doit être gratuite. Il y va de sa reconnaissance dans le monde judiciaire et cette contribution pourrait être fléchée pour défrayer les juges alors que rien n’est prévu actuellement. Mais le coût de ce service public doit être raisonnable. On pourrait imaginer un système de contribution beaucoup plus progressif, qui s’applique à tous les litiges, même les plus petits, et qui procurerait au bout du compte davantage de recettes budgétaires. J’ai fait part de mes réserves sur le dispositif aussi bien place Vendôme qu’à Bercy. Aujourd’hui, je ne peux qu’appliquer la loi et il ne m’appartient pas de me mettre à la place du législateur. Mais j’espère bien que ce dernier n’attendra pas quatre ans et la fin de l’expérimentation pour revoir substantiellement ce dispositif.
12 mois, c’est la durée moyenne de traitement des litiges. L’objectif est de passer à moins de 10 mois
Comment travaillent les juges du TAE de Paris aujourd’hui ? Etes-vous en capacité d’absorber la hausse des flux et l’élargissement de votre champ de compétences ?
A Paris, un juge consulaire débutant travaille pour la juridiction environ 25 heures par semaine. Il rend en moyenne 60 à 80 jugements par an et délibère dans près de 200 dossiers, dans le cadre d’un délibéré à trois. Cette charge augmente au fil des ans du fait des nombreuses délégations que les juges assument pour le président ainsi que leur charge de président de délibéré ou de chambre, certains juges travaillant de fait 5 jours sur 5 avec des jugements à rédiger chez eux le week-end. C’est un véritable sacerdoce qui s’explique par leur goût pour le service public. Le TAE de Paris compte en 2024 190 juges et la Chancellerie, avec laquelle nous nous félicitons de la qualité de nos rapports, a accepté de porter ce nombre à 210 juges l’an prochain. Un peu plus de 140 font du contentieux, le reste se consacre aux procédures de traitement des difficultés des entreprises amiables (mandat ad hoc et conciliation) et collectives (sauvegarde, redressement ou liquidation).
Craignez-vous que la hausse de ces procédures et des faillites se poursuive ?
Les procédures collectives ont fortement augmenté l’an dernier. Je pensais que nous atteindrions un plateau cette année mais la hausse se poursuit, à un rythme toutefois moins violent qu’en 2024, de l’ordre de 5 % à 6 %. Si l’on analyse les chiffres dans les détails, il y a la fois de bonnes et de mauvaises raisons. La mauvaise, c’est la conjoncture, comme la guerre en Ukraine et le choc d’inflation, ou la politique de Donald Trump, depuis son élection, qui crée de l’incertitude pour tous les acteurs économiques. La bonne, c’est que les mécanismes de procédure amiable sont mieux connus et fonctionnent très bien. Les entreprises, grandes et moyennes mais aussi plus modestes, comprennent de mieux en mieux l’intérêt d’aller voir tôt un juge qui va nommer un conciliateur pour essayer de régler en amont le problème qu’elles anticipent, plutôt que d’attendre le dernier jour et de se retrouver la corde au cou. En 2024, nous avons constaté une hausse d’environ 20 % du nombre de dossiers liés à cette démarche de prévention des difficultés financières.
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Qu’ont apporté les réformes du droit des faillites sur ce point ?
Elles ont permis d’importer dans le droit européen l’esprit des textes qui existe depuis cinquante ans dans le droit américain. Aux Etats-Unis, le système de gestion des faillites est tellement clair, prévisible, que les justiciables traitent les sujets en amont et de façon amiable. J’espère que ce système, notamment le système des classes de parties affectées, va permettre de réduire le nombre de faillites, mais aussi le nombre de restructurations qui ont besoin de l’aide d’un juge. La directive européenne et sa transposition française ont prévu des exceptions qu’il faut préciser, ce qu’a commencé à faire la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un premier arrêt récent. Lorsque le droit sera devenu suffisamment précis pour les praticiens des procédures d’insolvabilité, nous pourrons traiter hors des tribunaux un certain nombre de dossiers, dans l’intérêt de la pérennité de l’entreprise et de la sauvegarde de l’emploi, tout en respectant les droits des créanciers.
