
Les investisseurs divergent sur le sens à donner à l’action des banques centrales

À la hausse comme à la baisse, certaines explications surviennent de plus en plus a postériori pour justifier des évolutions parfois décorrélées de la sphère réelle. Ainsi, ce ne sont plus les fondamentaux et les perspectives macroéconomiques qui guident les investisseurs depuis plusieurs mois, mais les changements de cap des politiques monétaires. De fait, aucun événement clé des marchés ne peut expliquer ce mouvement haussier de début d’année, tout comme d’ailleurs la forte baisse de 2018, sinon le revirement complet des banques centrales. Le momentum des résultats s’est même légèrement dégradé, avec des perspectives de hausse des bénéfices en Europe revenues en-dessous de 7% par exemple. Quant au contexte géopolitique, il continue de souffler le chaud et le froid.
Le seul événement majeur de l’actualité des marchés en début d’année est le retour des grandes banques centrales à des politiques monétaires (très) accommodantes. La Réserve fédérale a donné le ton dès décembre, en s’interrogeant sur le rythme de hausse de ses taux à adopter en 2019, face aux incertitudes liées à la guerre économique entre Etats-Unis et Chine. Le président de la Fed, Jerome Powell, n’a cessé depuis de rassurer les investisseurs en mettant en avant la flexibilité de sa politique monétaire. Loin de « capituler » devant les exigences de Donald Trump, la banque centrale américaine a surtout pris acte de l’instabilité économique créée pour une large part par le président américain, notamment en lançant son épreuve de force commerciale vis-à-vis de la Chine. Non seulement la Fed a renoncé à ses hausses de taux, mais elle a également mis entre parenthèses sa politique de réduction de bilan de 50 milliards de dollars par mois. De son côté, la Banque centrale européenne a emboité le pas en ce mois de Mars, en reportant officiellement de six mois, à 2020 (au plus tôt), une éventuelle remontée de ses taux. Là aussi, les craintes de ralentissement de la croissance en zone euro, avec une prévision ramenée à 1% en 2019, sont liées aux risques d’une guerre commerciale ou d’un Brexit chaotique. Mario Draghi a même été plus loin en décidant de relancer son programme de refinancement à long terme des banques… près de dix ans après le pic de la crise financière.
Ces décisions spectaculaires ont incontestablement rassuré les investisseurs sur le court terme, mais elles s’avèrent plus problématiques sur le long terme, en n’apportant pas un cadre d’analyse définitif. L’étude des flux sur les marchés souligne en effet des divergences d’interprétation du revirement des banques centrales selon la nature des investisseurs. Quatre faits méritent ainsi d’être soulignés.
· La hausse des indices boursiers ne s’est pas accompagnée d’une augmentation des volumes de transactions. Cette euphorie boursière se traduit même par un niveau des échanges historiquement faible.
· Les flux de sorties des gestions « fondamentales » sur les actions se sont maintenus, malgré la hausse des marchés. Ils se sont même accélérés aux États-Unis.
· Notre activité de sélectionneur de fonds en architecture ouverte nous apprend, à partir des analyses quantitatives et des entretiens avec les gérants des fonds sélectionnés, que le niveau des liquidités des portefeuilles atteint des niveaux record au sein des gestions collectives traditionnelles. En clair, les gérants ont vendu au moment de la panique de fin d’année, sans amorcer de réel retour sur les actions. Ce sous-investissement constitue d’ailleurs un élément de soutien pour les marchés et explique pourquoi nous n’avons pas couvert davantage nos positions dans la remontée des indices, en passant sous exposés sur les actions.
· Enfin, les remontées d’informations de nos courtiers actions indiquent clairement que les acheteurs ont été les fonds dits « global macro » qui n’ont pas reçu de nouveaux flux de souscription, mais qui se sont repositionnés sur les actifs risqués, en arbitrant leur portefeuille en faveur d’une plus grande exposition action, dès l’anticipation d’un statu quo durable sur les taux.
