L’Observatoire du financement des entreprises publie ce jour son rapport 2022. Il met en exergue les transitions numérique et climatique des TPE et PME.
Quand tout va trop vite, il peut être bon de prendre le temps. Deux cents ans au moins en l’occurrence. Etre bicentenaire est en effet la condition première pour devenir membre de l’association les Hénokiens, du nom du patriarche biblique Hénoch. Elle est ouverte aux sociétés familiales toujours détenues en majorité par les descendants du fondateur et dirigée par l’un d’entre eux. Le groupe bancaire suisse Mirabaud, né en 1819, en franchit aujourd’hui la porte, rejoignant les banques Hottinguer (1786), Pictet (1805) ou Lombard Odier (1796) et une cinquantaine d’autres sociétés européennes et japonaises. Autant de groupes déployant bien entendu des stratégies de long terme : « Nos décisions nous engagent pour les générations suivantes ; cette responsabilité constitue la meilleure garantie pour assurer la pérennité de l’entreprise », plaide Nicolas Mirabaud, qui avec Camille Vial (photo) sont deux des quatre associés gérants de Mirabaud et représentants de la septième génération de la famille fondatrice.
Assurance. Entre maintien du télétravail et cyberguerre liée au conflit en Ukraine, le fléau des attaques par rançongiciel est toujours plus présent. Une menace particulièrement forte pour les fragiles PME, selon l’enquête menée par la plateforme de conseil en logiciels métiers GetApp. Une PME française sur trois en aurait déjà été victime. Au-delà du montant de la rançon (dans 33 % des cas entre 10.001 et 20.000 euros, pour 5 % supérieure à 80.000 euros), c’est, pour 57 % des salariés IT interrogés, la perte de temps et de productivité qui a constitué le principal dommage financier pour l’entreprise. Un quart des sociétés victimes auraient par la suite souscrit à une cyber-assurance. Rien ne remplacera tout de même la formation et la sensibilisation. A ce titre, si 75 % des sociétés assurent avoir formé leurs employés, seules 35 % le font régulièrement… et 26 % confessent ne l’avoir jamais fait.
C’est la croissance du marché de l’affacturage au premier trimestre 2022 par rapport à la même période l’année dernière, selon l’Association française des sociétés financières (ASF). Les factors ont financé
Tensions. La guerre en Ukraine et les mesures de confinement en Chine renforcent les pressions qui pèsent déjà sur la trésorerie des entreprises, estime Allianz Trade. L’assureur-crédit anticipe dès lors une croissance des défaillances à l’échelle mondiale de 10 % en 2022 et de 14 % en 2023, approchant ainsi leur niveau d’avant-crise sanitaire. En France, le nombre de défaillances devrait augmenter de 15% cette année et de 33 % l’an prochain. Allianz Trade identifie toutefois trois facteurs de résilience. Début 2022, le montant total des liquidités détenues par les entreprises cotées était 30 % supérieur au niveau observé en 2019. Par ailleurs, le nombre d’entreprises « fragiles », c’est-à-dire susceptibles de faire un défaut de paiement lors des quatre prochaines années, est resté limité en Europe, particulièrement en Italie (de 11 % en 2020 à 7 % en 2021) et en France (de 15 % à 12 %). Enfin, les entreprises semblent avoir été en mesure de répercuter les hausses de coûts sur leurs prix de vente.
Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises, expose les actions engagées pour faire du dialogue interentreprises un appui face aux problèmes d’approvisionnement et un atout pour la reprise.
Alternatif. PayPal lance Financement Pro, une offre de financement pour les petites entreprises françaises qui vient en complément de sa plateforme de paiement et de commerce dédiée à cette clientèle. Réservée à ses clients, cette nouvelle offre permet d’obtenir un prêt en quelques minutes, car la décision d’octroi est fondée sur l’historique du compte marchand PayPal, et des remboursements adaptés à l’activité de l’entreprise : sans durée fixe, le remboursement est prélevé automatiquement sur les ventes selon un taux choisi par le marchand (entre 10 % et 30 % par vente). La tarification ne repose pas sur des intérêts mais sur des frais fixes présentés au marchand au moment de la souscription. Cette offre est également disponible aux Pays-Bas, aux Etats-Unis, en Australie, au Royaume-Uni et en Allemagne. Depuis son lancement en 2013 aux Etats-Unis, Paypal a octroyé 230.000 prêts pour 3,6 milliards de dollars. En Allemagne, où le financement a été lancé en novembre 2018, la première année d’activité a permis de financer 8.000 petites entreprises pour 250 millions d’euros.