Les dossiers médiatiques vont certainement faire avancer la cause du traitement amiable des litiges
Constatez-vous les mêmes tendances à la hausse sur les contentieux commerciaux ?
Le contentieux augmente comme il a toujours augmenté mais dans des proportions modérées, moins de 5 % par an. Nous poursuivons la démarche initiée par l’un de mes prédécesseurs, Franck Gentin (président de 2012 à 2015, NDLR), qui consiste à encourager le règlement à l’amiable des dossiers. Aujourd’hui, ce taux de règlement amiable oscille entre 10 % et 12 % ; mon objectif est de le porter à 30 %. Nous nous servons des affaires emblématiques pour montrer aux justiciables qu’il est possible de trouver des solutions plutôt que de condamner. L’une d’entre elles avait été la médiation intervenue entre LVMH et les héritiers d’Hermès en 2014. L’an dernier, la juridiction a été également impliquée dans le dossier La Poste Mobile, qui concernait La Poste, Bouygues Télécom et Altice. J’ai œuvré cette année pour que la Ligue française de football et DAZN recherchent un accord avec l’aide d’un médiateur – le même Frank Gentin d’ailleurs –, ce qu’elles ont annoncé le 2 mai dernier. Je m’en félicite. Ces dossiers médiatiques vont certainement faire avancer la cause du traitement amiable des litiges.
Vous avez déclaré vouloir raccourcir la durée de traitement des litiges. Comment vous y prenez-vous ?
L’objectif, c’est d’augmenter la qualité effective et la qualité perçue de la justice consulaire. On peut l’apprécier avec trois critères. Le premier, j’en ai parlé, c’est le taux de recours à l’amiable. Le deuxième, c’est le raccourcissement des délais, qui sont déjà courts puisque nous rendons la justice en moins d’un an, en moyenne, à Paris. Entre l’audience de plaidoirie et la mise à disposition du jugement, il faut compter un délai incompressible de deux mois. En revanche, les dix mois précédant l’audience de plaidoirie peuvent être raccourcis. L’oralité, qui était historiquement le principe de la juridiction commerciale, devient très accessoire aujourd’hui, avec une procédure essentiellement écrite. Nous avons ainsi convenu, avec le barreau de Paris et son bâtonnier Pierre Hoffman et toute la profession des mandataires au commerce dont Me Charlotte Hildebrand, que la procédure soit encore raccourcie dans ses délais pour les affaires dites simples. J’ai bon espoir que de douze mois au total, nous arrivions à moins de dix mois.
Quel est le troisième critère de qualité ?
C’est d’améliorer la sécurité juridique de nos décisions, qui dépend de deux facteurs. Il faut d’abord faire en sorte que nos décisions soient homogènes les unes par rapport aux autres, même si les juges sont libres et indépendants. Pour cela, il faut que les juges puissent consulter des décisions qui ont été rendues sur des cas d’espèce similaires, mais cette base de données n’existait pas. En tout cas pas de manière facilement accessible. Nous disposerons bientôt d’un tel data lake digital qui pourra servir d’outil référentiel. Une première étape a été franchie avec la mise en place l’an dernier de la signature électronique des décisions. La Cour de cassation va ensuite nous les renvoyer de manière numérisée et anonymisée.
Ce qui fait la force de l’arbitrage à Paris, c’est son autonomie par rapport aux juridictions étatiques et le respect de règles qui lui sont propres
Le second facteur, c’est la formation, au-delà de la formation initiale de 4 mois pour les juges consulaires et de la formation continue obligatoire dispensées par l’Ecole nationale de la magistrature (ENM). Nous avons monté, avec l’aide de l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, une formation de perfectionnement de 200 heures de cours réparties sur deux ans pour que nos juges – en particulier les deux tiers environ d’entre eux qui ne viennent pas du monde du droit – disposent de compétences juridiques comparables à celles de leurs collègues de l’ordre judiciaire au bout de quelques années de judicature.