Comment dès lors interpréter ces éléments apparemment contre-intuitifs dans une phase haussière qui succède à un mini krach ? Le revirement des politiques monétaires conduit à deux types d’interprétation et de positionnement, suivant la logique de la durée dans laquelle les investisseurs se situent.
- Les gérants « global macro » appréhendent, dans une optique de court terme, l’avantage d’un environnement macroéconomique inchangé avec le maintien de taux bas. L’inflexion des politiques monétaires permet de redresser les valorisations des actions, en particulier les valeurs de croissance, et favorise les opérations de fusions & acquisitions ou de rachats de titres. Cette détente sur les taux profite d’ailleurs à l’ensemble des actifs risqués, comme la dette d’entreprise.
- Les gérants plus fondamentaux auraient préféré quant à eux la poursuite de la phase de normalisation des politiques monétaires initiée depuis plusieurs trimestres, afin de pouvoir repartir, après cette période de transition, sur des bases plus solides et avec des marges de manœuvre reconstituées en matière de politique monétaire. Contrairement aux décisions initiales des banques centrales qui avaient suivi la crise de 2008, ce revirement de leur part ces derniers mois, Fed en tête, sème le doute dans l’esprit des investisseurs. Par ailleurs, le marché ne dispose plus à ce stade des mêmes garde-fous que durant la période 2009-2017, avec des valorisations attrayantes, une croissance en hausse régulière en partant d’une base de comparaison favorable, et une trajectoire claire des politiques monétaires. De nombreux éléments pourraient de plus inciter les banques centrales à changer à nouveau leur position sur les taux, comme un premier accord commercial sino-américain jugé satisfaisant, une poursuite de la hausse des salaires aux États-Unis ou une montée du prix des matières premières. Le scénario est donc devenu plus binaire, centré principalement sur la poursuite ou non du statuo quo monétaire, avec comme conséquence ces tendances unilatérales sur les marchés des actifs risqués, sans phase de consolidation.
Alors que nous avions débuté l’année surexposés sur les actions et avant de repasser à la neutralité, nous avons suspendu des ajustements plus conséquents, du fait de l’analyse des flux et du sous-investissement des fonds actions que nous venons de décrire. A cette analyse des flux, vient s’ajouter le fait que les tendances baissières nées de la chute du quatrième trimestre commencent également à être challengées face à la puissance de ce rebond et incitent de nouveaux intervenants à entrer sur les marchés. Il manque cependant à ce stade des catalyseurs pour conforter l’idée d’une reprise de la croissance ou d’une revalorisation des actions. En effet, le marché ne peut jouer à la fois une crise géopolitique susceptible d’amputer la croissance à venir - et nécessitant un statuo quo définitif des banques centrales -, et un accord entre Etats-Unis et Chine, sans que cela ne vienne remettre en cause la prudence définitive de la Fed. C’est pourquoi les niveaux les plus hauts de 2018 vers lesquels se dirigent les marchés constituent bien des zones de résistance où nous procèderons à des ajustements complémentaires, que nous avons placé sous surveillance depuis plusieurs semaines, afin de passer sous pondérés sur les actifs risqués.
