
Les évolutions législatives réclamées par la pratique en matière de transmission d’entreprise

Le départ en retraite est le principal motif des cessions d’après l’Observatoire CRA de la transmission des TPE/PME. Les transmissions familiales représentent au moins un quart des transactions, pour des volumes allant jusqu’à 10 milliards d’euros par an. Dans ce contexte le Pacte Dutreil est un élément essentiel à la fluidité du transfert de l’outil économique entre les générations. Ce régime de faveur, instauré par la loi de Finances de 2000 et codifié à l’article 787 B du Code général des impôts (CGI) depuis la loi pour l’initiative économique du 1er août 2003, est régulièrement amendé.
A l’occasion des discussions sur le projet de loi Macron, le Sénat a adopté quatre amendements visant à assouplir les règles de ce dispositif devenu complexe mais la commission parlementaire les a supprimés du texte adopté au moyen de l’article 49.3 et renvoyé le débat à une prochaine loi de finance.
Nous développerons dans une première partie la portée des amendements supprimés avant d’évoquer dans une seconde partie, l’impact de la structuration d’un groupe sur l’efficacité du régime et les contraintes liées à la mise en œuvre d’une transmission qui dépassent le cadre du Dutreil.
Un simple assouplissement des règles de fonctionnement du dispositif qui n’a pas vu le jour
Simplification des obligations déclaratives
L’amendement 803 proposait de remplacer l’obligation déclarative annuelle par une information sur demande de l’administration. Cette formalité (1) à la charge de la société et des bénéficiaires de la transmission fait peser la menace, sur le fondement de l’article 1840 G ter du CGI, d’une déchéance du régime (la sanction n’a pas été appliquée à ce jour). Notons que le rapport Mandon (2) avait déjà avancé cette proposition.
Aménagement du principe de fixité de l’engagement en présence de sociétés interposées
L’amendement 805 visait à supprimer le dernier alinéa du b de l’article 787 B. Le maintien des participations inchangées à chaque niveau d’interposition à l’échéance de l’engagement collectif est un «nid à contentieux» d’après l’auteur de l’amendement. Ce principe de fixité est trop contraignant pour la vie sociale des groupes.
Rendre les holdings passives éligible au «réputé acquis»
L’amendement 804 prévoyait que le bénéfice de l’engagement réputé acquis soit aussi admis pour les holdings passives. Ce régime permet de réduire le dispositif de 2 ans, et de sécuriser la transmission en commençant directement par l’engagement individuel de conservation de 4 ans.
Permettre l’apport de titres pendant l’engagement collectif
L’amendement 802 avait pour objectif de permettre (à nouveau) l’apport des titres à une holding immédiatement après la donation (pendant l’engagement collectif). Dans le cas particulier ou un seul des enfants est repreneur, il peut faire supporter à la holding de reprise la charge d’une soulte afin de désintéresser les non repreneurs. Actuellement la doctrine administrative (3) sanctionne un apport après une transmission pendant l’engagement collectif, de la perte de l’exonération. Le schéma est ainsi fragilisé car le repreneur s’expose à une revalorisation de la soulte s’il doit attendre la fin de l’engagement collectif. De plus le financement peut être remis en cause si la société rencontre inopinément une détérioration de son résultat.
En présence d’un groupe, le régime de la holding conditionne l’efficacité fiscale d’une transmission et l’application d’autres régimes de faveur
L’exonération fiscale est moindre en présence d’une holding passive
En effet, la réduction est limitée aux droits correspondant à la fraction de la valeur des titres de la holding représentative des seules participations dans des sociétés ayant une activité éligible (4). Les autres actifs détenus par la holding, comme l’immobilier professionnel et mis à la disposition des filiales, n’en bénéficient pas. Cet écart d’assiette constitue une différence significative avec les sociétés opérationnelles et les holdings animatrices qui profitent de l’exonération sur l’intégralité des titres quelque soit les actifs détenus.
Une inégalité de traitement au regard des facilités de paiements.