Aujourd’hui, le taux d’infirmation en appel calculé sur la totalité de nos jugements est d’environ 3,5 % pour les décisions au fond et de 1 % pour les ordonnances de référé. Il est satisfaisant mais il pourrait être encore meilleur, et nous aurons réussi si nous le faisons encore diminuer.
Comment l’intelligence artificielle (IA), que vous expérimentez, peut-elle vous aider à atteindre ces objectifs ?
L’IA ne doit jamais remplacer le juge mais peut faciliter, en amont d’une audience, une partie de son travail. Par exemple en se livrant à une analyse exhaustive des pièces qui sont transmises par les parties. On travaille sur quelques cas d’usage, comme les injonctions de payer, la préparation des rapports à l’audience, le fléchage des dossiers vers les chambres spécialisées. Nous démarrons ces travaux, dans le respect des textes nationaux et européens, en parallèle du travail qui a été lancé par le barreau de Paris, avec nos moyens limités, mais nous allons avancer. Nous observons déjà des expérimentations étonnantes dans certaines juridictions. A Singapour, l’IA permet de fournir aux parties des propositions de jugement inspirées de la jurisprudence, qui peuvent servir de base à une négociation amiable préalable.
Vous avez fait allusion à l’attractivité de la France. Les projets de réforme de l’arbitrage vont-ils dans le bon sens ? Et plus largement, restons-nous compétitifs par rapport à la « common law » anglo-saxonne ?
Ce sont deux sujets différents mais pas indifférents. Paris a la chance de compter énormément de grands cabinets d’avocats, français et internationaux, parce qu’elle est non seulement une place commerciale traditionnelle, mais aussi une place internationale d’arbitrage reconnue. Avoir un droit et une place dynamiques, modernes, pouvoir être jugé en France, est de l’intérêt de nos entreprises. Je trouve personnellement que notre système de droit civil, qui part d’une conception abstraite des règles de droit pour l’appliquer à des cas pratiques, est plus riche que la common law britannique. Nous devons collectivement, Français et Européens, défendre notre droit civil, le promouvoir dans des colloques internationaux, en le faisant avec nos partenaires naturels européens mais aussi nos partenaires africains ou latino-américains.
S’agissant de l’arbitrage, je n’ai pas véritablement qualité pour vous parler aujourd’hui de la réforme envisagée par certains. Ce qui me semble faire la force de l’arbitrage à Paris, c’est son autonomie par rapport aux juridictions étatiques et le respect de règles qui lui sont propres. Avant de codifier ou imposer de nouvelles règles, il importe de peser leurs conséquences sur l’attractivité de Paris. En revanche, je trouverais anormal que l’on retire aux tribunaux de commerce leur compétence de juge d’appui, c’est-à-dire la faculté de remplacer un juge au sein d’un tribunal arbitral lorsque se pose un problème de personne. Même si les cas sont peu nombreux, il y a une véritable logique à conserver cette compétence facultative, l’arbitrage trouvant le plus souvent sa source dans un litige d’ordre commercial.
Son parcours
Une fois diplômé de Polytechnique et des Mines, Patrick Sayer effectue l’essentiel de sa carrière dans la finance, au contact des problématiques des entreprises. En 1982, il rejoint la banque d’affaires Lazard Frères et Cie, dont il deviendra associé-gérant à Paris, puis managing director à New York. En 2002, il prend les rênes de la holding d’investissement Eurazeo, elle-même issue de la galaxie Lazard. Il en assume la présidence du directoire jusqu’en 2018. Juge consulaire depuis 2014, puis président de chambre, il est devenu en janvier 2024 président du tribunal de commerce de Paris, rebaptisé un an plus tard tribunal des activités économiques. Il est par ailleurs administrateur indépendant de Valeo.