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Meurtre de Charlie Kirk aux Etats-Unis: l'étonnant parcours de Tyler Robinson, de lycéen modèle à tueur présumé
Washington - Comment Tyler Robinson, un élève brillant au lycée, élevé dans la foi mormone par des parents républicains, a-t-il pu dériver au point de tuer l’influenceur Charlie Kirk, idole de la jeunesse pro-Trump ? La question agite Washington, petite ville de l’Utah. Le suspect de 22 ans, arrêté jeudi soir après 33 heures de traque, a grandi dans cette bourgade de l’Ouest américain bordée de canyons rougeoyants et de montagnes. La maison de ses parents est un pavillon typique de la classe moyenne américaine, logé dans une rue sinueuse aux pelouses proprettes. Dans ce quartier adossé à l'église du coin, Kris Schwiermann est sous le choc. Tyler était l’aîné de trois garçons, un enfant «calme, respectueux, plutôt réservé, mais vraiment très intelligent», raconte à l’AFP l’ex-gardienne de son école primaire, aujourd’hui à la retraite. «C'était l'élève idéal, le genre de personne que l’on aimerait avoir dans sa classe», confirme Jaida Funk, qui l’a côtoyé de la primaire au lycée, entre ses 5 et 16 ans. «J’ai toujours pensé qu’il deviendrait un jour homme d’affaires ou PDG, plutôt que ce que j’apprends à son sujet aujourd’hui», poursuit la jeune femme de 22 ans. «C’est vraiment inattendu.» A l'école, «il était réservé, mais pas bizarre, il avait des amis et parlait à différents groupes», se souvient-elle. Sorti brillamment du lycée en 2021, Tyler a brièvement étudié à l’université, avant de bifurquer vers un programme d’apprentissage en électricité dans un établissement technique près de chez lui. Parents chasseurs Ses parents, un vendeur de comptoirs de cuisine en granit et une professionnelle de santé travaillant avec des handicapés, sont Mormons comme de nombreux habitants en Utah, selon Mme Schwiermann. Mais ils ne pratiquent plus. «Cela fait huit ans que je ne les ai pas vus à l'église», reprend la retraitée de 66 ans. Épluchées par les médias américains, les photos laissées par les Robinson sur les réseaux sociaux racontent l’histoire d’une famille qui aimait voyager, camper et chassait avec ses enfants. Un apprentissage banal des armes à feu, que Tyler a apparemment recyclé de manière glaçante, en tuant Charlie Kirk d’une balle dans le cou grâce à un fusil à lunette, lors d’un rassemblement sur le campus de l’université Utah Valley, à quatre heures de route de Washington. Si ses parents sont inscrits sur les listes électorales comme républicains, le jeune homme n’a lui indiqué aucune affiliation politique. D’après les registres de l’Etat, il n’a pas voté en 2024. Mais selon le gouverneur de l’Utah, Spencer Cox, qui a divulgué certains éléments d’enquête vendredi, le jeune homme s'était «plus politisé ces dernières années». Il aurait partagé son hostilité envers Charlie Kirk, proche allié du président Donald Trump, avec un membre de sa famille, selon les autorités. Son père l’aurait convaincu de se rendre à la police. Les enquêteurs ont également retrouvé des messages à tonalité antifasciste - «Eh fasciste! Attrape ça!» et une référence au chant antifasciste italien «Bella Ciao» - sur des douilles retrouvées près de la scène de crime. De quoi l'étiqueter comme un tueur «d’extrême gauche» pour une grande partie de la droite américaine. «Passionné de bagnoles» Plutôt qu’un fervent militant, ses ex-camarades de lycée l’ont dépeint au New York Times en fan de jeux vidéos de tirs, comme «Halo» ou «Call of Duty». Tyler ne parlait pas non plus politique avec Jay, qui le fréquentait depuis janvier après avoir rejoint un groupe d’amateurs de grosses voitures. «Il était plutôt timide, c'était juste un passionné de bagnoles», souffle ce quadragénaire perplexe, refusant de donner son patronyme. «On parlait juste de notre amour pour les muscle cars , du bruit qu’elles font et de la façon dont elles roulent.» Son Dodge Challenger gris et rutilant était d’ailleurs la seule chose que les voisins de Tyler Robinson