
Les investisseurs institutionnels veulent régler le conflit chez EssilorLuxottica

Rarement les investisseurs institutionnels se sont aussi largement mobilisés pour une assemblée générale. L’AG d’EssilorLuxottica le 16 mai à Paris promet d’être agitée. Alors que la fusion «entre égaux» du groupe français d’optique ophtalmique et du lunettier italien, annoncéeen janvier 2017 et effective depuis début octobre 2018, s’est muée en guerre d’ego entre Leonardo Del Vecchio, PDG du nouvel ensemble et premier actionnaire, via sa holding Delfin, à hauteur de 31,4% du capital, et Hubert Sagnières, ancien PDG d’Essilor devenu vice-PDG délégué du groupe fusionné, les autres actionnaires institutionnels pourraient jouer les arbitres.
Baillie Gifford, Comgest, Edmond de Rothschild AM, Fidelity, Guardcap, Phitrust et Sycomore AM ont demandé conjointement la nomination de deux administrateurs indépendants, l’américaine Wendy Lane, présidente du fonds d’investissement Lane Holdings et le danois Jesper Brandgaard, ancien directeur financier de Novo Nordisk. Alors que le conseil est actuellement composé de 16 membres – 8 proposés par Essilor et 8 par Delfin – et qu’il peut en compter statutairement 18 (hors les deux administrateurs représentant les salariés), l’arrivée de deux indépendants pourrait «créer les conditions d’une sortie de crise par le haut», estiment ces gestions.
La bataille sera rude
Pour sa part, Valoptec, réunissant les actionnaires salariés d’Essilor et détenant plus de 4% du capital, a aussi demandé la nomination d’un administrateur indépendant, le britannique Peter Montagnon. Une résolution soutenue par ISS, Glass Lewis et Proxinvest. Ces deux derniers sont aussi favorables à l’élection des deux administrateurs proposés par Comgest et Phitrust. En revanche, ISS soutient seulement la nomination de Wendy Lane. «Nous regrettons qu’ISS ne soit pas allé jusqu’au bout de sa démarche, incomprise par de nombreux actionnaires que nous avons rencontrés, explique Sébastien Thevoux-Chabuel, analyse ESG chez Comgest. Bien que déjà large, le conseil d’administration d’EssilorLuxottica peut absorber facilement trois nouveaux administrateurs et ainsi changer de dynamique et arrêter de voter en ‘blocs’». Olivier Pécoux, président du comité des nominations et des rémunérations, «a déjà parlé à nos deux candidats, afin d’évaluer l’expertise et l’expérience qu’ils pourront apporter à EssilorLuxottica», poursuit Sébastien Thevoux-Chabuel.
Parmi les actionnaires rencontrés par Comgest, notamment Schroders, Legal & General, Sarasin Partners, et Candriam ont apporté leur soutien à ces deux résolutions. Néanmoins, la bataille sera rude. Sur la base du quorum de 77% de l’AG du 19 novembre dernier, Delfin contrôle déjà plus de 40 % de l’assemblée. Il faudra donc le soutien de la quasi-totalité du flottant pour franchir la barre des 50%.
D’autant qu’EssilorLuxottica a recommandé de voter contre les trois résolutions complémentaires, estimant, que si elles étaient approuvées, elles «seraient en violation [avec les] accords de rapprochement et susceptibles de perturber les activités du conseil d’administration». Toutefois, selon Sébastien Thevoux-Chabuel, «à notre connaissance, ces accords engagent seulement Delfin et feu le conseil d’administration d’Essilor et n’engagent pas les actuels administrateurs indépendants».
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Washington - La Bourse de New York a touché des sommets en clôture jeudi, alors que des nouveaux indicateurs économiques sont venus conforter les attentes des investisseurs quant à un assouplissement monétaire de la Fed. Les trois indices vedettes de Wall Street ont terminé sur de nouveaux records: le Dow Jones a gagné 1,36% à 46.108,00 points, l’indice Nasdaq a progressé de 0,72% à 22.043,07 points et l’indice élargi S&P 500 a avancé de 0,85% à 6.587,47 points. Nasdaq © Agence France-Presse -
Cuba : fin du black-out, l’électricité est revenue après la cinquième panne en un an
La Havane - Le courant a été rétabli à Cuba, a annoncé jeudi le ministère de l’Energie et des mines, au lendemain d’une coupure générale, la cinquième en moins d’un an. «Le réseau électrique national est désormais rétabli», a fait savoir le ministère sur le réseau social X. En début de matinée, la compagnie nationale d'électricité avait annoncé que le courant était à nouveau disponible dans 11 provinces sur 15. Dans la capitale, la circulation et les activités ont repris quasiment normalement, a constaté l’AFP. «Le courant est revenu à 3h30 (7h30 GMT) du matin. Nous nous en sommes aperçus parce que nous avions laissé toutes les lumières allumées pour le savoir», a raconté à l’AFP Maria Beltran, 58 ans, qui vit dans un quartier populaire de l’ouest de La Havane. «Hier, ce n’a pas été facile. Nous sommes restés chez nous (...) assis dans un fauteuil toute la journée», a-t-elle ajouté, alors que ces coupures générales paralysent la vie économique de l'île et chamboulent la vie quotidienne des habitants. Mercredi matin, un arrêt de la centrale électrique Antonio Guiteras, la plus importante du pays, située au centre de l'île, a provoqué la déconnexion du système électrique sur l’ensemble du pays. Les autorités ont précisé par la suite que la coupure était due à un signal