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A Pau, François Bayrou face à la fronde locale pour les municipales
Pau - Après le vote de confiance lundi et la probable chute de son gouvernement, le retour de François Bayrou dans son fief de Pau ne sera «pas paisible», préviennent ses opposants qui axent déjà la campagne municipale sur «son budget brutal» et le scandale Bétharram. «Son passage à Matignon a montré toutes les limites de sa méthode et de sa façon de penser le monde, c’est un homme politique de la fin du XXe siècle», tance Jérôme Marbot (PS), chef de file de l’opposition municipale, candidat malheureux de la gauche et des écologistes au second tour en 2020 face à François Bayrou. «Il va payer le prix de ce budget si brutal pour les plus faibles», avec un effort financier de 44 milliards d’euros, renchérit l'écologiste Jean-François Blanco, avocat et autre figure d’opposition locale. Même si le maire de Pau, élu une première fois en 2014, n’a pas annoncé sa candidature -déclarant seulement dans les médias que ses «aventures» politiques n'étaient pas «finies"-, «il est déjà en campagne», considèrent ses opposants. «Pas un retour paisible» Lundi matin, pour la rentrée des classes, François Bayrou a visité deux écoles à Pau. «Tout le monde a compris qu’il serait candidat, ce n’est pas un sujet, mais il n’aura pas un retour paisible», lui promet M. Blanco, déjà candidat en 2020 (14% des suffrages au premier tour). Le contexte national est venu «percuter» la campagne des municipales, analyse-t-il également, anticipant un scrutin «très politique» en mars prochain. François Bayrou qui a, dès son arrivée à Matignon, souligné qu’il voulait rester maire de Pau, glissant que c'était un titre «plus durable» que celui de Premier ministre, a vanté plusieurs fois ces derniers mois (vœux aux habitants, conférences de presse), en vidéo, «les dix ans de réalisations» dans la ville. Depuis deux ans, et après plusieurs années de déclin, la préfecture des Pyrénées-Atlantiques a gagné 3.000 habitants, selon des chiffres de l’Insee, atteignant désormais près de 80.000 habitants. Jean-François Blanco, avocat de victimes de violences physiques et sexuelles à Bétharram, est convaincu que cette affaire qui empoisonne le chef du gouvernement, ministre de l’Education à l'époque d’une première plainte contre l'établissement privé béarnais où ont été scolarisés plusieurs de ses enfants, «sera un marqueur de la campagne» des municipales. «Elle aura des conséquences», abondent les Insoumis, qui reconnaissent à M. Blanco d’avoir «affronté Bayrou sur le terrain de Bétharram», en lien avec le député LFI Paul Vannier, corapporteur de la commission d’enquête parlementaire sur les violences en milieu scolaire au printemps. La gauche divisée Reste que si la gauche paloise parle beaucoup de «rassemblement» pour reprendre la ville, dirigée par le PS de 1971 à 2014, ce n’est encore qu’un vœu pieux. La France insoumise «ne discute pas avec le PS», le socialiste Jérôme Marbot veut fédérer en ayant «vocation à être tête de liste», mais sans «en faire une condition sine qua non», tandis que Jean-François Blanco, mandaté par Les Ecologistes, veut unir derrière lui. «La porte est ouverte», insiste Jérôme Marbot, qui revendique le soutien de six formations de gauche, dont Génération.s ou Place Publique. «On veut présenter un programme de gauche de rupture. L’union pour l’union, sans la cohérence, ça ne marchera pas», avertissent de leur côté les Insoumis palois Jean Sanroman et Jade Meunier. De l’autre côté de l'échiquier politique, le Rassemblement national, qui avait réuni moins de 7% des voix aux municipales d’il y a cinq ans, espère capitaliser sur son score des dernières législatives (29%) avec comme candidate Margaux Taillefer, 26 ans, arrivée du parti Reconquête d'Éric Zemmour, et dont le nom a été dévoilé samedi. François Bayrou «va être dépositaire de son échec au gouvernement, ce sera plus difficile pour lui qu’en 2020", espère Nicolas Cresson, représentant régional du RN. Carole SUHAS © Agence France-Presse