
Tobam s’attaque au «risque tyrannie» avec une stratégie sur les droits civils et la démocratie

La tyrannie est extrêmement coûteuse en performance pour les portefeuilles actions et pour remédier à cette problématique, il faut à l’investisseur réduire sensiblement son exposition aux pays anti-démocratiques gouvernés par des régimes autocratiques. Tel est le socle de LBRTY, la nouvelle stratégie d’investissement portant sur les droits civils et la démocratie, initiée ce mercredi 13 septembre par la société de gestion indépendante Think Out of the Box Asset Management (Tobam). Une stratégie déclinée en trois fonds (actions internationales, actions internationales hors Etats-Unis et actions marchés émérgents), domiciliés au Luxembourg et catégorisés Article 9 au sens du règlement européen Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR). Celle-ci est aussi disponible via des indices correspondant à l’univers des trois fonds.
Si la stratégie aborde des éléments de nature politique, il ne faut pas y voir de politisation de l’investissement, explique Yves Choueifaty, fondateur, président et directeur des investissements de Tobam, dans un entretien à L’Agefi. «Nous ne faisons pas de politique. Ma profession de gérant d’actifs n’est pas de déterminer ce qui est bien ou mal mais de distinguer ce qui va fonctionner ou non sur le moyen-long terme afin de maximiser le couple rendement-risque des investisseurs. Sur le long terme, la démocratie, ça marche et la tyrannie, elle, détruit énormément de valeur. Faut-il confier l’argent de ses clients à l’arbitraire de gens qui se sont accaparés tous les pouvoirs ?», expose-t-il.
Le lien financier de la société de gestion aux droits humains remonte à 2009 lorsque Tobam en a fait sa cause de philanthropie. «Une cause orpheline», observe Yves Choueifaty. Celui-ci déplore le peu d’aides financières apportées aux organisations non-gouvernementales traitant du sujet comme Human Rights Watch, dont Tobam a financé l’ouverture du bureau de Kiev en 2015. «En choisissant cette cause, nous avons noué des liens avec des centres de recherche sur les droits humains. En parallèle, nous avons mené nos propres recherches, et mis en évidence un nouveau facteur de risque d’investissement que nous appelons le risque tyrannie», développe le président et directeur des investissements de la société de gestion.
Ce facteur de risque, argue-t-il, tend à rémunérer le risque de façon négative. Autrement dit, détenir en portefeuille des sociétés ayant des liens économiques significatifs avec des pays non démocratiques «détruit considérablement de la valeur» , d’où l’idée de Tobam d’exclure ces pays de son univers d’investissement et de réduire drastiquement son exposition à de telles sociétés dans LBRTY. Les recherches de Tobam ont conclu que la majeure partie de l’exposition au risque tyrannie est indirecte et que ce facteur s’avère indépendant des autres facteurs de risque.
Big data
Pour construire sa stratégie, le gestionnaire s’est appuyé sur les travaux de recherche de milliers de chercheurs de tous pays sur la corruption, les processus électoraux, le pluralisme ou encore la diversité et l’inclusivité. «Certaines données ne sont évidemment pas objectives mais le big data fait que chacune des données n’a pas besoin d’être fiable pour que nous parvenions néanmoins à produire une synthèse fiable de l’ensemble des données», indique le président de Tobam. «Sur un seul champ de recherche donné, la donnée vient de plusieurs sources, certaines sont contribuées par plus de 3.700 chercheurs qui travaillent sur ces enjeux. Nous n’analysons pas ni la presse ni les réseaux sociaux», poursuit-il.
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Tobam a ainsi défini une notation pour chaque pays du monde sur une échelle de 1 à 10. La note de 1 correspondant à la pire dictature et celle de 10 à la démocratie maximale. Les pays dont la note se situe en-dessous de 6 sur 10 sont considérés comme des régimes autocratiques. A fin décembre 2022, 12 pays dans l’indice MSCI ACWI avaient une note en-dessous de 6. L’Afghanistan avec une note de 1,78 sur 10 est la nation la moins bien classée, suivie de la Corée du Nord, du Myanmar, de la Syrie et du Yémen. Le Turkménistan, la Chine, l’Iran, la Russie et le Venezuela figurent aussi parmi les pays les moins bien notés. A l’inverse, le Danemark, la Norvège et la Finlande dominent le classement. Et la France ? Sa note actuelle est de 7,59 sur 10.
La société de gestion n’investit pas dans les pays notés en-dessous de 5,5 sur 10. «Pour les pays entre 5,5 et 6,5, nous avons formé un comité de gouvernance constitué d’experts universitaires qui détermine si l’état de la démocratie progresse ou régresse», précise Yves Choueifaty. Les experts ont ainsi recommandé les exclusions du Sri Lanka - noté 6,11 sur 10 - et de Hong Kong - noté 5,51 sur 10 - de l’univers d’investissement de la stratégie de Tobam. Cela, compte tenu de leurs analyses sur la situation locale de ces deux pays.
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Séismes géopolitiques
De cette notation pays découle le calcul d’un niveau d’exposition à la tyrannie auquel chaque action est exposée. Tobam évoque ici la volatilité partielle du titre conditionnée à la tyrannie, qui peut s’amplifier lorsque des chocs géopolitiques négatifs surviennent dans un pays donné et entraîner en conséquence une chute encore plus brutale du cours du titre concerné.
«Le portefeuille du fonds sera conçu de manière à minimiser l’exposition à ce facteur de risque tyrannie sous contrainte de tracking error. Sur la période de test rétroactif du fonds entre 2008 et 2023, nous avons repéré une dizaine de séismes géopolitiques. Le dernier en date étant l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022. Sur le premier trimestre 2022, l’indice MSCI Emerging Markets perd 8,32% quand notre indice progresse de 4,70% en achetant des actions minimisant l’exposition au risque tyrannie», pointe encore Yves Choueifaty.
Selon lui, l’invasion de l’Ukraine par la Russie est une parfaite illustration de ce risque. Il cite les estimations de l’université de Yale. Plus de 1.000 entreprises cotées en dehors de la Russie, dont Société Générale ou encore McDonald’s, ont dû cesser leurs activités en Russie, entrainant plus de 250 milliards de dollars de pertes pour ces sociétés. Autant de valeur détruite pour les portefeuilles qui détenaient ces titres.
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