
TF1 et M6 préparent leur pivot vers le streaming sans Salto

Une journée cruciale s’annonce pour TF1 et M6 ce mercredi. Pour la première fois, les deux groupes audiovisuels seront auditionnés par l’Arcom (ex-CSA), le régulateur des médias, dans le cadre du renouvellement de leurs fréquences. Du jamais-vu : depuis 1987, année de l’arrivée de M6 sur le sixième réseau hertzien et de la privatisation de TF1, ils avaient bénéficié d’un renouvellement de leurs licences pour émettre sans appel à candidatures, en contrepartie d’engagements auprès du régulateur des médias. Cette fois, en une heure d’audition, ils vont bien devoir défendre leurs projets, pour obtenir le nouveau sésame, à compter de mai 2023. Aux côtés d’un nouveau candidat, le milliardaire et homme de presse Xavier Niel, avec son projet dit «SIX» porté par la société NJJ Projet 5523, filiale de sa holding personnelle.
Les deux chaînes historiques, rarement épinglées pour manquements par l’Arcom, verront probablement leur convention reconduite, selon des analystes, mais la simple attente du verdict de l’Arcom, le 6 mai, « pèse sur les multiples de valorisation » de TF1, observe Citi.
Bénéfices nets plombés par Salto
En début de semaine, les deux groupes audiovisuels historiques ont présenté des résultats annuels en demi-teinte. En cause, l’échec de leur fusion à l’automne dernier, les tensions sur le marché publicitaire, et l’échec du projet de streaming vidéo tricolore Salto. Avec une sanction boursière : l’action TF1 plongeait de 12% mardi matin, avant de se redresser, pour clôturer à -4%. Le titre M6 perdait 7,9% mardi matin avant de revenir en territoire positif, clôturant à +1,20%.
Pour autant, tous deux ont limité les dégâts. M6 a tout de même réalisé 1,08 milliard d’euros de recettes publicitaires en 2022, et TF1 1,67 milliard d’euros.
Le chiffre d’affaires de TF1 a progressé de 3,3% par rapport à 2021, à 2,51 milliards d’euros, presque en ligne avec le consensus FactSet, tandis que son résultat opérationnel courant (Ebita) a diminué de 7,9%, à 316,2 millions d’euros. De son côté, M6 affiche un chiffre d’affaires en repli de 2,4%, à 1,36 milliard d’euros, mais a vu sa marge opérationnelle bondir à 24,6%. Un atout connu pour M6 : « M6 a un historique de rentabilité élevée (marge d’Ebita de 20,5% du chiffre d’affaires en moyenne sur 2017-21) et une situation financière solide (trésorerie de 121 millions d’euros à fin 2021) », soulignait Alphavalue dans une note d’analyse fin janvier.
« M6 affiche tout de même presque ses meilleurs résultats de tous les temps, 334 millions d’Ebita. TF1 affiche lui aussi son meilleur Ebita depuis 2005 », salue Christophe Cherblanc, responsable de la recherche action pour le secteur des médias chez Société Générale CIB. Dans un contexte où la télévision linéaire doit s’adapter, « le paysage audiovisuel a beaucoup bougé, mais leur capacité d’adaptation est très forte – supérieure à ce que le marché boursier a l’air d’estimer », poursuit-il.
En outre, la Bourse semble avoir sanctionné l’arrêt annoncé de Salto – pourtant connu depuis l’automne 2022. Les comptes des chaines ont été pénalisés par les charges liées à la fin annoncée du service de ce streaming vidéo, lancé en 2020 par celles-ci avec France Télévisions : elles ont amputé de 46,1 millions d’euros le bénéfice net 2022 de TF1 tout comme celui de M6.
Or la fin de ce projet pourrait leur permettre de rebondir. « Les groupes TF1 et M6 perdaient environ 20 millions d’euros par an pour leur quote part dans Salto – le fait que Salto s’arrête va leur permettre d’économiser d’autant et ouvrir les marges de réinvestissement », remarque Christophe Cherblanc.
Pivot vers le streaming avec publicité
Les deux groupes esquissent leurs nouvelles feuilles de route. Pour ce faire, tous deux ont fait évoluer leur gouvernance. M6 a annoncé lundi soir un rajeunissement de son directoire, et l’arrivée du patron de CMA CGM, Rodolphe Saadé, au sein de son conseil d’administration. De son côté, TF1 officialisait mardi matin la nomination de Rodolphe Belmer, directeur général depuis octobre 2022, comme président du conseil. Ce fin connaisseur du système audiovisuel, ancien directeur général de Canal+, a siégé plusieurs années au conseil d’administration de Netflix.
Lundi soir, Nicolas de Tavernost a annoncé que M6 lançait une revue stratégique de ses activités, et un gros investissement dans le streaming vidéo. Alors que Salto marquait le pas depuis longtemps, les deux groupes comptent désormais réinvestir dans leurs services d’Avod respectifs (services de streaming vidéo gratuit financé par la publicité), 6 Play et MYTF1 Max. De son côté, TF1 a déclaré vouloir « accélérer sur le digital », « maximiser la valeur sur la télévision linéaire » et surtout « s’imposer comme la première plateforme française de streaming gratuit ».
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