CNR Logement : «Le neuf ne passe plus uniquement par la construction »

Co-rapporteuse du groupe de travail «Réconcilier la France avec l’acte de bâtir», Catherine Sabbah revient sur les propositions issues du rapport, remis au ministre du Logement.
Gaetan Pierret
cs-2.jpg

Le groupe de travail «Réconcilier la France avec l’acte de bâtir» a remis ses 19 propositions au ministre du Logement Olivier Klein début avril. Ses deux co-rapporteurs,Catherine Sabbah, déléguée générale de l’Institut de recherche et de formation (IDHEAL), think tank de réflexion sur les questions du logement et l’ancien député La République en marche (LREM) Mickaël Nogal, ont orienté le rapport final sur «la production de logements nouveaux».

Catherine Sabbah revient sur les raisons de ce choix et sur certaines idées issues des réflexions de son groupe.

En introduction de votre rapport, vous relevez l’opposition entre «l’acte de bâtir» et les objectifs de transition écologique. D’où le changement de focus ?

Et d’intitulé. Le logement nouveau plutôt que neuf ne passe plus uniquement par la construction. Il faut désormais intégrer la transformation d’usage et la remise sur le marché de logements vides ou trop obsolètes pour être utilisés en l’état. On peut créer des logements neufs à partir de bâtiments qui avaient un autre usage, cela s’est fait à toutes les époques. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il ne faut plus du tout construire de neuf. La rénovation et la transformation d’usage risquent de ne pas suffire à satisfaire entièrement aux besoins de logement. Bien sûr il y a des logements vides, mais souvent parce qu’ils sont situés dans des endroits où personne ne veut vivre. S’imaginer qu’ils vont tout à coup devenir attractifs, c’est se leurrer.

Vous proposez un encadrement des prix du foncier. L’opposition des propriétaires ne risque-t-elle pas d’être grande ?

Ce serait mentir d’affirmer que cette proposition fait consensus. Mais ce qui est intéressant, c’est qu’elle ne semble plus ni incongrue, ni taboue. Certains dispositifs comme le bail réel solidaire font des terrains un bien commun qui n’est et ne sera plus vendu et sort ainsi du marché spéculatif. L’objectif d’une régulation, par l’encadrement des prix ou la fiscalité est d’éviter une hausse inconsidérée des prix, voire de les faire baisser alors qu’ils montent depuis vingt ans. Notre proposition rencontre un avis favorable de la part d’élus et d’aménageurs qui considèrent qu’elle peut être bénéfique pour le marché.

, A lire aussi ICNR Logement: 19 propositions pour produire plus de logements ,

Vous soulignez un rejet croissant de la densité urbaine par tous les de nombreux acteurs. Pour autant, vous proposez d’imposer une densité minimale aux projets de construction dans les zones tendues. N’est-ce pas contradictoire ?

L’opposition à la densité ne fait pas disparaitre le besoin de logements. Il faut prendre en compte les préoccupations des riverains (rejet d’un immeuble en face de chez soi, peur des nouveaux habitants, peur du cout des nouveaux équipements, et aussi… égoïsmes), mais à un moment, il faut bien construire de nouvelles habitations. D’autant que les communes sont restreintes par l’impossibilité de s’étaler. Une densité minimum nous semble donc un juste compromis. Surtout et c’est une autre de nos propositions, si les documents d’urbanisme sont coconstruits et si tout le monde sait à quoi s’attendre avec un projet de territoire clair et surtout compréhensible pour les 10 à 15 prochaines années.

Pour éviter de construire neuf, ne faut-il pas aussi davantage remobiliser les logements sortis du parc privé locatif, au profit, bien souvent, de la location saisonnière?

Bien sûr, et nous entendons tous les protestations des habitants des communes touristiques qui ne peuvent plus suivre les envolées des prix et la transformation des logements classiques en résidences. Le droit d’occuper un logement passe avant celui d’en possèder plusieurs, il faut donc s’assurer, avant d’accueillir les investisseurs que les résidents puissent rester là où ils vivent. Cela passe par des réglementations qui sont difficiles à mettre en œuvre. Dans certains endroits, la construction de logements neufs entraine l’abandon de logements anciens qui se transforment parfois en résidence secondaire. Cela pose la question des besoins et la manière d’y répondre, quels logements faut-il, pour qui et où… La réponse n’est pas non plus unanime sur ce sujet.

Vous écartez l’idée du statut de «bailleur privé», tel que suggéré par plusieurs organisations professionnelles. Que faudrait-il y intégrer pour le rendre pertinent?

De la simplicité. L’idée de faire du bailleur privé un acteur économique qui gèrerait son bien comme une petite entreprise n’est pas mauvaise, surtout si elle permet d’aplanir le fouillis fiscal et de réunir la vingtaine de de dispositifs en un seul. Mais ce statut n’est pas aussi simple qu’il y parait et demande une maîtrise financière qui n’est pas forcément à la portée de tous. Notre crainte -et nous l’indiquons dans ce rapport- est que la professionnalisation des les bailleurs, (ce qui est d’ailleurs le but de ce projet), favorise la concentration de la propriété. Il nous semble aussi que ce statut doit avoir des contreparties: le respect de norme environnementales et des loyers plafonnés.

Un évènement L’AGEFI

Plus d'articles du même thème

Contenu de nos partenaires

A lire sur ...