
Le PDG d’EDF lance un plaidoyer pour le projet Hercule

Le projet Hercule de réorganisation d’EDF est nécessaire si le groupe énergétique, écrasé par le poids de sa dette, veut éviter un déclassement par rapport à ses concurrents européens, a déclaré son PDG, Jean-Bernard Lévy, entendu mercredi par la commission des Affaires économiques du Sénat.
« Cette réforme Hercule est nécessaire parce que notre développement, notre croissance, nos investissements sont gravement entravés par le niveau de la dette que nous avons accumulée depuis des années à cause de la régulation de l’Arenh », a déclaré Jean-Bernard Lévy, très critique à l'égard de l’Accès régulé à l'électricité nucléaire historique.
« Je compare l’Arenh à un poison qui a directement contribué en dix ans à faire d’EDF un acteur surendetté, dégradé à cinq reprises par les agences de notation, qui a cédé pour plus de 10 milliards d’euros d’actifs et a été recapitalisé à hauteur de 4 milliards d’euros, dont 3 milliards d’euros souscrits par l’Etat » français, a signifié le dirigeant. « Sans la présence de l’Etat au capital nous devrions interrompre notre programme d’investissements », a-t-il ajouté devant les sénateurs.
Pour Jean-Bernard Lévy, l’Arenh est fondé sur une injustice « évidente » car le mécanisme revient à subventionner les concurrents d’EDF. « L’Arenh nous expose sans aucune limite aux prix de vente les plus bas et, en cas de prix de marché élevés, nous impose de vendre notre production nucléaire à un prix plafonné, qui ne couvre pas les coûts du parc de production et qui n’a pas été réévalué de l’inflation depuis dix ans », a déploré le PDG.
Ajoutée à un manque à gagner estimé à 2 milliards d’euros au niveau du chiffre d’affaires en conséquence de la crise sanitaire, cette configuration risque de faire d’EDF « un opérateur de deuxième zone », selon Jean-Bernard Lévy.
Vif débat entre Paris et Bruxelles
Fin 2018, Emmanuel Macron a demandé à EDF de réfléchir à la réorganisation des activités du groupe afin « de renforcer sa contribution à la transition énergétique et de mettre en oeuvre les orientations définies dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) ». Cette réflexion a abouti au projet dit «Hercule».
Depuis, ce projet suscite un vif débat entre la France et la Commission européenne, qui porte sur le niveau de séparation des différentes filiales d’EDF et la nature des garde-fous qui permettraient de s’assurer que la réforme de la régulation du nucléaire français ne bénéficie pas aux autres activités du groupe, au détriment des concurrents et du consommateur.
Selon le plan français, les activités aval et de services, ainsi que le pôle d'énergies renouvelables et la filiale de distribution (Enedis), seraient regroupés dans un ensemble appelée «Vert», dont 30% du capital pourraient être ouverts à des investisseurs privés. Ce chiffre « n’est pas gravé dans le marbre », a prévenu mercredi Jean-Bernard Lévy lors de son audition au Sénat. La maison-mère, appelée EDF «Bleu», garderait directement les activités nucléaires et le parc hydraulique d’EDF.
La Commission européenne défend une vision différente: selon Bruxelles, il faudrait créer une société holding sans rôle opérationnel, qui n’exercerait ni contrôle ni influence sur ses filiales, cela afin de garantir un meilleur niveau de concurrence. L’ouverture à la concurrence des barrages hydroélectriques exploités par EDF en France, regroupés sous la bannière «Azur», entre aussi dans les discussions avec la commission européenne.
Le schéma poussé par Bruxelles va à l’encontre de l’idée défendue par Emmanuel Macron de garder EDF sous la forme d’un groupe intégré. Les syndicats d’EDF se mobilisent une nouvelle fois mercredi contre le projet de scission de l'énergéticien et comptent se rassembler devant l’Assemblée nationale.
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