REPORTING ESEF - Décollage réussi

Un nouvel élément a fleuri en ce printemps 2022 au cœur des sites internet des sociétés cotées européennes. Le lecteur de rapport annuel (lire ‘La Parole à...’) y voit double : aux côtés d’une version sous format PDF apparaît désormais une « version Esef », un fichier zip renfermant du langage informatique XBRL illisible à l’œil humain. Le reporting Esef, pour European single electronic format, est le nouveau standard digitalisé d’information réglementée. Il est requis pour les états primaires (compte de résultat, bilan, tableau de variation des capitaux propres, tableau des flux de trésorerie) des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2021.
Il s’agit en deux mots de « mapping » et de « tagging », c’est-à-dire de cartographie et de balisage de chaque chiffre présenté dans les comptes, selon le nouveau dictionnaire ou taxonomie Esef. Délicate traduction pour les directions financières, étroitement accompagnées d’éditeurs d’outils dédiés de production ou autre commissaire aux comptes (CAC) qui doit certifier également cette nouvelle version. Chantier délicat notamment quand l’harmonisation visée n’est pas possible, « chaque groupe au sein d’un même secteur d’activité a des spécificités nécessitant la création d’extensions faute de concept Esef précis associé. Nous échangeons avec d’autres émetteurs de la place pour partager des bonnes pratiques », indique Bénédicte Filly, consolideuse chez Edenred. Une extension peut être nécessaire pour un concept majeur au sein de la société mais inconnu du langage Esef, comme les « immobilisations aéronautiques » chez Air France-KLM. La responsable normes comptables et harmonisation comptable au sein de la direction des affaires comptables du groupe de transport aérien, Marie-Anne Effa Nguini, note que « le risque est de passer à côté de l’objectif de comparabilité des états financiers du fait de la création d’extensions en grand nombre ».
Edenred comme Air France-KLM avaient tous deux l’an dernier déjà réalisé un exercice complet de reporting Esef avant qu’il ne devienne contraint – sachant que l’entrée en vigueur avait tardivement été repoussée d’un an. Ces groupes comme d’autres ont ainsi vécu le véritable départ relativement sereinement. « C’est un sujet qui demande beaucoup d’humilité, d’anticipation et de réactivité », reconnaît Raphaël Hersemeule, consolideur chez Edenred. « Grâce à une meilleure maîtrise, cette année, du process de production, passant par la connaissance des concepts taxonomiques, ainsi qu’à une plus grande maturité de l’outil de production du reporting, nous avons réduit le temps passé et amélioré la qualité », détaille Marie-Anne Effa Nguini. « La courbe d’apprentissage est lancée, il y a toujours des améliorations possibles, pointe Astrid Montagnier, associée normes comptables et reporting chez KPMG France. Par exemple sur les signes, positif ou négatif, beaucoup de rapports contiennent des erreurs, la norme est claire mais pas très intuitive. » L’exercice pourtant n’a été jugé difficile que par un quart des déposants sondés par le cabinet qui, pour les aider, s’appuie sur l’outil Esef Checker développé par Corporatings. « L’idée est de soulever le capot, de permettre aux émetteurs de voir plus finement ce que cache la boîte noire du reporting Esef, par exemple pour identifier les anomalies présentes dans ces rapports ou évaluer leur comparabilité », indique Alexandre Prat-Fourcade, directeur général de cette fintech spécialiste de la collecte, du traitement et de la rediffusion des données.
Notes annexes
L’outil servira dans le cadre de la deuxième étape du reporting Esef, dès l’an prochain, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022 : le balisage des notes annexes. Non plus détaillé par chiffres mais par blocs de textes et tableaux. Si le mode opératoire réglementaire n’est pas encore tout à fait fixé, Astrid Montagnier exhorte les sociétés à se mettre sans tarder à l’ouvrage car « le temps est compté ». Avertissement anticipé par Edenred : « Nous avons à nouveau cette année pris de l’avance en balisant près de 30 % des notes annexes, souligne Bénédicte Filly. Cette anticipation nous a permis d’identifier, avec notre éditeur XBRL, un certain nombre d’évolutions à venir qui faciliteront le balisage. »
Les émetteurs cotés aux Etats-Unis doivent réaliser un balisage détaillé, bien plus conséquent que celui en blocs requis pour les émetteurs cotés en Europe. Selon Marie-Anne Effa Nguini, « l’exercice de block tagging sera l’occasion pour les entreprises qui publient des reportings Esef de réfléchir sur l’opportunité de revoir le contenu de leurs notes annexes ». « Le balisage est plus approfondi outre-Atlantique, reconnaît Marc Houllier, responsable technologique de Corporatings, mais eux aussi y sont allés progressivement, depuis dix ans. »
Un troisième étage est d’ores et déjà prévu à la fusée Esef : les données extra-financières. Pour Marc Houllier, les process technologiques seront comparables aux avancées précédentes, « avec peut-être même davantage de fluidité puisque les outils de collecte seront développés en même temps que sont définies les normes, il n’y a pas de socle existant à adapter ». « Nous y travaillerons avec notre département RSE (responsabilité sociétale de l’entreprise, NDLR), sans attendre 2025 qui est l’horizon commun prévu », assure Raphaël Hersemeule chez le bon élève Edenred. Si le reporting Esef a réussi son décollage, il est loin encore de l’altitude de croisière.
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