
Traduire le jargon financier en français est aussi une question de «timing»

Des thermes aux termes, il n’est qu’une lettre qui diffère. Les bains ne sont pas les mêmes. Qui plonge dans les termes, nage dans un bain de mots. Quelque 368 équivalents français de termes empruntés respectivement au monde anglo-saxon de la finance sont déjà disponibles sur le site internet FranceTerme.
Leur publication en ligne est la dernière étape d’un long processus supervisé par la Commission d’enrichissement de la langue française. Celle-ci fait appel, entre autres, au Collège de terminologie de l’économie et des finances afin d’actualiser le vocabulaire économique et financier dans la langue de Molière.
Le Collège est présidé par Pierre-Charles Pradier, chercheur associé au Centre d'économie de la Sorbonne, lui-même secondé par Didier Marteau, professeur émérite à l’ESCP-Europe et président du groupe Banque, Assurance, Marchés au sein du Collège. Il rassemble experts techniques d’institutions de référence (AMF, ACPR, Banque de France, CDC, etc.) et de directions et services ministériels (Trésor, budget, etc.) mais aussi des personnalités qualifiées du secteur de la finance et des membres de droit issus des instances œuvrant pour la langue française. On y retrouve par exemple des membres de la Direction générale de la langue française et des langues de France, le haut fonctionnaire chargé de la terminologie et la langue française, l’Académie française et l’Afnor.
Chaque trimestre, le Collège se réunit pour examiner une quinzaine de termes sur une liste qui en comporte entre 50 et 100. S’ensuivent les séances de la Commission d’enrichissement de la langue française puis la publication des listes de termes traduits au Journal officiel et sur FranceTerme.
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Difficultés
Si un certain nombre de termes traduits sont effectivement employés dans le milieu de la finance française – tels qu’ «obligations à haut rendement» pour le high yield ou «marchés à terme» pour désigner les futures – , d’autres demeurent peu usités comme «obligations catégorie investissement» pour parler de dette investment grade voire inutilisés. Aucune trace par exemple dans la documentation des fonds d’investissement de «picorage de titres» pour stock picking, «valeur à quatre sous» pour penny stock ou «valeur de premier ordre» pour blue chip.
Sollicités par L’Agefi, Pierre-Charles Pradier et Didier Marteau relèvent trois difficultés dans le travail de traduction. Du point de vue purement linguistique, il convient de donner une définition satisfaisante et choisir le bon équivalent français. Du point de vue de la diffusion, il faut trouver les bons relais. Enfin, la chronologie revêt une importance capitale.
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«Il y a un moment optimal pour adopter un terme, c’est le kairos des Anciens. Si nous proposons un terme quand il n’y a aucun usage en français, nous n’avons pas de point d’ancrage et notre proposition pourrait peiner à s’imposer, mais si nous attendons trop longtemps, nous ne pouvons en général que constater les usages. C’est la difficulté avec les termes comme picorage ou valeurs à quatre sous : si le choix des équivalents est savoureux, l’usage de l’anglais était trop installé en 2012 pour qu’on puisse le déplacer aisément», expliquent Pierre-Charles Pradier et Didier Marteau. Tous deux précisent qu’ils n’avaient pas encore rejoint le Collège de terminologie de l’économie et les finances à l’époque de l’adoption de ces termes.
Changement d’approche
Ces traductions faites par leurs prédécesseurs témoignent d’une recherche littéraire dans le choix des équivalents, disent-ils. Ils concèdent que «ces termes n’étaient malheureusement pas dans l’usage au moment de leur adoption et ne sont pas sortis des dictionnaires». Les membres du Collège de terminologie de l’économie et des finances ont, depuis, changé d’approche. Ils essayent d’identifier le plus tôt possible les termes d’origine étrangère, et en cherchant à se rapprocher des professionnels dans le but d’obtenir un effet concret dans l’usage. L’un des termes ayant fait l’objet de cette réflexion est celui de finance parallèle qui se substitue à shadow banking, le terme généralement employé pour faire référence à la finance non bancaire.
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Au départ, racontent Pierre-Charles Pradier et Didier Marteau, l’expression «finance de l’ombre» a prédominé entre 2011 et 2015 mais n’apportait pas satisfaction. «Elle donnait l’impression qu’il s’agissait d’une activité clandestine voire illégale, alors que le problème de la finance parallèle est simplement qu’elle n’est pas régulée dans les mêmes termes que l’activité bancaire, même si elle présente les mêmes risques qui ont précisément justifié de surveiller de près les banques», développe le duo.