L’article 397 A de l’annexe III au code général des impôts (CGI) prévoit que le paiement des droits de mutation sur les transmissions à titre gratuit d’entreprises peut être différé pendant cinq ans puis fractionné sur une période de dix ans. Un décret du 22 décembre 2014 a mis fin au «crédit gratuit» mais n’en a pas modifié la substance. Cette facilité constitue un formidable instrument au service de la transmission. Ses modalités d’application demeurent cependant réduites:
- les holdings passives sont exclues du texte (5).
- En cas d’apports mixtes (lorsque la holding de reprise supporte la charge d’une soulte) la déchéance du régime est prononcée «si les apports à titre onéreux représentent plus du tiers de la valeur des biens professionnels reçus à titre gratuit» (6).
Le donateur doit donc bien souvent prendre en charge les droits et envisager la cession d’une partie des titres. Des régimes d’abattement majoré sont prévus mais les conditions liées à leur utilisation sont difficilement applicables.
Le législateur et la doctrine administrative ont complexifié l’application des régimes d’abattement majoré aux groupes de sociétés.
En effet, l’abattement majoré applicable aux gains de cession de titres d’une PME de moins de dix ans est réservé aux sociétés opérationnelles et aux holdings animatrices. Le législateur impose aussi qu’en cas de cession de titres d’une société holding animatrice, les conditions d’application de l’abattement (7) soient également respectées par «chacune des sociétés dans laquelle elle détient des participations».
D’autre part, l’abattement sur les plus-values mobilières des dirigeants partant à la retraite (8) peut être appliqué à toutes les holdings, mais l’administration apporte cependant deux contraintes de taille (9):
- Tout d’abord, il ne peut y avoir qu’une société holding non animatrice entre l’actionnaire cédant et la société opérationnelle.
- Ensuite son actif brut comptable doit représenter un minimum de 90 % de titres de capital et ce de manière continue au cours des cinq années précédant la cession.
Le dispositif Dutreil transmission est, en l’état actuel des textes, optimum lorsque le groupe est organisé à partir d’une holding animatrice. Cependant les incertitudes liées aux critères de l’animation, en plus des risques liés à une remise en cause du régime de faveur, exposent le dirigeant et son conseil à des conséquences dramatiques… Le durcissement de la position de l’administration fiscale sur les critères de l’animation n’a pas été suivi par des juges de première instance (10) ce qui permet de penser qu’une évolution est en marche. Il est désormais primordial que le législateur s’intéresse à ces sujets et définisse un cadre fiscal sécurisé et efficace pour les holdings de groupe (11).
(1) Décret n°2009 - 10952 du 3 septembre 2009
(2) Rapportsur la simplification de l’environnement réglementaire et fiscal des entreprises (juillet 2013)
(3) BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10
(4) BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10-20140519
(5) Article 397 A de l’annexe III au CGI et BOI-ENR-DG-50-20-50-20150403
(6) BOI-ENR-DG-50-20-50-20150403
(7) mentionnées au 1° du B du 1 quater de l’article 150-0 D du CGI.
(8) Article 150-0 D ter du CGI
(9) BOI-RPPM-PVBMI-20-30-30-20-20150603
(10) Agefi n° 645
(11) Rapport à la FNDP «Holdings animatrices de leur groupe : proposition de clarification du statut », Philippe Neau-Leduc, Pascal Julien Saint Amand et Jean-François Desbuquois CPN2OI2, n°46, 1373.