C’est la part du chiffre d’affaires que peuvent représenter les prêts Résilience garantis par l’Etat, ces nouveaux PGE montés à la hâte suite à la guerre en Ukraine. Ils visent les entreprises frappées de façon particulière par les conséquences du conflit et peuvent s’ajouter aux PGE déjà en place, portant sur 25 % du chiffre d’affaires maximum. L’Etat vient également de prolonger jusqu’à fin 2023 l’octroi des prêts participatifs Relance (PPR) et des obligations Relance (OR) dont le démarrage a été ralenti par l’abondance de liquidités disponibles via les PGE.
Transition. Jusqu’ici, tout va bien. Le Conseil de stabilité financière (Financial Stability Board, FSB) a « salu[é] la transition en douceur [liée à la disparition] du Libor ». La disgrâce de ce taux interbancaire de référence (interbank offered rate, Ibor) a nécessité un labeur mondial colossal pour lui substituer sans dommages de nouveaux taux sans risque (risk-free rates, RFR). « L’absence de perturbations de marchés majeures témoigne de l’ampleur des efforts des participants de marché et du niveau d’attention des régulateurs et des institutions de place pour soutenir la transition vers les RFR », a indiqué le FSB après que le Libor a perdu, au 1er janvier, son statut de référence. Pour autant, le chantier n’est pas achevé, sur le flux de nouveaux contrats mais surtout sur le stock existant. Le FSB mènera une étude de suivi au second semestre 2022 pour identifier les défis persistants.
Small is beautiful. Le respect des délais de paiement reste inversement proportionnel à la taille du payeur. Et la tendance s’est aggravée en 2021, comme le pointe Altares : alors que le délai moyen perdait 0,4 jour à 12,5 pour l’ensemble des entreprises françaises, il gagnait 0,3 jour à 17,4 pour celles de 1.000 salariés et plus et perdait 0,4 jour à 12,4 pour celles de moins de 50 salariés. Soit un écart de 5 jours l’an dernier entre ces deux catégories. Sous les angles sectoriel et régional, la construction et la Bretagne (voir l’illustration) décrochent les palmes des meilleurs payeurs, les bonnets d’âne étant coiffés par la restauration et l’Ile-de-France. S’il est impossible de mesurer l’impact du conflit russo-ukrainien en la matière, Thierry Million, directeur des études d’Altares, veut croire qu’à moyen terme, la facturation électroniquea de quoi permettre une diminution, outre des coûts, des délais de paiement.
Le « contexte de dématérialisation accélérée des moyens de paiement » n’a pas échappé à la Monnaie de Paris (photo), qui a vu la commande de l’Etat français pour ses pièces courantes chuter de moitié en dix ans. Celles qui se trouvent encore au fond de nos poches n’ont plus représenté l’an dernier qu’un quart d’un chiffre d’affaires total de 146 millions d’euros de l’institution. Qui ne manque pourtant pas de relais de croissance. Avec les pièces étrangères, les produits d’art, et surtout (près de la moitié des ventes en 2021) les monnaies de collection, pour lesquelles Harry Potter ou Napoléon ont été appelés en renfort. Et l’immobilier, avec la valorisation entérinée du patrimoine foncier du site de Pessac « permettant de générer des revenus locatifs réguliers ». Un nouveau pan d’activité permis par une loi de février 2022 élargissant l’objet social de l’institution.
Tricolore. Dans une note publiée mi-mars, Fitch Ratings pointe que peu de sociétés notées de la zone Emea (Europe, Moyen-Orient, Afrique) sont pour l’instant directement pénalisées par le conflit russo-ukrainien. Le « pour l’instant » est d’importance, l’agence réévalue bien entendu le risque en continu. Mi-mars donc, Fitch précise avoir identifié « moins de dix » sociétés parmi celles publiquement notées de la zone ayant plus du quart de leurs ventes, de leurs résultats ou de leur cash-flow opérationnel issus de Russie. L’agence indique avoir lancé des actions négatives de notation sur un périmètre restreint de quatre utilities (sociétés de service public) et deux groupes de biens de consommation. Les effets à court terme s’expriment particulièrement par le biais de perturbations sur la chaîne d’approvisionnement. « En dehors de ces entités, l’impact [du conflit] sur la notation reste limité », explique l’agence. Limité, pour l’instant, donc.