Parler de «finance parallèle» évitait les connotations obscures, indiquait la parenté entre deux systèmes financiers mais en même temps suggérait une certaine distance. En outre, l’usage du terme était attesté et a fini par s’imposer peu à peu grâce, entre autres, au travail du Collège.
Faux-amis
Ses membres ont du pain sur la planche entre la fameuse digitalisation de la finance accompagnée par sa cohorte de termes anglosaxons tels que tokenisation (traduit par «titrisation par cyberjetons») et l’essor de la finance dite verte voire climatique. Le Collège s’attache aussi à faire adopter «aussi rapidement que possible» des équivalents à certains faux-amis. A l’instar de fiscal et monetary dominance. «Dans un contexte d’arbitrage entre politique monétaire (monetary policy) et politique budgétaire (fiscal policy), fiscal dominance est traduit par ‘dominance budgétaire’, mais monetary dominance par ‘autonomie monétaire’, c’est-à-dire autonomie de la politique monétaire qui n’est pas contrainte par la politique budgétaire», arguent Pierre-Charles Pradier et Didier Marteau.
Le Collège demeure à l'écoute des demandes des professionnels de l'économie et de la finance, à travers sa boîte à idées disponible sur le site FranceTerme. Si le dispositif d’enrichissement rassemble des experts professionnels et de la langue française, il ne vit que dans le dialogue avec la nation, indiquentPierre-Charles Pradier et Didier Marteau. Les requêtes de la boîte à idées désignent souvent les termes dont l’actualité exige qu’on les traite.«Les consultations avec les journalistes, avec les professionnels ou avec les enseignants permettent d’affiner le choix des termes et d’assurer leur diffusion», concluent-ils.
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Paris - Près d’une centaine de mairies dirigées par la gauche ont hissé le drapeau palestinien au fronton de leur mairie lundi, jour choisi par Emmanuel Macron pour reconnaître officiellement l’Etat de Palestine, un pavoisement auquel s’est fermement opposé le ministre démissionnaire de l’Intérieur. Le ministère de l’Intérieur, qui avait donné instruction aux préfets de faire cesser tout pavoisement en vertu du principe de neutralité du service public, de non-ingérence dans la politique internationale de la France et du risque de «troubles graves» à l’ordre public, recensait lundi à 17H00 au moins 86 municipalités réfractaires, sur 34.875 communes. Interrogé par l’AFP, l'Élysée n’a pas souhaité faire de commentaire sur le sujet. Après Nantes, Rennes, Grigny ou Saint-Denis dans la matinée, les mairies écologistes de Besançon et Lyon ont hissé à leur tour le drapeau palestinien sur le fronton de l’hôtel de ville. «Cette reconnaissance de l’Etat palestinien n’est pas une offense faite à Israël (...). L’absence d'État est un terreau fertile pour tous les groupes terroristes, de Daech au Hamas», a estimé le maire écologiste de Lyon Grégory Doucet, cité dans un communiqué. A Tours, le pavoisement était prévu en début de soirée. «Reconnaître l'État de Palestine (...) c’est rappeler que nulle conquête territoriale par la force ne peut être légitimée et qu’aucune paix durable ne saurait naître sans justice et réciprocité», a déclaré le maire écologiste Emmanuel Denis. A Paris, une dizaine d'élus dont David Belliard, candidat écologiste à la mairie de Paris en 2026, ont déployé le drapeau palestinien depuis une fenêtre de l’hôtel de ville peu après 18H00, contre l’avis de la maire PS Anne Hidalgo. La mairie n’a pas souhaité faire de commentaire. Dimanche, l'édile socialiste avait préféré projeter les drapeaux palestinien et israélien côte à côte sur la tour Eiffel, décision qualifiée lundi de «consternante de stupidité» par le fondateur de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon. Dans la matinée, les élus de Saint-Denis, première ville de Seine-Saint-Denis, avaient convié la presse pour ériger le drapeau palestinien sur l’hôtel de ville, aux côtés des drapeaux français et européen. «Depuis des années je me bats pour l'émergence d’une solution à deux Etats comme seule solution durable pour espérer une paix au Proche-Orient», avait déclaré le maire PS Mathieu Hanotin. «Arrêtez le feu» A ses côtés, le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure, à l’origine de l’idée de pavoiser les mairies, a relevé que le drapeau