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Meurtre de Charlie Kirk aux Etats-Unis: l'étonnant parcours de Tyler Robinson, de lycéen modèle à tueur présumé
Washington - Comment Tyler Robinson, un élève brillant au lycée, élevé dans la foi mormone par des parents républicains, a-t-il pu dériver au point de tuer l’influenceur Charlie Kirk, idole de la jeunesse pro-Trump ? La question agite Washington, petite ville de l’Utah. Le suspect de 22 ans, arrêté jeudi soir après 33 heures de traque, a grandi dans cette bourgade de l’Ouest américain bordée de canyons rougeoyants et de montagnes. La maison de ses parents est un pavillon typique de la classe moyenne américaine, logé dans une rue sinueuse aux pelouses proprettes. Dans ce quartier adossé à l'église du coin, Kris Schwiermann est sous le choc. Tyler était l’aîné de trois garçons, un enfant «calme, respectueux, plutôt réservé, mais vraiment très intelligent», raconte à l’AFP l’ex-gardienne de son école primaire, aujourd’hui à la retraite. «C'était l'élève idéal, le genre de personne que l’on aimerait avoir dans sa classe», confirme Jaida Funk, qui l’a côtoyé de la primaire au lycée, entre ses 5 et 16 ans. «J’ai toujours pensé qu’il deviendrait un jour homme d’affaires ou PDG, plutôt que ce que j’apprends à son sujet aujourd’hui», poursuit la jeune femme de 22 ans. «C’est vraiment inattendu.» A l'école, «il était réservé, mais pas bizarre, il avait des amis et parlait à différents groupes», se souvient-elle. Sorti brillamment du lycée en 2021, Tyler a brièvement étudié à l’université, avant de bifurquer vers un programme d’apprentissage en électricité dans un établissement technique près de chez lui. Parents chasseurs Ses parents, un vendeur de comptoirs de cuisine en granit et une professionnelle de santé travaillant avec des handicapés, sont Mormons comme de nombreux habitants en Utah, selon Mme Schwiermann. Mais ils ne pratiquent plus. «Cela fait huit ans que je ne les ai pas vus à l'église», reprend la retraitée de 66 ans. Épluchées par les médias américains, les photos laissées par les Robinson sur les réseaux sociaux racontent l’histoire d’une famille qui aimait voyager, camper et chassait avec ses enfants. Un apprentissage banal des armes à feu, que Tyler a apparemment recyclé de manière glaçante, en tuant Charlie Kirk d’une balle dans le cou grâce à un fusil à lunette, lors d’un rassemblement sur le campus de l’université Utah Valley, à quatre heures de route de Washington. Si ses parents sont inscrits sur les listes électorales comme républicains, le jeune homme n’a lui indiqué aucune affiliation politique. D’après les registres de l’Etat, il n’a pas voté en 2024. Mais selon le gouverneur de l’Utah, Spencer Cox, qui a divulgué certains éléments d’enquête vendredi, le jeune homme s'était «plus politisé ces dernières années». Il aurait partagé son hostilité envers Charlie Kirk, proche allié du président Donald Trump, avec un membre de sa famille, selon les autorités. Son père l’aurait convaincu de se rendre à la police. Les enquêteurs ont également retrouvé des messages à tonalité antifasciste - «Eh fasciste! Attrape ça!» et une référence au chant antifasciste italien «Bella Ciao» - sur des douilles retrouvées près de la scène de crime. De quoi l'étiqueter comme un tueur «d’extrême gauche» pour une grande partie de la droite américaine. «Passionné de bagnoles» Plutôt qu’un fervent militant, ses ex-camarades de lycée l’ont dépeint au New York Times en fan de jeux vidéos de tirs, comme «Halo» ou «Call of Duty». Tyler ne parlait pas non plus politique avec Jay, qui le fréquentait depuis janvier après avoir rejoint un groupe d’amateurs de grosses voitures. «Il était plutôt timide, c'était juste un passionné de bagnoles», souffle ce quadragénaire perplexe, refusant de donner son patronyme. «On parlait juste de notre amour pour les muscle cars , du bruit qu’elles font et de la façon dont elles roulent.» Son Dodge Challenger gris et rutilant était d’ailleurs la seule chose que les voisins de Tyler Robinson