
Fintechs, le retour sur terre

Après des années d’euphorie, l’ambiance est beaucoup plus calme et select. Le Paris Fintech Forum se tient à Paris le 30 et le 31 mai dans les locaux de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, avenue de Friedland, et non plus au palais Brongniart, lieu emblématique de la finance française. Plus feutrée, l’atmosphère électrique des précédentes éditions a laissé place à un format «Leaders Summit», accueillant une centaine d’intervenants triés sur le volet. Terminés, les dizaines de mini-stands aux couleurs des fintechs venues du monde entier pour se faire connaître. Les flux d’argent frais se sont taris, la fintech s’est assagie, tout le monde rentre dans le rang.
Cela se traduit dans le ton et les propos des porte-drapeaux de la fintech française et internationale. Sur les nouveaux modèles bancaires, par exemple, force est de constater qu’aucun n’a réellement émergé. «Il n’y a pas de révolution, a insisté Petr Baron, le CEO de TBI, une néobanque bulgare. C’est le même business, car on aura toujours besoin de crédits et d’épargne.» La nouveauté réside tout de même dans le modèle du banking as as service, qui permet à de jeunes pousses ou à de grandes entreprises de constituer leur propre offre bancaire en utilisant les infrastructures d’établissements régulés, comme l’a souligné Adrien Touati, le CEO de Manager.one, une banque digitale française. Finalement, l’évidence revient en force : l’important pour réussir, quel que soit son modèle, reste de se concentrer sur le client et sur les interfaces qu’on lui propose.
Le temps de la conformité
A la table ronde consacrée à la possibilité de construire une vraie fintech internationale, les spécialistes des paiements, comme Modifi (paiements internationaux), Satispay (buy now pay later) ou Viva Wallet (émetteur de monnaie électronique), étaient les plus à même d’expliquer comment gérer la croissance dans l’Union européenne, et peut-être au-delà. Alexandre Prot, le CEO de Qonto, a parlé de l’acquisition de Penta en Allemagne, un mode de croissance qui nécessite aussi des efforts d’intégration. C’est Haris Karonis, le CEO de Viva Wallet, qui a soulevé le sujet essentiel : «Le temps de la conformité est venu, c’est ce sur quoi doivent se concentrer les entreprises qui veulent croître et rester.» Même si l’Europe est encore loin de l’harmonisation des règles, en dépit des apparences. Autrement dit, grandir en Europe nécessite déjà de gros efforts de conformité dans chaque pays, même en ayant obtenu un agrément «passeportable» dans toute l’Union.
Et même sur le sujet des cryptoactifs et de la blockchain, pourtant toujours en effervescence, la raison est de retour : «J’ai eu l’impression pendant des années d’être la méchante fille, a souligné Valérie Fasquelle, directrice générale adjointe des systèmes d’information de la Banque de France. Je suis heureuse d’entendre que la réglementation est désormais considérée comme un moyen de promouvoir l’innovation et la sécurité. Si le règlement MiCA [Markets in cryptoassets] reste à compléter, de même que l’encadrement des Big Tech, notre rôle n’est pas de réglementer la technologie, mais d’évaluer les risques qu’elle peut générer.» La Banque de France travaille d’ailleurs sur toutes les nouvelles technologies, souvent en avance de phase.
Le temps de s’imposer
Enfin, le panel sur le jeu d’échecs opposant banques et fintechs d’un côté et Big Tech de l’autre a montré l’évidence : les Big Tech s’imposent partout sans respecter les règles du jeu de la concurrence, en attendant qu’une éventuelle législation parvienne à les dompter. Il faudra sans doute aussi une volonté politique forte pour y parvenir. Le lancement prochain d’EPI (European Payment Initiative) sur la base du virement de compte à compte devrait être une alternative à la domination américaine dans les paiements internationaux. Martina Weimert, sa CEO, s’est montrée réaliste : «Bien sûr que le virement instantané de compte à compte va monter en puissance, mais nous devons reconnaître que cela prendra du temps, sans doute une dizaine d’années… ApplePay en est la preuve !» Le dispositif de paiement d’Apple, lancé en 2014, n’a pas eu la trajectoire attendue, mais il progresse à son rythme et produit désormais la majorité des paiements mobiles en France. Même avec beaucoup de moyens, réussir dans la fintech est loin d’être simple.