palestinien «n’est pas le drapeau du Hamas». En Seine-Saint-Denis, une douzaine de communes ont érigé lundi le drapeau au triangle rouge et aux bandes horizontales noire, blanche et verte, a précisé à l’AFP le préfet du département, qui a écrit aux maires réfractaires sans pour l’instant saisir la justice. Les conseils départementaux du Lot et de la Gironde ont imité les communes, tandis que la maire écologiste de Poitiers le fera mardi. A Malakoff, la maire communiste qui avait apposé la bannière de la Palestine dès vendredi, restée depuis sur le fronton de l’Hôtel de ville malgré l’injonction du tribunal administratif de Cergy-Pontoise de le déposer, s’est vu infliger lundi une astreinte de 150 euros par jour de retard. Elle a annoncé faire appel devant le Conseil d’Etat. A Corbeil-Essonnes, ville jumelée avec Jérusalem-Est, le maire DVG Bruno Piriou avait hissé le drapeau palestinien depuis plusieurs mois et souhaitait distribuer 1.000 drapeaux palestiniens. Deux décisions suspendues par la justice administrative, de même que pour la petite ville de Montataire (Oise). De plus petites villes comme Carhaix (Finistère), Dives-sur-Mer (Calvados) ou Grabels, près de Montpellier, ont emboîté le pas aux grandes. «En mettant ce drapeau, nous disons +arrêtez le feu, arrêtez le génocide+", a déclaré à l’AFP le maire LFI de Grabels, René Revol. A Marseille, le maire DVG Benoît Payan a lui refusé de hisser le drapeau palestinien, préférant annoncer le jumelage de sa ville avec Bethléem, située en Cisjordanie occupée. Ce n’est pas la première fois que le pavoisement des mairies fait polémique. Au décès du pape François, la demande du gouvernement de mettre en berne le drapeau français avait été jugée contraire au principe de laïcité par certains maires. Selon Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay, "à chaque fois que les tribunaux ont validé les drapeaux, c'était parce qu’il y avait un mouvement national de solidarité», comme par exemple le drapeau israélien après le 7-octobre ou le drapeau ukrainien. Pour Serge Slama, professeur de droit public à l’Université de Grenoble-Alpes, «un maire ne peut pas, à travers un drapeau, exprimer une opinion politique religieuse ou philosophique». «Mais», poursuit-il, «ériger un drapeau parce que le chef de l'État reconnaît la Palestine comme État ne me semble pas manquer au devoir de neutralité, parce que c’est la position officielle de la France ce jour-là». Madeleine DE BLIC © Agence France-Presse -
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Paris - La Bourse de Paris a terminé en légère baisse lundi, dans une séance sans publication macroéconomique majeure, l’effet positif de la baisse des taux de la Réserve fédérale américaine (Fed) la semaine dernière se dissipant. L’indice vedette de la Bourse de Paris, le CAC 40, a perdu 0,30% sur la séance, soit 23,48 points, pour s'établir à 7.830,11 points. Vendredi, il avait terminé à l'équilibre (-0,01%). «Les marchés sont un peu plus en retrait et cherchent des catalyseurs pour continuer une éventuelle progression», commente Andrea Tueni, responsable de la relation clients et des activités de marchés de Saxo Banque. La semaine dernière, les indices boursiers avaient profité de la baisse des taux directeurs de la Fed d’un quart de point de pourcentage. Mais «l’effet positif que l’on pouvait avoir sur le CAC est un peu retombé» et «ne joue plus sur les actions», poursuit M. Tueni. «L'événement phare de la semaine sera la publication de l’indice préféré de la Fed pour mesurer l’inflation, l’indice PCE», vendredi, relève Neil Wilson, analyste de Saxo Markets. En Europe, ce sont les baromètres d’activité manufacturière (PMI) qui retiendront l’attention mardi. L’automobile en berne «Les constructeurs automobiles ont perdu du terrain sur la séance d’aujourd’hui» en raison d’un «effet de contagion» des mauvaises performances des actions automobiles allemandes, commente Andrea Tueni. Les titres Porsche et Volkswagen ont en effet souffert après des avertissements sur leurs bénéfices. «Les constructeurs français sont également impactés car cela peut laisser présager de mauvaises nouvelles sur le secteur en général», explique M. Tueni. Le titre Stellantis a perdu 2,64% sur la séance, à 8,23 euros, et Renault a reculé de 1,55%, à 34,82 euros. Euronext CAC40 © Agence France-Presse