connaissaient de lui, dans le lotissement où il habitait à Saint George, à dix minutes de chez ses parents. Dans ce complexe impersonnel, les habitants rencontrés par l’AFP ne l’ont même pas reconnu lorsque le FBI a diffusé sa photo pendant la traque. Heather McKnight, sa voisine pendant plus d’un an, évoque un inconnu solitaire, à l’air renfrogné, qui conduisait trop vite à son goût. «Il était toujours distant, il ne disait jamais bonjour. (...) Il était juste bizarre», raconte l’infirmière de 50 ans. «Qui aurait pu imaginer que ce petit homme maigre qui montait et descendait de sa voiture serait capable de commettre un acte aussi odieux ?» Romain FONSEGRIVES © Agence France-Presse -
Népal: Sushila Karki, la nouvelle Première ministre, s'affiche au chevet des victimes des émeutes
Katmandou - La Première ministre du Népal Sushila Karki a réservé samedi sa première sortie aux blessés des émeutes meurtrières du début de semaine, au lendemain de sa nomination à la tête d’un gouvernement chargé d’organiser des élections en mars prochain. Dans une capitale Katmandou où la vie revient lentement à la normale, Mme Karki a visité plusieurs hôpitaux, au chevet des victimes de la répression ordonnée par son prédécesseur KP Sharma Oli, contraint à la démission. Au moins 51 personnes ont été tuées et des centaines d’autres blessés lors de ses troubles, les plus graves depuis l’abolition de la monarchie en 2008. Nommée vendredi soir après trois journées de tractations, l’ex-cheffe de la Cour suprême a entamé au pas de charge son mandat à la tête d’un gouvernement provisoire. Sitôt investie, le président Ramchandra Paudrel a ordonné la dissolution du Parlement et convoqué le 5 mars 2026 des élections législatives, une des revendications des jeunes contestataires réunis sous la bannière de la «Génération Z». L’agenda de la première femme chargée de diriger le Népal s’annonce chargé et sa mission difficile, tant sont nombreuses les revendications des jeunes qui ont mis à bas l’ancien régime. Sa nomination a été accueillie comme un soulagement par de nombreux Népalais. «Ce gouvernement provisoire est une bonne chose», s’est réjouie Durga Magar, une commerçante de 23 ans. «On ne sait pas ce qu’il va se passer à l’avenir mais on est satisfaits (...) et on espère que la situation va maintenant se calmer». «La priorité, c’est de s’attaquer à la corruption», a poursuivi la jeune femme. «On se moque de savoir si c’est la Génération Z ou des politiciens plus âgés qui s’en occupent, il faut juste que ça cesse». «Je pense que cette femme Première ministre va (...) faire avancer la bonne gouvernance», a pour sa part estimé Suraj Bhattarai, un travailleur social de 51 ans. Partie lundi de la colère suscitée par le blocage des réseaux sociaux, la fronde a débordé en révolte politique contre un gouvernement jugé corrompu et incapable de répondre à ses aspirations, notamment en matière d’emploi et de niveau de vie. Couvre-feu allégé Plus de 20% des jeunes népalais de 15 à 24 ans sont au chômage, selon les estimations de la Banque mondiale, et le produit intérieur brut (PIB) annuel par habitant frôle les 1.450 dollars. La répression meurtrière des cortèges de protestataires a précipité les événements. Mardi, les manifestants ont déferlé dans les rues de Katmandou et systématiquement incendié ou mis à sac tous les symboles du pouvoir: Parlement, bâtiments ministériels, résidences d'élus... Incarnation des élites, le Premier ministre KP Sharma Oli, 73 ans, quatre fois Premier ministre depuis 2015, n’a eu d’autre choix que de démissionner. Le chef du Parti communiste (maoïste) menait depuis 2024 une coalition avec un parti de centre gauche. Quelques heures après la prestation de serment de la nouvelle Première ministre, l’armée a allégé samedi matin le couvre-feu en vigueur dans la capitale et les autres villes du pays. A Katmandou, chars et blindés se sont faits plus discrets, les commerces et marchés ont retrouvé leurs clients et les temples leurs fidèles. Sushila Karki a travaillé samedi à la composition de son gouvernement, selon son entourage. Plusieurs ONG de défense des droits humains, dont Amnesty International ou Human Rights Watch, l’ont appelée samedi à mettre un terme à la culture de «l’impunité du passé». L’une de ses tâches immédiates sera aussi d’assurer le retour à l’ordre dans tout le pays. A commencer par remettre la main sur 12.500 détenus qui ont profité des troubles pour s'évader de leurs prisons et étaient toujours en cavale samedi. Paavan MATHEMA et Bhuvan BAGGA © Agence France-Presse -
