
Résilients au Covid, Carrefour et Casino ont peu de marge face à l’inflation

L’inflation désemplit les Caddies et met sous pression les marges des distributeurs. Début juin, l’américain Target a lancé un avertissement sur ses résultats du deuxième trimestre en pointant le niveau trop important de ses stocks. Son concurrent Walmart avait reconnu, deux semaines plus tôt, avoir subi une «une pression plus forte que prévu sur les marges et les charges d’exploitation» au premier trimestre et s’attendre à une baisse de son bénéfice cette année.
Les mêmes déboires guettent les chaînes européennes de supermarchés, qui, outre une baisse de la consommation, sont confrontées à une explosion de leur facture énergétique et des frais logistiques dans le contexte de la guerre en Ukraine.
«Oubliés les beaux raisonnements que l’on avait pu faire sur les vertus d’un secteur promu comme susceptible de bénéficier de l’inflation en Europe par une masse de marge améliorée», indique Invest Securities. L’inflation alimentaire, qui a frôlé les 9% en juin dans la zone euro, est «trop importante pour avoir un effet créateur de valeur sur les marges», ajoute l’intermédiaire financier.
Moins margés
Les différents «panélistes» qui suivent le secteur le confirment : face au renchérissement des produits de base, les ménages européens adaptent leur comportement dans les rayons. Si les ventes de bio avaient déjà commencé à décliner l’année dernière, «aujourd’hui les clients coupent également dans les marques nationales et les produits frais au profit d’articles plus industriels, qui sont moins chers et moins bien margés pour les distributeurs», note Clément Genelot, analyste chez Bryan, Garnier & Co.
A cette descente en gamme s’ajoutent les nombreuses offres promotionnelles mises en place par les enseignes afin de maintenir la fréquentation de leurs magasins. «Prix serrés», «défi anti-inflation», remises diverses en bons d’achats : tous les leviers sont aujourd’hui activés. Même s’ils finissent par répercuter l’essentiel de la hausse des prix en rayons, «les distributeurs seront obligés d’absorber une petite partie de l’inflation alimentaire», estime Clément Genelot.
Pour l’analyste, tous les acteurs cotés du secteur en Europe devraient voir leur marge opérationnelle baisser cette année, à l’exception de Carrefour, dont le plan d’économies de 900 millions d’euros devrait lui permettre de compenser le choc inflationniste.
Hausse des salaires
En 2023, l’inflation alimentaire pourrait commencer à baisser, permettant aux distributeurs de retrouver des marges de manœuvre sur leurs prix de vente. Mais ils devront également faire face à une hausse de leurs coûts salariaux, conséquence des revalorisations déjà consenties en début d’année et de celles qui pourraient encore intervenir d’ici à la fin 2022. Carrefour a, par exemple, promis de nouvelles discussions sur les salaires à la rentrée.
«Les distributeurs alimentaires sont confrontés à une inflation de leurs coûts et à une baisse de leurs revenus, les consommateurs revenant à leurs habitudes d’achat prépandémiques. Cependant, ils doivent continuer à investir dans leurs capacités ‘online’ et de livraison», souligne Moody’s, qui a récemment abaissé sa perspective sur le secteur. L’agence de notation prévoit «une croissance limitée, voire nulle», des résultats d’exploitation (Ebitda) de la plupart des enseignes européennes au cours des douze à dix-huit prochains mois.
Les investisseurs ont jusqu’ici opéré d’importantes distinctions entre les différents acteurs cotés du secteur. Casino a abandonné 45% de sa valeur boursière depuis le 1er janvier, le groupe ne parvenant toujours pas à rassurer sur son désendettement. A l’opposé, Carrefour a beaucoup mieux résisté, s’adjugeant une petite hausse de 5% depuis le 1er janvier alors que le CAC 40 a cédé 17,5% dans le même temps. Le groupe dirigé par Alexandre Bompard a bénéficié d’une dynamique plus favorable dans ses hypermarchés en France et du renforcement de son plan d’économies. Depuis début juin, et les avertissements des distributeurs américains, le titre a toutefois perdu 11%, en ligne avec la correction subie par l’ensemble du secteur en Europe. Le passage en caisse des distributeurs européens, à l’occasion de la publication de leurs résultats semestriels à la fin du mois, pourrait réserver d’autres mauvaises surprises.