connaissaient de lui, dans le lotissement où il habitait à Saint George, à dix minutes de chez ses parents. Dans ce complexe impersonnel, les habitants rencontrés par l’AFP ne l’ont même pas reconnu lorsque le FBI a diffusé sa photo pendant la traque. Heather McKnight, sa voisine pendant plus d’un an, évoque un inconnu solitaire, à l’air renfrogné, qui conduisait trop vite à son goût. «Il était toujours distant, il ne disait jamais bonjour. (...) Il était juste bizarre», raconte l’infirmière de 50 ans. «Qui aurait pu imaginer que ce petit homme maigre qui montait et descendait de sa voiture serait capable de commettre un acte aussi odieux ?» Romain FONSEGRIVES © Agence France-Presse -
Népal: Sushila Karki, la nouvelle Première ministre, s'affiche au chevet des victimes des émeutes
Katmandou - La Première ministre du Népal Sushila Karki a réservé samedi sa première sortie aux blessés des émeutes meurtrières du début de semaine, au lendemain de sa nomination à la tête d’un gouvernement chargé d’organiser des élections en mars prochain. Dans une capitale Katmandou où la vie revient lentement à la normale, Mme Karki a visité plusieurs hôpitaux, au chevet des victimes de la répression ordonnée par son prédécesseur KP Sharma Oli, contraint à la démission. Au moins 51 personnes ont été tuées et des centaines d’autres blessés lors de ses troubles, les plus graves depuis l’abolition de la monarchie en 2008. Nommée vendredi soir après trois journées de tractations, l’ex-cheffe de la Cour suprême a entamé au pas de charge son mandat à la tête d’un gouvernement provisoire. Sitôt investie, le président Ramchandra Paudrel a ordonné la dissolution du Parlement et convoqué le 5 mars 2026 des élections législatives, une des revendications des jeunes contestataires réunis sous la bannière de la «Génération Z». L’agenda de la première femme chargée de diriger le Népal s’annonce chargé et sa mission difficile, tant sont nombreuses les revendications des jeunes qui ont mis à bas l’ancien régime. Sa nomination a été accueillie comme un soulagement par de nombreux Népalais. «Ce gouvernement provisoire est une bonne chose», s’est réjouie Durga Magar, une commerçante de 23 ans. «On ne sait pas ce qu’il va se passer à l’avenir mais on est satisfaits (...) et on espère que la situation va maintenant se calmer». «La priorité, c’est de s’attaquer à la corruption», a poursuivi la jeune femme. «On se moque de savoir si c’est la Génération Z ou des politiciens plus âgés qui s’en occupent, il faut juste que ça cesse». «Je pense que cette femme Première ministre va (...) faire avancer la bonne gouvernance», a pour sa part estimé Suraj Bhattarai, un travailleur social de 51 ans. Partie lundi de la colère suscitée par le blocage des réseaux sociaux, la fronde a débordé en révolte politique contre un gouvernement jugé corrompu et incapable de répondre à ses aspirations, notamment en matière d’emploi et de niveau de vie. Couvre-feu allégé Plus de 20% des jeunes népalais de 15 à 24 ans sont au chômage, selon les estimations de la Banque mondiale, et le produit intérieur brut (PIB) annuel par habitant frôle les 1.450 dollars. La répression meurtrière des cortèges de protestataires a précipité les événements. Mardi, les manifestants ont déferlé dans les rues de Katmandou et systématiquement incendié ou mis à sac tous les symboles du pouvoir: Parlement, bâtiments ministériels, résidences d'élus... Incarnation des élites, le Premier ministre KP Sharma Oli, 73 ans, quatre fois Premier ministre depuis 2015, n’a eu d’autre choix que de démissionner. Le chef du Parti communiste (maoïste) menait depuis 2024 une coalition avec un parti de centre gauche. Quelques heures après la prestation de serment de la nouvelle Première ministre, l’armée a allégé samedi matin le couvre-feu en vigueur dans la capitale et les autres villes du pays. A Katmandou, chars et blindés se sont faits plus discrets, les commerces et marchés ont retrouvé leurs clients et les temples leurs fidèles. Sushila Karki a travaillé samedi à la composition de son gouvernement, selon son entourage. Plusieurs ONG de défense des droits humains, dont Amnesty International ou Human Rights Watch, l’ont appelée samedi à mettre un terme à la culture de «l’impunité du passé». L’une de ses tâches immédiates sera aussi d’assurer le retour à l’ordre dans tout le pays. A commencer par remettre la main sur 12.500 détenus qui ont profité des troubles pour s'évader de leurs prisons et étaient toujours en cavale samedi. Paavan MATHEMA et Bhuvan BAGGA © Agence France-Presse -
