
Les taux bas devraient conduire à une réflexion sur les objectifs des «packages»

Avec la multiplication des LBO en France, des multiples de valorisation élevés, et des liquidités toujours abondantes, la structuration des «management packages», ces outils d’intéressement au capital des cadres et dirigeants, est particulièrement d’actualité. D’autant que les enjeux financiers, juridiques et fiscaux de ces instruments sont cruciaux.
L’instauration de la «flat tax» à 30% depuis début 2018 a redonné de l’intérêt aux bons de souscription d’actions (BSA) et aux promesses de vente, puisque désormais ce taux de 30% s’applique sans condition de durée minimale de détention des titres. «A la différence des BSA, dont le prix d’exercice est fixé lors de l’émission et qui sont dilutifs pour l’ensemble des actionnaires, la promesse de cession d’actions permet de rétrocéder des actions, sans diluer les autres actionnaires, puisque seuls le ou les actionnaires qui s’engagent à rétrocéder des titres aux dirigeants se voient dilués», explique Jean-Louis Médus, avocat au barreau de Paris.
La promesse est généralement exerçable au prix historique (montage du LBO) et les dirigeants peuvent l’exercer en fonction du TRI ou du rendement dégagé par l’investisseur : pour sa robustesse fiscale, la promesse doit avoir un prix afin que son titulaire soit réputé avoir pris un «risque actionnarial». Cet outil, souple et peu complexe, retrouvera peut-être de l’attrait auprès des investisseurs, au même titre que les actions de préférence abondamment utilisées aujourd’hui, notamment avec les assouplissements de leur fonctionnement (votes multiples, absence de DPS …) issus de la loi Pacte.
Trouver le «juste» taux de rémunération
La difficulté reste la valorisation de ces outils de rémunération et de motivation des managers. Dans la cartographie des montages abusifs de Bercy de 2015, le management packagevenait en tête, rappelle Gonzague Chaussois, associé Acuitem. «Il est indispensable de faire intervenir un expert financier pour valoriser ces instruments de package et leur donner un prix robuste acquitté par le manager/salarié, et ce afin d’éviter la requalification de cet instrument en salaire par l’administration fiscale», ajoute Jean-Louis Médus. L’évaluation sera documentée afin de pouvoir – plusieurs années après – argumenter face à l’administration fiscale.
Autre préoccupation du moment dans les opérations de LBO, le taux de rémunération (8 à 12% fréquemment) servi aux investisseurs pour les obligations convertibles en actions (OCA) qu’ils souscrivent dans les montages. Taux jugé excessif par l’administration fiscale qui rejette la déductibilité fiscale d’une partie (la fraction jugée excessive) de ces intérêts. Ces taux de 8 à 12% sont difficilement justifiables face au fisc dans un contexte de taux bas avec un Eonia négatif.
Le sujet des taux amène des réflexions sur les conditions de déclenchement des packages. Généralement les packages se déclenchent autour de l’atteinte d’un multiple de 1,8 voire de 1,6 par les investisseurs sur leur mise, du moins pour les petites sociétés : un tel multiple sur l’horizon estimé d’un LBO (4 ou 5 ans) revient à exiger une performance de l’ordre de 15% l’an en TRI. «On constate ainsi qu’avec des taux de l’argent qui se maintiennent à des niveaux historiquement bas, une telle exigence de rendement est de plus en plus difficile à atteindre. Dans ce contexte, une réflexion est nécessaire. Pourquoi ne pas fixer des objectifs plus raisonnables pour les managers ?», s’interroge Gonzague Chaussois.
