
Le régulateur français précise ses exigences à l’égard des PSAN

Karima Lachgar, avocate à la Cour, associée, Osborne Clarke
Le 31 mai dernier, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a publié une nouvelle version de sa position sur le régime des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN). Elle précise les exigences applicables, et ce à la lumière des nouvelles pratiques des acteurs du secteur, notamment en matière de finance décentralisée (DeFi).
Tout d’abord, l’AMF indique explicitement qu’il appartient aux PSAN de s’assurer que les actifs sur lesquels portent leurs services constituent des actifs numériques (au sens de l’article L. 54-10-1 du Code monétaire et financier), et ce tout au long de la fourniture des services. L’absence d’impact de la question de la fongibilité de l’actif est mise en avant. On peut ainsi penser que cette précision a été apportée compte tenu des débats existants quant aux non-fungible tokens (NFT), mais également au regard de la qualification possible d’un token inscrit en blockchain en monnaie électronique (risque clairement identifié pour un certain nombre de stablecoins dont la valeur est adossée au dollar ou à l’euro) ou en security tokens. Dans de tels cas, l’acteur devra obtenir un agrément d’établissement de monnaie électronique ou de prestataire de services d’investissement.
Par ailleurs, sur les communications réalisées par les PSAN, les critères retenus pour caractériser la fourniture de services sur le territoire français sont davantage détaillés. Une communication est considérée comme effectivement adressée par le PSAN lorsqu’elle est diffusée à son initiative ou pour son compte par un tiers. La diffusion par un tiers peut être retenue même lorsqu’elle est effectuée avec un simple accord tacite. Cette précision est importante dans les situations où des acteurs étrangers, non enregistrés en France, viennent proposer des services dans l’Hexagone par l’intermédiaire d’autres sites internet. Différents acteurs sont ainsi susceptibles d’être considérés comme fournissant des services en France de par l’existence de solutions, par exemple d’affiliation ou de promotion via des communautés.
Ensuite, l’AMF inclut de nouveaux développements relatifs aux activités de lending et de staking. Pour rappel, le lending est une opération de prêt-emprunt d’actifs numériques, incluant une obligation de restitution pour l’emprunteur. Le staking est une opération d’immobilisation d’actifs numériques, en contrepartie d’une quantité d’actifs numériques dans le but de participer à la validation de transaction (proof of stake). Ces deux activités proposées par des protocoles décentralisés ou des contreparties centralisées empruntent des mécanismes proches des stratégies d’optimisation du rendement des portefeuilles d’instruments financiers (repo, repurchase, prêt avec appel de marge). A ce titre, l’AMF indique que, selon le schéma mis en place, ces activités peuvent constituer un service sur actifs numériques et/ou un service de paiement. On peut supposer que le risque de requalification en intermédiation en biens divers (IBD) est écarté.
Dans ce contexte, en fonction de la structuration de l’offre, la fourniture de tels services peut requérir un enregistrement ou un agrément respectivement, ou même donner lieu à la fourniture de services sur actifs numériques non soumis à de tels préalables – telle la réception transmission d’ordres ou plus rarement la gestion discrétionnaire de portefeuilles individualisés, dans le cas de l’autostaking par exemple. L’AMF invite ainsi les acteurs souhaitant proposer ces activités à « mener une analyse juridique approfondie » au cas par cas et selon le niveau d’intervention du PSAN dans de telles offres.
Cette précision vient ainsi répondre à la multiplication des offres de lending et de staking. En effet, en fonction de la structuration de ces offres commerciales, différents services sur actifs numériques et services de paiement peuvent être rendus. L’accompagnement des PSAN dans le cadre de leur demande d’enregistrement, ou lors de la création de produits, permet en effet, en fonction de leurs besoins et des caractéristiques des offres, de les conseiller sur le schéma juridique le plus adapté et donc sur les éventuels enregistrements ou agréments nécessaires.
Sur le service de conservation, il est expressément indiqué que l’utilisation d’une interface de programme d’application (API) ne permet pas, en soi, d’exclure la qualification de ce service. Il est rappelé qu’une qualification au cas par cas doit être réalisée. La question en effet de la qualification du service réside dans la maîtrise de l’accès aux actifs numériques – les clés privées le plus souvent, voire certaines fonctionnalités des smart contracts de type freezing et transfer from matérialisant les pouvoirs de possession et/ou de contrôle sur les actifs numériques.
Enfin, s’agissant des PSAN agréés, leurs supports de communication doivent être rédigés « de manière claire, exacte et compréhensible aux clients français afin que ces derniers puissent prendre des décisions en toute connaissance de cause ». Les réclamations clients doivent être traitées en principe en français, et par exception, avec l’accord du client, dans une « langue usuelle en matière financière aisément compréhensible ».
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