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Mistral s'affirme comme leader européen de l'IA avec l'entrée d'ASML et une importante levée de fond
Paris - La start-up française d’intelligence artificielle (IA) Mistral conforte sa place de champion européen de l’intelligence artificielle après une importante levée de fond et l’entrée au capital du géant néerlandais des technologies ASML, qui lui permet de «réaffirmer son indépendance» vis-à-vis des mastodontes américains et chinois. Mistral a levé 1,7 milliard d’euros, l’une des plus importantes levées de fonds pour une jeune pousse française, et double ainsi quasiment sa valorisation à 11,7 milliards d’euros, à l’heure où la question de la souveraineté technologique de l’Europe est devenue cruciale. L’alliance entre les deux entreprises «a pour objectif de générer une forte plus-value pour les clients d’ASML grâce à des produits et solutions innovants dopés à l’IA et offrira des pistes de recherche commune», a commenté le patron d’ASML, Christophe Fouquet, cité dans le communiqué diffusé mardi par Mistral. Le fabricant néerlandais de machines de pointe pour le secteur des semi-conducteurs détiendra au terme de l’opération autour de 11% du capital de Mistral, selon une source proche du dossier, ce qui en fera le premier actionnaire de la start-up après chacun des fondateurs, qui contrôlent encore majoritairement la société. ASML obtiendrait par ailleurs un siège au conseil d’administration, d’après plusieurs médias, une information qui n’a pas été confirmée par les deux entités. Echelle européenne «On ne peut pas lutter sur ce secteur-là en étant franco-français», analyse auprès de l’AFP Jean-Baptiste Bouzige, fondateur d’Ekimetrics, société spécialisée dans l’IA et les données. «L'échelle qui est pertinente, c’est l’Europe», ajoute-t-il. Le géant américain des puces Nvidia, les fonds Index Ventures, Andreessen Horowitz ou encore Bpifrance ont aussi participé à ce tour de table. Lancé en juin 2023 par Arthur Mensch, polytechnicien et normalien, avec deux autres Français anciens chercheurs chez Meta, Guillaume Lample et Timothée Lacroix, Mistral a notamment conçu le chatbot Le Chat concurrent de ChatGPT d’OpenAI. L’entreprise, basée à Paris, fournit aussi des grands modèles de langages portés sur la génération de texte et des modèles spécialisés capables de traiter des images, transcrire de l’audio ou générer du code. Elle a cette année multiplié les annonces retentissantes de partenariats notamment avec le géant américain Nvidia pour créer une plateforme de cloud (informatique à distance) ou encore avec le fonds émirati MGX pour fonder un gigantesque campus IA en région parisienne. Elle a aussi signé un accord avec l’Agence France-Presse (AFP) pour utiliser ses dépêches d’actualité afin de répondre aux requêtes de ses utilisateurs. Indépendance Mais si Mistral est la start-up d’IA à la plus haute valorisation en Europe, ses capacités financières restent modestes face à ses concurrents américains. La start-up américaine Anthropic, dont le modèle Claude est l’un des principaux rivaux du ChatGPT, revendique une valorisation de 183 milliards de dollars après un tour de table de 13 milliards de dollars en septembre. Le leader OpenAI serait lui en pourparlers pour permettre à ses employés d’encaisser leurs actions, ce qui valoriserait l’entreprise à environ 500 milliards de dollars, selon plusieurs médias. Cette nouvelle levée de fonds permet surtout à Mistral de «réaffirmer son indépendance», selon son communiqué, et d'éviter de passer sous le contrôle de géants de la tech américains ou chinois, après un été marqué par une rumeur de rachat par Apple. Étant donné les tensions géopolitiques avec les Etats-Unis et du besoin de souveraineté technologique en Europe, «Mistral peut s’imposer comme un acteur européen incontournable, une véritable alternative aux modèles non-européens», estime Franck Sebag, associé chez EY, auprès de l’AFP. La start-up, qui compte plus de 350 employés répartis entre six bureaux de Londres à Singapour, s’attend à générer plus de 100 millions de dollars de revenus par an, a confié son patron au Wall Street Journal en juin. Daxia ROJAS © Agence France-Presse -
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