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Buenos Aires - Le peso et les actions argentines ont accusé le coup lundi du net revers du parti du président ultralibéral Javier Milei lors d'élections provinciales en Argentine la veille, signe d’un désenchantement qui a valu dans le camp gouvernemental un appel à «l’autocritique». Dimanche, l’opposition péroniste (centre-gauche) s’est largement imposée dans l’importante province de Buenos Aires -qui compte plus d’un tiers de l'électorat- avec un écart inattendu: 47% des voix contre 33% aux candidats de La Libertad Avanza, le parti du président Milei qui a reconnu une «claire défaite». Ce revers, envoyant le signal d’un gouvernement sur la défensive, s’est traduit lundi par une chute des actions argentines cotées à Wall Street, avec des reculs atteignant 15% pour certaines, la Bourse de Buenos Aires clôturant pour sa part en baisse de 13%. Sur le marché des changes, le peso argentin a plongé face au dollar dans un contexte de forte volatilité et de méfiance des investisseurs, avant de se reprendre légèrement en fin de journée. A 1.425 pesos pour un dollar, il a perdu 3,2% de sa valeur par rapport à vendredi. La populeuse province de Buenos Aires étant un bastion traditionnel de l’opposition, une victoire de Javier Milei y aurait tenu de l’exploit. Pourtant par sa taille, le scrutin de dimanche était perçu comme un test, ou une prise de température, en vue des législatives nationales de mi-mandat le 26 octobre. S’y renouvelleront un tiers du Sénat et la moitié des députés, un scrutin-clef pour M. Milei qui depuis décembre 2023 gouverne avec une minorité législative, et a vu plusieurs de ses réformes frustrées par un Parlement retors. Encore récemment, lorsqu’il a annulé un veto présidentiel sur une loi de financement accru du handicap. Charme rompu ? Le président «anarcho-capitaliste», comme il se décrit, a lancé dimanche soir avec défi qu’il n’y aura «pas de retour en arrière d’un millimètre dans la politique du gouvernement» et sa volonté de dérégulation, mais au contraire un cap «approfondi» et «accéléré». Pourtant le chef de cabinet des ministres -poste-clef à mi-chemin entre Premier ministre et chef de cabinet- Guillermo Francos, a estimé qu’il était «temps de faire des autocritiques, d’analyser nos échecs et de comprendre pourquoi les résultats macroéconomiques n’atteignent pas la population». «On reste convaincu que l'équilibre budgétaire est la base de la croissance économique, mais il est vrai aussi que le passage de la macroéconomie à la microéconomie est très important pour les gens qui attendent des résultats concrets», a concédé M. Francos sur Radio Mitre, dans un ton distinct du chef de l’Etat. Car l’indéniable succès du gouvernement Milei contre l’inflation, jugulée à 17,3% sur sept mois depuis janvier (contre 87% sur la même période en 2024), tarde à percoler dans la population, qui perçoit surtout l’austérité budgétaire de la «tronçonneuse» dans la santé, l’université, les retraites, et l’impact de la récession (-1,8 en 2024) sur la consommation et l’emploi. «Les gens se disent: OK, on a fait tous les ajustements (budgétaires) pour atteindre la stabilité, contrôler l’inflation, mais ça y est, l’inflation est sous contrôle. Maintenant, quand va commencer à s’améliorer mon revenu ? Quand vont se créer des emplois ? Se lancer des entreprises ?», analyse pour l’AFP le politologue Raul Timerman, du cabinet Grupo de Opinion Publica. En outre, Javier Milei qui avait été élu, outre l'économie, sur «l’argument d’en finir avec la caste politique corrompue ", apparait aujourd’hui comme «celui qui protège sa sœur Karina», la secrétaire générale de la présidence, récemment éclaboussée par un scandale de pots-de-vin présumés -même si elle n’a à ce jour pas été entendue ni inculpée. «Le charme est rompu», résume Raul Timerman. Réunissant par deux fois son cabinet lundi, Javier Milei n’a pas annoncé de changement d'équipe, mais la création «d’une table ronde de dialogue avec les gouverneurs» des provinces fédérales, notoirement retors, a communiqué en fin de journée le porte-parole présidentiel Manuel Adorni. Suggérant que c’est par des alliances politiques ad hoc, davantage qu’un changement de cap, que le président ultralibéral entend avancer. Sonia AVALOS © Agence France-Presse