Népal: la Génération Z en révolte après la mort de Santosh Bishwakarma
Katmandou - «Il rêvait de mourir en ayant été utile à son pays». Santosh Bishwakarma, 30 ans, a été abattu lundi par les forces de l’ordre dans une rue de Katmandou alors qu’il manifestait contre le gouvernement, et sa femme est inconsolable. Dans sa petite maison de la capitale népalaise encombrée de ses proches venus partager son deuil, Amika Bishwakarma, 30 ans elle aussi, peine à évoquer le souvenir de son mari. «Il avait l’habitude de dire qu’il ne voulait pas mourir comme un chien», lâche-t-elle entre deux sanglots. «Il voulait que le Népal soit reconnu dans le monde, et ne pas mourir avant d’y avoir contribué. Je crois qu’il a réussi». Santosh avait rejoint lundi le cortège de ces jeunes réunis sous la bannière de la «Génération Z» qui dénonçaient le blocage des réseaux sociaux et la corruption des élites du pays. Il est tombé lorsque la police, débordée, a ouvert le feu sur les manifestants. Une vingtaine d’entre eux ont été tués, des centaines d’autres blessés. La répression a nourri la colère de cette «Gen Z», qui est revenue le lendemain dans les rues de la capitale et a incendié ou mis à sac tous les symboles du pouvoir: parlement, bureaux ministériels, tribunaux, jusqu’aux résidences de plusieurs dirigeants. Le Premier ministre KP Sharma Oli n’a eu d’autre choix que de démissionner. Respectée pour son indépendance, l’ex-cheffe de la Cour suprême Sushila Kari, 73 ans, a été nommée vendredi soir à la tête d’un gouvernement provisoire chargé de conduire le pays jusqu'à des élections prévues dans six mois. Son entrée en fonction semble satisfaire de nombreux Népalais mais pas Amika Bishwakarma, désormais toute seule pour élever son fils Ujwal, 10 ans, et sa fille Sonia, 7 ans. «Un peu de justice» «Mon mari aurait tout fait pour leur permettre de réaliser leurs rêves, même au prix de sa vie», assure-t-elle. «Mais comment je vais pouvoir y arriver seule maintenant ? Il a sacrifié sa vie pour le pays, j’espère que le gouvernement va m’aider». Quand il a appris la mort de Santosh, son ami Solan Rai, 42 ans, a accouru au chevet de sa veuve. Après les violences de la semaine, il veut croire à des jours meilleurs pour son pays. «je n’avais jamais vu pareille colère», note-t-il, «j’espère que cette fois, ça va enfin changer». D’autres veulent croire que la mort de leurs proches ne sera pas vaine. Ce vendredi, ils étaient des centaines à se presser dans le temple de Pashupatinath, à Katmandou, pour assister à la crémation d’un fils, d’un frère ou d’un ami tué cette semaine. «J’espère que de tout ça sortira une forme de justice, que notre peuple obtiendra enfin les changements qu’il cherche désespérément depuis si longtemps», espère Ratna Maharjan en pleurant son fils, tué d’une balle tirée par un policier. Sur les marches du temple, au bord du fleuve Bagmati, une femme vêtue de rouge s’accroche désespérément à la dépouille de son fils, qu’elle refuse de voir partir en cendres. Un peu à l'écart, des policiers déposent des gerbes de fleurs sur le cercueil d’un de leurs collègues, mort lui aussi pendant les émeutes. La police a fait état de 3 morts dans ses rangs. Avant de retourner au silence de son deuil, Amika Bishwakarma fait un dernier vœu, plus politique. «On ne demande pas la lune», glisse-t-elle d’une petite voix. «On veut juste un peu plus d'égalité, que les riches ne prospèrent pas pendant que les pauvres continuent à dépérir». Bhuvan BAGGA et Glenda KWEK © Agence France-Presse