
Loïc Dessaint : «Proxinvest demande une représentativité actionnariale au conseil»

L’Agefi : Dans quelle cadre s’inscrit la politique de vote 2021 de Proxinvest ?
Loïc Dessaint : Elle est discutée chaque année avec notre comité d’orientation et dévoilée en janvier. Nous avons renouvelé cette année l’ensemble de notre comité d’orientation, présidé par Gérard Rameix, et réunissant trois collèges : investisseurs (6 membres), émetteurs (3 membres) et experts (2 membres).
Rappelons que grâce à ses partenaires européens, Proxinvest propose aux investisseurs un suivi d’environ 1.000 assemblées générales en Europe. Nous suivons directement à Paris près de 300 sociétés françaises, mais également des émetteurs belges et luxembourgeois. Notre modèle s’adresse aux investisseurs, nous ne faisons pas de recherche sponsorisée. En revanche, les émetteurs peuvent acquérir notre recherche, une fois que l’étude a été diffusée auprès des clients investisseurs. Si certaines sociétés aimeraient connaître plus tôt étude, nous sommes prêts à les rencontrer en amont des assemblées générales, avant le 15 mars.
Qu’attendez-vous en matière de composition des conseils ?
Nous demandons pour la première fois une représentativité actionnariale au sein du conseil d’administration. Il ne s’agit pas tant d’accueillir un actionnaire minoritaire au conseil, que de mettre en place un processus de recrutement d’un ou plusieurs administrateurs représentatifs des actionnaires minoritaires. Un principe inspiré du modèle italien. Une pratique mise en œuvre à l’époque par les conseils d’Eurotunnel et d’Atos en cooptant Colette Neuville.
Très attachés à la recherche légitime d’administrateurs offrant des compétences en matière de digital, de RSE, ou de connaissance des marchés clés de l’entreprise, les conseils doivent aussi prendre en compte la compétence actionnariale. Autrement dit la prise en compte des enjeux pour les actionnaires (dilution, etc.). Les relations investisseurs, directeurs financiers ou gestionnaires de fonds d’investissement constituent des profils adaptés.
Recommandez-vous toujours aux administrateurs de détenir un an de jetons de présence en actions de la société ?
Nous maintenons cette recommandation. Mais désormais, nous voterons contre le renouvellement de tout administrateur, qui ne détient pas au moins 25% de sa rémunération en actions. Nous invitons les sociétés à définir un minimum statutaire, alors qu’une loi de 2008 a supprimé cette obligation de détention. Toutefois, une certaine souplesse sera admise si le cours a fortement baissé, signe que les intérêts des administrateurs sont alignés sur ceux des investisseurs.
Incitez-vous les sociétés à adopter une raison d’être ?
Nous n’en faisons pas une recommandation, mais nous encourageons cette année les sociétés à y réfléchir. Alors que le processus émane essentiellement de l’interne, nous invitons les sociétés à consulter toutes les parties prenantes, y compris les actionnaires, trop souvent oubliés. Nous sommes favorables à l’adoption d’une raison d’être, mais ne nous prononçons pas sur l’inclusion ou non dans les statuts. La raison d’être donne du sens à l’entreprise, a un effet sur la politique de recrutement, et a un impact auprès des investisseurs, notamment en parallèle du développement de la gestion ISR.
Quelle attention porterez-vous aux rémunérations des dirigeants en cette période de Covid-19 ?
Pour faire face à cette situation inédite, nous avons annexé à notre politique de vote des recommandations valables seulement cette année. D’une part, nous demandons une répartition équitable des efforts entre les dirigeants, les salariés et les actionnaires dans le respect de principes de cohérence et d’exemplarité. D’autre part, toute société qui souhaiterait réviser sa politique de rémunération devra présenter une nouvelle résolution pour l’amender. Les actionnaires n’aiment en général pas cela. Ce changement devra donc être fait en toute transparence et bien explicité. Il est important de respecter la politique prédéfinie et de ne pas démotiver les équipes. Nous militons pour le maintien de plans de long terme, avec de réelles espérances de gains. Pour rappel, Proxinvest accepte que 20% de la rémunération variable soit discrétionnaire. Enfin, le variable annuel devra être proportionnel aux recours aux aides d’Etat (prêts garantis, chômage partiel…). Encore plus que d’habitude, nous ferons une analyse au cas par cas. Mais en toute hypothèse, nous serons très attentifs à l’impact de la crise sur les salariés.
Pour la deuxième année, les actionnaires voteront sur le rapport rémunération. Que regarderez-vous ?
Rappelons qu’en cas de rejet de cette résolution, la rémunération des administrateurs est suspendue. Aussi, nous recommanderons de voter le rapport sauf si les exigences légales ne sont pas respectées, sauf si les explications apportées après une contestation significative de cette résolution l’année précédente sont jugées insuffisantes, et sauf si les recommandations de l’Afep-Medef sur le ratio d’équité ne sont pas appliquées.
Quelles sont vos attentes en matière de ratio d’équité ?
Nous demandons au minimum un ratio sur le périmètre France (80% de la masse salariale ou des effectifs selon l’Afep-Medef), et si possible pour le monde entier. Si c’est impossible, l’entreprise doit le justifier. Nous serons particulièrement attentifs à l’évolution de ce ratio, plus qu’à son montant absolu.
Ajoutez-vous de nouvelles exigences sur les votes ex-ante et ex-post sur les rémunérations ?
Sur la politique de vote, nous demandons toujours plus de précisions, de transparence, et notamment des efforts sur la définition des critères ESG. Sur le say-on-pay, nous optons désormais pour une approche plus sectorielle et plus européenne. Ainsi, la rémunération totale ne devra pas excéder de plus de 50% la médiane de son indice boursier français et la médiane de son secteur européen. Nous ne voulons pas importer les pratiques américaines de rémunérations très élevées. Si les sociétés veulent utiliser d’autres comparables, elles devront les expliciter, à l’instar de ce que font notamment Total ou L’Oréal, et nous les indiquerons à nos clients investisseurs.
La crise vous incite-t-elle à émettre d’autres recommandations ?
Nous serons très attentifs aux restructurations financières, conséquences de la crise actuelle. Nous attendons notamment des concessions de la part des créanciers. Aussi, nous avons émis une recommandation négative sur Europcar, mais positive sur Genfit. Nous serons naturellement attentifs aux assemblées qui promettent d’être tendues ou importantes, comme chez Lagardère ou Suez.
A ce stade, nous n’émettons pas de recommandation précise sur les résolutions climatiques (« Say On Climate »). Mais nous sommes favorables à ce débat et à l’inscription à l’ordre du jour de ces résolutions.
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