Népal: la Génération Z en révolte après la mort de Santosh Bishwakarma
Katmandou - «Il rêvait de mourir en ayant été utile à son pays». Santosh Bishwakarma, 30 ans, a été abattu lundi par les forces de l’ordre dans une rue de Katmandou alors qu’il manifestait contre le gouvernement, et sa femme est inconsolable. Dans sa petite maison de la capitale népalaise encombrée de ses proches venus partager son deuil, Amika Bishwakarma, 30 ans elle aussi, peine à évoquer le souvenir de son mari. «Il avait l’habitude de dire qu’il ne voulait pas mourir comme un chien», lâche-t-elle entre deux sanglots. «Il voulait que le Népal soit reconnu dans le monde, et ne pas mourir avant d’y avoir contribué. Je crois qu’il a réussi». Santosh avait rejoint lundi le cortège de ces jeunes réunis sous la bannière de la «Génération Z» qui dénonçaient le blocage des réseaux sociaux et la corruption des élites du pays. Il est tombé lorsque la police, débordée, a ouvert le feu sur les manifestants. Une vingtaine d’entre eux ont été tués, des centaines d’autres blessés. La répression a nourri la colère de cette «Gen Z», qui est revenue le lendemain dans les rues de la capitale et a incendié ou mis à sac tous les symboles du pouvoir: parlement, bureaux ministériels, tribunaux, jusqu’aux résidences de plusieurs dirigeants. Le Premier ministre KP Sharma Oli n’a eu d’autre choix que de démissionner. Respectée pour son indépendance, l’ex-cheffe de la Cour suprême Sushila Kari, 73 ans, a été nommée vendredi soir à la tête d’un gouvernement provisoire chargé de conduire le pays jusqu'à des élections prévues dans six mois. Son entrée en fonction semble satisfaire de nombreux Népalais mais pas Amika Bishwakarma, désormais toute seule pour élever son fils Ujwal, 10 ans, et sa fille Sonia, 7 ans. «Un peu de justice» «Mon mari aurait tout fait pour leur permettre de réaliser leurs rêves, même au prix de sa vie», assure-t-elle. «Mais comment je vais pouvoir y arriver seule maintenant ? Il a sacrifié sa vie pour le pays, j’espère que le gouvernement va m’aider». Quand il a appris la mort de Santosh, son ami Solan Rai, 42 ans, a accouru au chevet de sa veuve. Après les violences de la semaine, il veut croire à des jours meilleurs pour son pays. «je n’avais jamais vu pareille colère», note-t-il, «j’espère que cette fois, ça va enfin changer». D’autres veulent croire que la mort de leurs proches ne sera pas vaine. Ce vendredi, ils étaient des centaines à se presser dans le temple de Pashupatinath, à Katmandou, pour assister à la crémation d’un fils, d’un frère ou d’un ami tué cette semaine. «J’espère que de tout ça sortira une forme de justice, que notre peuple obtiendra enfin les changements qu’il cherche désespérément depuis si longtemps», espère Ratna Maharjan en pleurant son fils, tué d’une balle tirée par un policier. Sur les marches du temple, au bord du fleuve Bagmati, une femme vêtue de rouge s’accroche désespérément à la dépouille de son fils, qu’elle refuse de voir partir en cendres. Un peu à l'écart, des policiers déposent des gerbes de fleurs sur le cercueil d’un de leurs collègues, mort lui aussi pendant les émeutes. La police a fait état de 3 morts dans ses rangs. Avant de retourner au silence de son deuil, Amika Bishwakarma fait un dernier vœu, plus politique. «On ne demande pas la lune», glisse-t-elle d’une petite voix. «On veut juste un peu plus d'égalité, que les riches ne prospèrent pas pendant que les pauvres continuent à dépérir». Bhuvan BAGGA et Glenda KWEK © Agence France-Presse