
Les bonus 2020 des dirigeants devront plus que jamais être liés à la performance

A quelques semaines de la saison 2021 des assemblées générales, les comités de rémunérations et les conseils planchent sur les émoluments de leurs dirigeants. Ce sujet, déjà hautement sensible, l’est devenu encore plus cette année avec la crise du Covid et ses conséquences économiques. D’autant que l’ordonnance du 27 novembre 2019 transposant la directive droits des actionnaires (SRD 2) prévoit que les sociétés peuvent déroger temporairement à la politique de rémunération en raison de « circonstances exceptionnelles ». Les conseils d’administration vont-ils faire usage de cette possibilité ? Les dirigeants devront-ils revoir à la baisse leur variable 2020, voire leur rémunération de long terme (LTI) ?
Dans ce contexte de crise, « un dirigeant devra faire preuve de beaucoup de pédagogie pour invoquer une surperformance en 2020 pour justifier son bonus, même si c’est le cas », explique Jean de Calbiac, associé fondateur du cabinet d’avocats Avanty, spécialisé en rémunération des dirigeants. En effet, même avec une baisse de l’action et une réduction du dividende, le dirigeant peut remplir une des conditions de son bonus annuel si le total shareholder return (TSR) de sa société surperforme celui de son groupe de pairs. Mais il aura du mal à convaincre les salariés et les actionnaires de la société…
Si une stricte application des critères quantitatifs du variable du dirigeant ne lui permet pas de toucher de bonus, « il devra respecter cette règle, poursuit Jean de Calbiac. Toutefois, s’il a été surperformant, a dirigé l’entreprise sans faire appel aux aides d’Etat et au chômage partiel, il ne serait pas logique qu’il ne touche rien. Le lien entre la rémunération et la performance devra être le maître-mot ». Plus que jamais, le comité de rémunération devra donc vérifier l’alignement du bonus avec la participation et l’intéressement versés à l’ensemble des salariés. Il pourra aussi se demander si les circonstances permettent de verser plus de 100% de la rémunération cible.
Des bonus 2021 exigeants mais atteignables
Si le conseil décide de modifier les règles de calcul du variable, il n’a pas nécessairement besoin de l’aval des actionnaires en AG. « Tout dépend du degré de précision de la politique de rémunération votée en 2020, explique Alexandre de Louvigny, avocat of counsel chez Avanty. Si la politique est large, un nouveau vote n’est pas nécessaire. En revanche l’utilisation de la clause de ‘circonstances exceptionnelles’ sera difficilement applicable, très peu de sociétés l’ayant prévue en amont. Plus généralement, en cas de modifications substantielles, nous recommandons aux sociétés de soumettre le nouveau bonus à l’assemblée générale dans un objectif de meilleure transparence ».
Après une année sans bonus, ou limité, pour un certain nombre de dirigeants, « les objectifs de variable 2021 devront être exigeants mais atteignables », conseille Jean de Calbiac.
Reformuler les plans de long terme
Conséquence d’une année 2020 difficile pour un grand nombre d’entreprises, les bénéficiaires de plan de long terme (LTI) 2020-2022 ne devraient rien toucher sur la période. Aussi, « il sera nécessaire de reformuler ces plans de LTI, explique Jean de Calbiac. Ces modifications ne nécessitent pas un nouveau vote en assemblée générale, mais les actionnaires doivent en être clairement informés ». Ces LTI doivent être assorties de conditions de performance, y compris les actions gratuites. Si le cap est fixé par l’assemblée générale, « il appartient au conseil d’administration et non aux actionnaires de décider des critères, comme le recommande l’Association nationale des sociétés par actions », poursuit Alexandre de Louvigny.
Alors que dans son rapport 2020 sur le gouvernement d’entreprise l’AMFsemble estimer que le vote ex-post – qui autorise le versement de la rémunération variable ou exceptionnelle – ne concerne pas seulement le bonus mais aussi les rémunérations en actions, « faut-il instaurer un vote ex-post contraignant sur les LTI ? Ce n’est pas ce que prévoit, à ce jour, la loi, rappelle Jean de Calbiac. Toutes les sociétés sont concernées chaque année ». Un éclairage du Haut comité de gouvernement d’entreprise ou une recommandation de l’Afep-Medef seraient nécessaires.
Par ailleurs, dans le climat actuel de restructuration des entreprises, « nous anticipons un regain massif d’intérêt pour le régime des préretraites », confie Jean de Calbiac. Le gouvernement pourrait aménager un nouveau mécanisme dans les prochaines semaines.
Respecter le droit français
Si la première année des ratios d’équité n’a suscité que de très rares réactions, au vu du contexte, les actionnaires pourraient être beaucoup plus exigeants en 2021. Les règles fixées par le législateur « sont très difficiles à appréhender, constate Alexandre de Louvigny. Les sociétés doivent adapter à leur situation les recommandations de l’Afep-Medef et surtout expliquer le périmètre retenu et l’analyse faite de ce ratio ».
Les anciennes batailles autour des « retraites-chapeau » ne sont plus d’actualité. Le nouveau régime de système de retraite à prestations définies à droits acquis, est « le seul outil permettant de donner des droits substantiels à retraite, rappelle Jean de Calbiac. Outil vertueux, avec un plafonnement des droits et des conditions de performance, il devrait être utilisé pour un périmètre élargi de cadres dirigeants. Il constitue notamment un atout pour attirer des talents étrangers ».
Alors que l’AFG demande aux conseils d’administration d’étudier les résolutions contestées, i.e. votées à moins de 80%, « les sociétés vont devoir s’interroger sur la manière de communiquer », ajoute Alexandre de Louvigny.
Plus largement, « nous devons promouvoir la primauté du droit français et européen en matière de rémunération des dirigeants, confie Jean de Calbiac. Attention à ne pas exporter des réglementations étrangères sous la pression des investisseurs anglo-saxons. Les sociétés françaises ne sont pas tenues à la logique américaine du pay-for-performance ». Dans ce domaine, « le risque est d’abord médiatique, bien avant la crainte d’un vote négatif ou de risques juridiques », conclut-il.
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