Ghosn retourne en prison et demande l’aide de la France

La justice japonaise ferait-elle payer à Carlos Ghosn son audace? Alors qu’il avait promis hier dans son premier tweet de « dire la vérité » devant la presse le 11 avril, l’ancien patron de Renault-Nissan a été interpellé jeudi au petit matin à son domicile de Tokyo sur de nouveaux soupçons de malversations financières. Le parquet le soupçonne d’avoir transféré des fonds de Nissan, pour un total de 15 millions de dollars entre fin 2015 et mi-2018, à une société «de facto contrôlée par lui». Sur cette somme, 5 millions ont été détournés, a précisé le bureau des procureurs dans un communiqué. Déjà sous le coup de trois inculpations pour déclarations inexactes de revenus sur les années 2010 à 2018 et pour abus de confiance, Carlos Ghosn est donc désormais sous la menace d’une quatrième mise en examen.

L’ancien magnat de l’automobile a dénoncé une arrestation « révoltante et arbitraire ». Il a été plus tard conduit au centre de détention de Kosuge (nord de la capitale), où il a déjà passé plus de 100 jours avant d'être libéré sous caution il y a à peine un mois. « C’est contre l’esprit de la loi ou de ce que la loi prévoit, et c’est un acte qui ne doit pas arriver dans un pays civilisé », s’est insurgé devant la presse son avocat Me Junichiro Hinoraka, promettant d’utiliser tous les recours possibles pour obtenir sa remise en liberté. Le défenseur a par ailleurs dénoncé la confiscation du téléphone sans accès à internet de son client et de l’ensemble de ses notes, ainsi que du smartphone de sa femme, privée aussi de son passeport. De son côté, le parquet a justifié cette décision par « un risque de destruction des preuves », selon le procureur-adjoint, Shin Kukimoto.

Alerté dès mercredi par des rumeurs de presse, l’homme d’affaires de 65 ans s'était préparé à cette éventualité. «Il a enregistré une vidéo résumant son point de vue, document que nous prévoyons de diffuser», a annoncé Me Hironaka. Le magnat de l’automobile déchu avait aussi rédigé une déclaration écrite, clamant son innocence. «Pourquoi venir m’arrêter alors que je n’entravais en rien la procédure en cours, sinon pour me briser?», a-t-il lancé. Cette arrestation «fait partie d’une nouvelle manoeuvre de certains individus chez Nissan qui vise à m’empêcher de me défendre en manipulant les procureurs», a-t-il accusé. Il a également accordé un entretien mercredi en urgence à TF1/LCI par Skype. «Je fais appel au gouvernement français pour me défendre, pour préserver mes droits en tant que citoyen pris dans un engrenage incroyable à l'étranger», a-t-il insisté.

Selon une source proche du dossier citée par l’AFP, le procédé de transfert de fonds reproché à Carlos Ghosn a débuté dès 2012, portant sur une somme totale de plus de 30 millions de dollars versée à un distributeur de véhicules Nissan à Oman, montants dont une partie lui serait revenue indirectement. Il aurait notamment acheté un yacht et investi dans une société dirigée par son fils aux Etats-Unis. Des flux financiers similaires ont été signalés la semaine dernière par Renault à la justice française, à l’issue d’une enquête interne du constructeur qui s’interroge aussi sur des dépenses opaques au sein de la filiale commune avec Nissan, RNBV, basée aux Pays-Bas.

«Carlos Ghosn est un justiciable comme les autres. Il bénéficie de la présomption d’innocence», a réagi jeudi le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, tout en assurant avoir demandé, en tant qu’actionnaire de Renault, «la transparence totale».

Nissan tiendra lundi une assemblée générale extraordinaire d’actionnaires. Le mandat d’administrateur de M. Ghosn devrait être révoqué, coupant tous ses liens avec l’entreprise qu’il a naguère sauvée de la faillite.

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