erroné de surchauffe dans la chaudière de la centrale. Depuis octobre 2024, l'île communiste a ainsi subi cinq pannes généralisées, dont certaines ont duré plusieurs jours. Cette dernière coupure a duré un peu plus de 24 heures. Cuba est en proie depuis cinq ans à une profonde crise économique, avec un manque cruel de devises, et le système électrique vétuste souffre d’avaries fréquentes et de pénuries de combustible. Les huit centrales électriques du pays ont presque toutes été inaugurées dans les années 1980 et 1990. Elles tombent régulièrement en panne ou doivent être arrêtées pour de longues semaines de maintenance. L’installation récente de trente parcs photovoltaïques, soutenue par la Chine, sur les 52 prévus pour cette année, n’a pas permis pour l’heure de faire diminuer les coupures. Pendant les fortes chaleurs l'été, lorsque la consommation atteint des pics à cause de l’utilisation de la climatisation, les délestages se sont multipliés. Selon les autorités, ces coupures programmées ont duré en moyenne près de quinze heures par jour en août et seize heures en juillet, dans tout le pays. Cuba traverse sa pire crise économique depuis trois décennies. Aux faiblesses structurelles de son économie planifiée et centralisée s’ajoutent l'échec d’une réforme monétaire récente et un renforcement de l’embargo américain, en vigueur depuis 1962. © Agence France-Presse -
Au Brésil, le procès Bolsonaro entre dans sa phase décisive
Brasilia - Le procès historique contre Jair Bolsonaro est entré jeudi dans sa phase décisive: les deux derniers juges doivent décider si l’ex-président brésilien d’extrême droite, soutenu par le dirigeant américain Donald Trump, doit être condamné pour tentative de coup d’Etat. Avec un score de 2 à 1, il manque seulement une voix à la Cour suprême pour former la majorité requise pour condamner l’ancien chef de l’État (2019-2022), qui à 70 ans risque jusqu'à 43 ans de prison. Accusé d’avoir été le chef d’une «organisation criminelle» ayant conspiré pour assurer son «maintien autoritaire au pouvoir» malgré sa défaite face au président actuel de gauche, Luiz Inacio Lula da Silva, lors de l'élection de 2022, Jair Bolsonaro clame son innocence. Seule femme de la Cour suprême, la juge Carmen Lucia a pris la parole jeudi après-midi pour livrer l’argumentation de son vote. «La loi doit être appliquée de la même façon pour tous», a-t-elle dit en soulignant l’importance du procès pour le Brésil. Son collègue Cristiano Zanin, ancien avocat de Lula, votera en dernier. Le jugement et une éventuelle peine sont attendus dans la foulée, ou vendredi. Inéligible jusqu’en 2030 et assigné à résidence à Brasilia depuis début août pour des soupçons d’entrave à son procès, M. Bolsonaro n’est pas présent aux audiences, pour motif de santé selon sa défense. Un journaliste de l’AFP a pu l’apercevoir jeudi matin dans son jardin, vêtu d’un polo vert et d’un pantalon sombre, en compagnie d’un proche. «Réparation historique» Le procès divise fortement une opinion ultra-polarisée, y compris dans la capitale. Pour Germano Cavalcante, ingénieur civil de 60 ans, «ce procès n’est pas juste». «Il est plus politique que judiciaire», estime-t-il. A l’inverse, Ana Karla Oliveira, 21 ans, analyste système, se dit «absolument ravie». «Je vais fêter cette condamnation», promet-elle, y voyant une «réparation historique». L’affaire Bolsonaro est aussi à l’origine d’une crise sans précédent entre la première puissance d’Amérique latine et les États-Unis. Dénonçant une «chasse aux sorcières» contre son allié d’extrême droite, le président américain Donald Trump a imposé une surtaxe punitive de 50% sur une part importante des exportations brésiliennes. Washington a également annulé les visas de plusieurs juges de la Cour suprême brésilienne et infligé des sanctions financières à l’un d’entre eux, Alexandre de Moraes, rapporteur du procès Bolsonaro. Amnistie Le juge Moraes a été le premier à voter mardi pour la condamnation de l’ex-président, affirmant que le Brésil avait «failli redevenir une dictature» lors du supposé putsch manqué. M. Bolsonaro est jugé avec sept anciens proches collaborateurs, dont plusieurs ex-ministres et généraux. C’est la première fois qu’un ancien chef de l’État doit répondre de telles accusations, dans un pays encore hanté par le souvenir de la dictature militaire (1964-1985). Ex-ministre de la Justice de Lula, Flavio Dino a lui aussi voté pour une condamnation, estimant que les infractions jugées «ne sont pas susceptibles d’amnistie». Le message n’est pas passé inaperçu. Le courant conservateur tente en effet de faire approuver au Parlement une loi d’amnistie au bénéfice de son leader. Avec déjà en tête de possibles recours contre une condamnation attendue, le camp de l’ancien chef de l’État a célébré mercredi le vote du troisième magistrat, Luiz Fux. Développant une démonstration de plus de 11 heures, ce dernier a jusque-là été le seul à voter pour la relaxe de M. Bolsonaro. Il a démonté le dossier, dénoncé un manque de preuves et estimé que le complot évoqué n’a jamais dépassé la «phase préparatoire». Le vote du juge Fux «n’affectera pas le résultat final, mais il influencera l’histoire», escompte le député bolsonariste Luiz Lima. Ramon SAHMKOW et Louis GENOT © Agence France-Presse