
Management package : l’administration fiscale se heurte à l’écran de la holding
Par deux arrêts du 6 mars 2018, la cour administrative d’appel de Versailles poursuit l’élaboration de la jurisprudence encadrant les mécanismes de management package.
Dans le cadre des opérations de private equity, les managers endossent fréquemment une casquette d’investisseurs en entrant, directement ou indirectement, au capital de la holding de reprise de leur groupe aux côtés du fonds d’investissement acquéreur. Ils souscrivent néanmoins généralement des instruments disposant d’un couple risque/rentabilité différent de celui du fonds. Dans ce contexte, l’administration fiscale tente fréquemment de remettre en cause, en cas de contrôle, le traitement fiscal de tout ou partie des gains réalisés par les managers sur leur investissement en lui substituant le régime, moins favorable, prévu pour les salaires et en appliquant de lourdes pénalités.
La jurisprudence fiscale, voire sociale, en la matière est encore en cours de construction et chaque nouvelle décision est regardée avec attention compte tenu des enjeux importants que représente ce type de co-investissement et des questions particulièrement techniques qu’il soulève.
À cet égard, les deux décisions rendues par la cour administrative d’appel de Versailles le 6 mars dernier s’inscrivent dans le cadre de l’investissement réalisé en 2004 par le groupe Wendel dans le groupe Editis, avant la revente de ce dernier en 2008 au groupe espagnol Planeta. Les managers investisseurs étaient au cas particulier, sans que cela n’entache cependant le raisonnement, salariés du groupe Wendel et non du groupe cible. En simplifiant la structure de l’opération, ces managers avaient souscrits des instruments de type ratchet dans une société, qui détenait elle-même indirectement des bons de souscription d’actions dans la holding de reprise du groupe Editis.
Pour d’autres managers ayant participé à cet investissement, le tribunal administratif de Paris avait rendu le 12 juillet 2016 (1) douze décisions favorables aux contribuables qui avaient eu le mérite de recentrer le débat fiscal sur la question de l’existence d’un avantage accordé aux managers dans le cadre de leur investissement et des risques financiers attachés.
Les deux dossiers sur lesquels la cour administrative d’appel de Versailles s’est prononcée avaient toutefois, de leur côté, donné lieu préalablement à des jugements du tribunal administratif de Montreuil (2) défavorables aux managers, dans la mesure où cette juridiction avait cru identifier un schéma d’investissement dénué de risque.
En attendant la décision d’appel qui devrait être prochainement rendue sur les différents jugements du 12 juillet 2016, il est notable que la cour administrative d’appel de Versailles a annulé les décisions rendues par le tribunal administratif de Montreuil. La cour a en effet écarté la requalification en salaires des gains réalisés par les managers en s’appuyant sur un argumentaire relativement inédit en matière d’investissement de managers.
Les contribuables concernés avaient procédé à une réorganisation patrimoniale fin 2007, en transférant leurs titres à une société civile fiscalement translucide, réalisant finalement la plus-value en 2008. L’administration fiscale n’avait invoqué ni la fictivité des sociétés patrimoniales ni l’existence d’un but exclusivement fiscal poursuivi par l’interposition de ces structures (3).
Tirant les conséquences de cette interposition, la cour a souligné que ces sociétés n’étaient salariées ni du groupe Wendel ni d’aucun autre employeur pour en conclure que leurs gains, bien qu’imposables chez leurs associés, ne pouvaient pas être requalifiés en salaires.
Si ces deux décisions participent indéniablement à l’édification d’un cadre jurisprudentiel protecteur en matière d’investissement de managers, elles ne permettent néanmoins pas pour autant de considérer le recours à une société patrimoniale, voire à une société holding regroupant la participation de l’ensemble des managers, comme une panacée leur garantissant systématiquement la qualification fiscale de plus-values.
1) TA de Paris, 12 juillet 2016, n°1412111, n°1412064, n°1412568, n°1418532, n°1418965, n°1419457, n°1429650, n°1430549, n°1431589, et n°1512900.
2) TA de Montreuil, 31 mars 2016, n°1412157 et n°1500571.
3) Arguments de nature à nécessiter le recours à la procédure protectrice applicable en matière d’abus de droit (article L 64 du livre des procédures fiscales).
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