Les avantages des actions de préférence
Les actions de préférence (ADP) constituent également «un instrument souple et aux possibilités infinies, précise Gonzague Chaussois. Les ADP peuvent ne pas être assorties de droit de vote (ou à l’inverse de droits de vote multiples), privées de droit à dividende, être convertibles à certaines conditions en un nombre variable d’actions ordinaires ou bénéficier d’une préférence de liquidation, etc. : le champ des possibles est quasi infini surtout depuis l’adoption de la loi Pacte du 22 mai 2019. Les ADP à préférences négatives convertibles en actions ordinaires (en fonction du rendement de l’opération et/ou de l’investisseur), le cas échéant émises au titre d’un plan d’attribution gratuite d’actions, permettent aussi une valorisation inférieure à des actions ordinaires, et donc limitent l’assiette de référence pour le calcul et le paiement de la cotisation patronale post période d’acquisition. Un de leurs intérêts est que ces ADP constituent de véritables fonds propres – à la différence des obligations convertibles – et permettent de réduire la sous-capitalisation de l’entreprise source souvent de restriction à la déductibilité des intérêts». En revanche on retrouve toujours la notion d’une nécessaire prise de risque financier par le manager souscripteur de l’ADP. «Si l’investissement est modique et peu risqué, l’espérance de gain très élevé, le gain issu des ADP pourrait être assimilé à un salaire par le fisc, qui regarde toujours le gain final», poursuit Jean-Louis Médus
L’intermédiation des opérations (par des conseils en M&A), qui se généralise dans le private equity, «permet certes de professionnaliser le marché des LBO et de maximiser le prix pour le vendeur, poursuit Jean-Louis Médus. Mais elle crée des processus de remise d’offre beaucoup trop contraignants, sans possibilité pour l’investisseur de rencontrer le management avant le second tour». Et entre les interventions des banquiers, des auditeurs, des intermédiaires et des avocats, «avec des infos mémos très financiers, nous manquons de vision d’ensemble sur l’opération», regrette Gonzague Chaussois.
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Inondations au Pendjab : les agriculteurs indiens face à une crise sans précédent
Gurdaspur - La saison s’annonçait prometteuse mais les inondations causées par les fortes pluies de la mousson ont dévasté les champs dans le nord de l’Inde, où récoltes et bétail tué en décomposition dégagent une odeur nauséabonde. L’Etat du Pendjab, considéré comme le grenier à blé du pays, a connu cette année des niveaux de précipitations supérieurs de 34% à la moyenne, selon les services de météorologie. Leur bilan est sans précédent: au moins 52 morts, plus de 400.000 habitants sinistrés. Et des dégâts considérables des deux côtés de la frontière qui sépare les Pendjab indien et pakistanais. «Les cultures ont été entièrement détruites», a constaté le ministre indien de l’Agriculture, Shivraj Singh Chouhan, lors d’une récente visite. Le Premier ministre Narendra Modi a annoncé une aide d’urgence de 150 millions d’euros. «Il s’agit des plus graves inondations que nous traversons depuis des décennies», a insisté le chef de l’exécutif du Pendjab, Bhagwant Mann. Un sentiment partagé par les anciens. «La dernière fois que nous avons connu des inondations aussi dévastatrices, c'était en 1988", se souvient Balkar Singh, 70 ans, dans son petit village de Shehzada, à une trentaine de kilomètres de la grande ville d’Amritsar. Les pluies diluviennes de la mousson ont transformé ses rizières en marais et ouvert d'énormes fissures dans les murs de sa maison. Investissements noyés Les inondations et les glissements de terrain sont fréquents de juin à septembre en Inde. Les scientifiques assurent que le changement climatique, combiné au développement mal planifié des infrastructures, a augmenté leur fréquence, leur gravité et leur impact. Coincé entre le fleuve Ravi et la frontière du Pakistan, le village de Toor n’a pas échappé au déluge. Récoltes détruites, bétail noyé et maisons démolies, il n’est plus qu’un champ de ruines. «L’eau a déferlé après minuit le 26 août», témoigne un agriculteur, Surjan Lal. «Son niveau a atteint au moins trois mètres en quelques minutes», poursuit-il. «On s’est retrouvés sur les toits pendant près d’une semaine, impuissants, à regarder l’eau tout emporter, du bétail à nos lits.» Dans le village voisin de Lassia, collé au Pakistan, Rakesh Kumar compte ses pertes. «En plus de celles dont je suis propriétaire, j’ai pris d’autres terres en bail et je me suis lourdement endetté cette année», explique cet agriculteur âgé de 37 ans. «Tous mes investissements sont partis avec l’eau des inondations...» Et comme si ça ne suffisait pas, il y a peu de chance pour que le blé qu’il a planté dans ses champs pour l’hiver lui rapporte grand-chose. «Il faudrait d’abord que toute cette boue sèche», fulmine-t-il, «ce n’est qu’après que les machines pourront évacuer le limon». Et encore, acheminer ces engins sur place relève du défi logistique. Pour ceux qui ne possèdent pas leur terre comme Mandeep Kaur, 50 ans, la situation s’annonce encore plus délicate. Menaces sur le basmati «On gagnait notre vie en travaillant pour les grands propriétaires mais ils sont tous partis», constate l’ouvrière agricole. Sa maison a été entièrement détruite par les eaux, elle est désormais contrainte de dormir sur un matelas posé sous une bâche dans la cour. Le Pendjab est le principal fournisseur du riz et du blé livrés dans le cadre des programmes alimentaires d’urgence réservés aux Indiens les plus modestes. Quelque 800 millions mangent grâce à eux, soit plus de la moitié de la population du pays le plus peuplé de la planète. Les experts estiment que les pertes attendues cette année ne menacent pas encore ces programmes, qui disposent d’importants stocks. «La baisse des récoltes dans le Pendjab indien et pakistanais va lourdement peser sur les prix et les exportations de riz basmati», alerte toutefois Avinash Kishore, de l’Institut international de recherche sur la politique agricole de New Delhi. A l’heure où la hausse des droits de douane imposés à l’Inde par les Etats-Unis a rendu son riz basmati bien moins compétitif, les inondations risquent de lui porter un nouveau coup. Pour les producteurs du Pendjab, la route du redressement s’annonce d’autant plus difficile que les autorités locales se sont retirées d’un programme d’assurance fédérale jugé trop cher. Alors Balkar Singh a bien du mal à rester optimiste. «J’ai toujours de l’eau jusqu’au genou dans ma ferme», rappelle l’agriculteur, «je ne sais pas trop ce que l’avenir nous réserve». Arunabh SAIKIA © Agence France-Presse -
Équateur : Daniel Noboa décrète l’état d’urgence face à la grogne contre la fin des subventions au diesel
Quito - Le président d'Équateur Daniel Noboa a décrété mardi l'état d’urgence dans sept des 24 provinces du pays où des manifestants bloquent des routes pour protester contre la suppression des subventions sur le diesel. Les anciens présidents Lenin Moreno (2017-2021) et Guillermo Lasso (2021-2023) n’avaient pu mettre en place cette mesure qui avait déclenché en leur temps déjà de violents mouvements de protestation menés par la principale organisation indigène du pays, la Conaie. Entre 1997 et 2005, la Conaie avait déjà participé à des révoltes qui avaient abouti à la chute de trois présidents. Avec la signature d’un décret vendredi, le prix du diesel est passé de 1,80 à 2,80 dollars par gallon (3,8 litres). Lundi, des conducteurs de camions ont bloqué plusieurs routes, dégagées quelques heures plus tard après l’intervention de la police. Aucun blessé n’a jusqu’ici été signalé. Mardi, la circulation sur la route Panaméricaine Nord, à l’entrée de Quito, a été bloquée par des pierres et des monticules de terre. Le président Noboa a donc décidé de «déclarer l'état d’urgence dans les provinces de Carchi, Imbabura, Pichincha, Azuay, Bolivar, Cotopaxi et Santo Domingo, en raison de graves perturbations internes», selon le décret signé mardi pour une durée de 60 jours. Le gouvernement fait valoir que ces blocages «ont provoqué des complications dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire» et affectent la «libre circulation des personnes, entraînant la paralysie de plusieurs secteurs touchant l'économie». Cette mesure suspend la liberté de réunion dans les sept provinces et autorise les forces de police et militaires à «empêcher et démanteler les rassemblements dans les espaces publics où des menaces à la sécurité citoyenne sont identifiées». Marlon Vargas, président de la Conaie, a exigé mardi l’abrogation du décret qui supprime la subvention au diesel, car «cela nuit aux secteurs appauvris, au peuple équatorien». Le monde universitaire se joint à la protestation et une manifestation est prévue mardi à Quito. © Agence France-Presse