L’exotisme en portefeuille vu par les gérants obligataires

Deux gérants obligataires reviennent pour «L’Agefi» sur les raisons d’investir dans des obligations émises par des Etats moins en vue sur le marché obligataire.
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En Afrique, les obligations de la Zambie et du Bénin peuvent séduire  - 

Dans les portefeuilles, elles pèsent souvent moins de 1% mais intriguent le lecteur des rapports des fonds obligataires. Appelons-les les obligations exotiques. Exotiques soit par le pays émetteur de l’obligation, soit par la nature de l’instrument. La politique joue évidemment un grand rôle dans leur sélection, les initiatives prises par un gouvernement ou les programmes de réforme, qu’ils soient soutenus ou non par le Fonds monétaire international, étant par exemple scrutés de près par les gérants obligataires. Même si la politique peut aussi diviser l’opinion publique.

«Si les clients peuvent avoir leurs préférences en matière d’obligations souveraines, nous agissons de manière discrétionnaire dans le cadre de paramètres déterminés pour un fonds ou un compte séparé. Toutes nos positions sont donc en phase avec nos opinions, pas nécessairement avec ce que pensent nos clients. Mais ils nous confient leurs fonds parce qu’ils pensent que nous avons des compétences qu’ils n’ont pas», rappelle à ce propos Rob Drijkoningen, co-responsable de l’équipe de dette émergente chez Neuberger Berman, à L’Agefi. Les opinions de la société de gestion américaine peuvent être plus tactiques ou plus stratégiques en fonction des cas, précise-t-il, ajoutant que la plupart sont basées sur des considérations stratégiques ou de crédit à plus long terme.

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Neuberger Berman est ainsi positif sur au moins quatre obligations d’Etat exotiques. A savoir la Zambie, la Mongolie, le Bénin et les Bermudes. Pour la Zambie, Rob Drijkoningen avance trois raisons. D’abord, les restructurations achevées et en cours du pays. Ensuite, une situation technique favorable, car le gouvernement zambien ne peut émettre d’euro-obligations et seul le financement concessionnel est autorisé. «Nous savons également que le positionnement des investisseurs en Zambie est faible», indique Rob Drijkoningen. Ce dernier évoque aussi le rôle d’exportateur majeur de cuivre de la Zambie et le fait que la firme soit positive sur ce métal.

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Perspectives

Les perspectives fondamentales favorables sont multiples en ce qui concerne la Mongolie, observe le gérant. Citons pêle-mêle les prévisions de croissance économique, les soldes budgétaire et extérieur boostés par les prix élevés des matières premières et les volumes d’exportation, relations équilibrées avec ses voisins chinois et russe. «Plus récemment, nous avons vu la Mongolie essayer d'étendre ses liens avec l’Occident, y compris la Corée, le Japon et, comme l’a montré l’actualité récente, les États-Unis. Le gouvernement a fait des efforts délibérés pour améliorer les relations avec le ‘troisième voisin’ afin de diversifier son économie sans irriter ses alliés traditionnels», note Rob Drijkoningen. La Mongolie a aussi toujours bénéficié d’un soutien important de la part des institutions financières internationales.

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Le Bénin, lui, a beau enregistrer des déficits extérieur et budgétaire jumeaux, «il les couvre bien grâce au financement extérieur». Les tendances à moyen terme sont positives pour Neuberger Berman, qui voit un potentiel d’amélioration des notations de crédit à moyen terme avec une amélioration «lente mais constante» des facteurs ESG. Enfin, les obligations émises par les Bermudes semblent «bon marché» par rapport au reste de l’univers investment grade latino-américain pour Rob Drijkoningen, qui insiste sur leur forte performance économique, leur stabilité et leur caractère prévisible.

«Bien qu’ayant de meilleures notations de crédit, les Bermudes se négocient avec des spreads plus larges que le Chili et l’Uruguay et parfois même que le Pérou. Dans la partie courte de la courbe, les Bermudes se négocient avec des spreads plus larges que le Mexique. Alors que ces pays sont confrontés à des incertitudes économiques et politiques, les Bermudes restent stables et s’engagent à mettre en œuvre des politiques favorables aux entreprises et des institutions solides», commente-t-il.

Variables

Carlos de Sousa, stratégiste et gérant de portefeuille obligataire marchés émergents chez Vontobel, estime que l’exposition à des instruments de marché ou à des pays relativement exotiques peut générer de l’alpha sur le moyen terme. Ces obligations, soulève-t-il, sont moins liquides, mais si elles ont une taille adéquate, peuvent être une source importante de diversification en portefeuille sans endommager de manière significative la liquidité totale du portefeuille.

Ce que lui évoquent les obligations exotiques, ce sont en premier lieu les souveraines de petits pays peu connus comme les contrées insulaires : Bahamas, Grenade, Seychelles ou encore Maldives. Il range aussi les souveraines et quasi-souveraines de pays africains hors des indices comme le Cameroun ou de petits États aux riches ressources, mais relativement sous-développés tels que la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

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L’exotisme peut aussi se cacher dans l’instrument obligataire lui-même. Pour Carlos de Sousa, les obligations exotiques incluent aussi les obligations non conventionnelles comme les obligations indexées sur le produit intérieur brut (GDP-warrants) ou les obligations state-contingent dans des pays bien connus des investisseurs. Celles-ci, selon la définition du Fonds monétaire international, lient les paiements du service de la dette d’un pays souverain et sa capacité à payer, cette dernière étant liée à des variables ou à des événements du monde réel.

«Les instruments de recouvrement de valeur (value-recovery instruments ou VRI en anglais) figurent probablement parmi les obligations les plus exotiques. Ils fournissent un flux de trésorerie variable dépendant de l'état de l'économie ou de certaines variables spécifiées, de sorte que dans certains cas, ils sont presque comme une action sur le pays et sont très complexes à modéliser. Les analystes quantitatifs sont donc importants pour les évaluer et les négocier correctement», détaille Carlos de Sousa à L’Agefi.

Ces VRI viennent généralement en compensation aux détenteurs d’obligations après une restructuration de dette. L’Ukraine et l’Argentine les ont par exemple utilisés. Toutefois, les troubles de la dette argentine ont fait ressurgir «les risques additionnels» de certaines de ces obligations VRI selon Carlos de Sousa, pour qui la liquidité demeure un point clé dans la sélection d’obligations exotiques.

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