
Le marché attend beaucoup de la BCE

Répondre à la crise du coronavirus revient à résoudre la quadrature du cercle pour la Banque centrale européenne (BCE). Contrairement à la Réserve fédérale américaine (Fed), ses marges de manœuvre sont limitées. Pourtant sa réponse lors de sa réunion de politique monétaire ce jeudi 12 mars est très attendue par les marchés, au risque de décevoir. «Dans un contexte extrêmement incertain quant à l’ampleur des conséquences économiques d’une pandémie, la BCE doit agir», écrit Franck Dixmier, directeur des gestions obligataires chez Allianz GI. Ce d’autant que la Fed a forcé le tempo en annonçant une première baisse de taux d’urgence, qui pourrait être suivie par de nouvelles le 18 mars.
«Les membres ont la pression»
Les marchés financiers ont par ailleurs accentué leur correction avec la chute du prix du baril de pétrole tandis que la probabilité de mesures de confinement supplémentaires en Europe pèse sur les perspectives économiques.
«Avec l’épidémie de coronavirus, la zone euro devrait approcher de la récession. Les conditions financières se sont en outre nettement resserrées. Les membres de la BCE ont la pression pour rejoindre le chorus des banques centrales ayant assoupli leurs conditions monétaires», note Sven Jari Stehn, chef économiste chez Goldman Sachs. «La chute brutale des anticipations d’inflation (‘swap’ d’inflation 5 ans dans 5 ans à 0,95% le lundi 9 mars), qui n’ont jamais été aussi basses, fournit une justification supplémentaire à agir, de même que la correction récente du dollar», ajoute Franck Dixmier.
Les investisseurs anticipent un large paquet de mesures incluant une baisse d’au moins 10 points de base (pb) du taux de la facilité de dépôt à -0,6%, une augmentation du programme de rachat d’actifs (quantitative easing, QE) de 20 milliards d’euros actuellement à 40 milliards jusqu’à la fin de l’année et une adaptation du TLTRO (target long term refinancing opertation) afin d’assurer une liquidité suffisante dans le système bancaire pour des prêts ciblés aux PME.
«Nous anticipons un paquet de mesures comprenant en premier lieu une baisse de 10 pb du taux de dépôt, car nous pensons que le Conseil des gouverneurs s’inquiète de l’appréciation de l’euro», affirme Goldman Sachs, pour qui l’augmentation du QE est la mesure la moins certaine. De fait, dans la période récente, la monnaie unique s’est réappréciée, revenant lundi 9 mars au-dessus de 1,15 dollar. Le différentiel de taux avec les Etats-Unis pèse sur l’euro de même que le débouclement massif, avec la correction des marchés, des positions de carry trade constituées par les investisseurs sur l’euro.
La baisse des taux fait débat
Mais la baisse des taux fait débat. «La coordination des politiques monétaires passe par l’acceptation d’un euro plus fort», juge toutefois Axel Botte, stratégiste chez Ostrum AM pour lequel une baisse des taux serait désastreuse pour les banques. «La priorité sera d’assurer la liquidité des banques et des entreprises pour éviter une crise de solvabilité», poursuit le stratégiste. Ce qui pourrait être facilité par l’adaptation du TLTRO. «La liste de collatéraux éligibles pourrait être étendue pour faciliter le financement à court terme des PME au travers du programme de TLTRO ou vie de nouvelles opérations», ajoute Axel Botte. «Nous privilégions plutôt une augmentation du QE, dans un contexte où, au vu de l’évolution des discussions en zone euro sur de possibles mesures de soutien budgétaire, un taux encore plus négatif parait moins urgent», souligne Franck Dixmier.
Insister sur la nécessité d’une relance budgétaire
Toutefois, faute de marge de manœuvre, la BCE ne pourra agir aussi agressivement que d’autres banques centrales et pourrait de nouveau insister sur la nécessité d’une large relance budgétaire en zone euro. Ses marges de manœuvre sont d’autant plus limitées que répondre à un choc exogène sur l’offre, avec des conséquences progressivement négatives sur la demande, est une situation inconfortable pour une banque centrale.
«Christine Lagarde n’a pas une position facile, poursuit Wolfgang Bauer, gérant chez M&G. L’inaction ou toute mesure timide pourrait entraîner une nouvelle détérioration de la stabilité des marchés qui pourrait bientôt se transformer en une véritable crise. Mais ‘tout donner’ pour stimuler l'économie et rassurer les investisseurs avant que la situation ne s’aggrave davantage, augmente le risque qu’elle n’ait plus de marge de manœuvre par la suite.» Une équation complexe.
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse